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LE RAVISSEMENT d’Iris Kaltenbäck : la critique du film

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Nom : Le Ravissement
Mère : Iris Kaltenbäck
Date de naissance : 11 octobre 2023
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h37 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Hafsia HerziAlexis ManentiNina Meurisse

Signes particuliers : Un premier film exceptionnel. 

Synopsis : Comment la vie de Lydia, sage-femme très investie dans son travail, a-t-elle déraillé ? Est-ce sa rupture amoureuse, la grossesse de sa meilleure amie Salomé, ou la rencontre de Milos, un possible nouvel amour ? Lydia s’enferme dans une spirale de mensonges et leur vie à tous bascule…

 

UNE INTIME TRAGEDIE DECHIRANTE

NOTRE AVIS SUR LE RAVISSEMENT

Quand tu es une jeune cinéaste qui réalise son premier long-métrage, que tu cites comme références Marguerite Duras, Taxi Driver, Panique à Needle Park ou les films de Hou Hsiao-Hsien et que tu t’inspires d’un fait divers effrayant avec le désir d’en faire un film poignant traitant de multiples thématiques, autant dire que tu n’as plutôt pas intérêt de te louper pour éviter d’être couverte de ridicule. Iris Kaltenbäck a osé, Iris Kaltenbäck a triomphé. À Cannes tout d’abord, où elle a remporté le prix SACD à la Semaine de la Critique, puis en salles où elle a su atteindre le cœur des spectateurs ayant croisé son « Ravissement ». Le Ravissement est un bijou de cinéma, un film émotionnellement fort et profondément passionnant dans ce qu’il raconte en creux sur nos sociétés modernes.

A la base, un fait divers sur lequel Iris Kaltenbäck est tombé en préparant son court-métrage Le Vol des Cigognes. Une femme avait « emprunté » l’enfant d’une amie pour faire croire à un homme qu’elle en était la mère. Glaçant. Glaçant mais tellement évocateur de la solitude et du déséquilibre qui enveloppent tant d’âmes esseulées. Tout cela a germé dans l’esprit d’Iris Kaltenbäck et voilà, des années plus tard, Le Ravissement. Un immense coup de cœur et coup au cœur, porté par une exceptionnelle Hafsia Herzi, probablement l’une des comédiennes (et réalisatrice) les plus sous-côtées en France.

A travers ce drame bouleversant peignant la solitude d’une jeune parisienne émotionnellement fragile qui a peur de l’abandon, elle qui n’a jamais connu ses parents et que son conjoint quitte brutalement, Iris Kaltenbäck signe un film dévastateur dont l’impressionnante maîtrise n’a d’égale que la puissance viscérale qui s’en dégage. Sa meilleure amie et son métier de sage-femme sont tout ce que Lydia a dans sa vie. Quand la première lui annonce être enceinte, elle sait. Elle sait qu’elle va être reléguée au second plan, qu’elle va perdre la présence indéfectible d’un être qui est tout pour elle. Ce point va être la bascule psychologique d’une femme au pouvoir empathique indescriptible. Elle va tout faire pour rester dans sa vie, pour s’inviter aussi de force dans celle d’un nouvel homme qu’elle vient de rencontrer, poussée par son instabilité émotionnelle. Loin d’un drame frissonnant comme Chanson Douce par exemple, Le Ravissement utilise un fait divers pour nous plonger avec une infinie tristesse dans un portrait de femme chargé en symbolisme.

De Taxi Driver ou de Panique à Needle Park, Iris Kaltenbäck reprend à son compte le portrait de l’angoissante solitude dans les grandes villes qui donne le vertige aux esprits les plus fragiles. D’un roman de Duras, elle trouve le titre de son film. De Hou Hsiao-Hsien, elle s’inspire de son regard intimiste sur les esseulées qui errent à la recherche d’un but dans l’immensité des villes froides. Ces références conjuguées à son regard sur la détresse psychologique, la peur de l’isolement, la maternité, le tout additionné à la voix off planante d’un témoin abîmé par l’histoire et qui la raconte avec empathie, additionné à une formidable grâce tant narrative que formelle et à la justesse permanente qui habite l’histoire comme le jeu subjuguant d’Hafsia Herzi (dont on devine les fêlures de son personnage sur son visage), tout s’agence à la perfection telle une symphonie terrible qui prend à la gorge et aux tripes. Arborant les visages de la tragédie, du thriller intime voire parfois du film noir, Le Ravissement est brillant, un portrait subtil et complexe de l’ambiguïté de l’âme humaine. Un premier film incroyable qui en dit beaucoup à travers ses personnages, ses silences, ses sourires, à travers des petites phrases, à travers ses mystères et ses non-dits qui pourtant hurlent tellement fort dans la retenue. Extraordinaire et déchirant.

 

 

Par Nicolas Rieux

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