Mondociné

ASSASSINATION NATION de Sam Levinson : la critique du film

Partagez cet article
Spectateurs

[Note des spectateurs]

La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Père : Sam Levinson
Date de naissance : 2018
Majorité : 05 décembre 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h50 / Poids : NC
Genre : Drame, Thriller

Livret de famille : Odessa Young, Suki Waterhouse, Hari Nef…

Signes particuliers : Fou, furieux, badass, politique  : une barre de dynamite en film !

ATTENTION : FILM CHOC

LA CRITIQUE DE ASSASSINATION NATION

Synopsis : Comme partout ailleurs, Lily, élève de terminale, et son cercle d’amis évoluent constamment dans un univers de textos, selfies, tchats et autres « posts » sur les réseaux sociaux. Quand un hacker se met à publier des détails personnels et compromettants sur les habitants de leur petite ville, celle-ci sombre rapidement dans la folie pure. Lily et ses camarades survivront-elles à cette nuit infernale ?

Il y a six ans, Sam Levinson, fils de Barry, faisait son entrée dans le grand bain du long-métrage avec la comédie indé Another Happy Day. Des débuts pas très convaincants mais que le cinéaste pourrait bien faire oublier d’un seul geste grâce à son second effort, l’hallucinant et très énervé Assassination Nation, qui a connu les honneurs d’une séance de minuit à Sundance avant d’être montré à Sitges. Virée complètement tarée à Salem dans le Massachusetts américain, Assassination Nation narre le cauchemar de quatre adolescentes victimes de la folie qui va embraser leur petite ville. Comme beaucoup d’ados de leur génération, Lily, Sara, Bex et Em vivent au rythme des réseaux sociaux, des soirées entre copines, des cours et des garçons. Lorsqu’un hacker se met à balancer sur la toile les données personnelles des habitants de Salem, tout va déraper et la glissade va aller très loin. Trop loin.

Assassination Nation est un film choc et Sam Levinson prévient d’emblée son public avant même de balancer la sauce. Le menu sera composé d’un mélange de violence, de sexe, de sang, de torture, de folie et autres joyeuseries qui vont imprimer la rétine au fer rouge. Et le résultat pourrait bien être appelé à devenir un film culte emblématique de son époque. Dans le détail, Assassination Nation, c’est l’histoire d’une petite ville qui part en vrille. Comprenez par extension au-delà de la petite Salem, une Amérique toute entière, en pleine perte de repères, devenue lâche, hypocrite, vile, salie et salissante. Portrait rageur et furieusement pop d’une société qui collapse, désormais dépravée et sans limites, paumée, violente et agonisante, le film de Sam Levinson est un brûlot bouillonnant qui tire à tout-va en croisant les genres, bien plus terrifiant que les faiblards American Nightmare, plus impertinent que le Spring Breakers d’Harmony Korine, plus fou qu’un polar des frères Coen, plus hard-boiled qu’un Tarantino, bien remonté que les derniers Larry Clarke, et plus politisé que le récent Blindspotting.

Avec un formaliste visuel et stylistique ultra-chargé tapant sans retenue dans les couleurs vives, la musique forte, le split screen, les inscriptions à l’écran et on passe, Assassination Nation fait de la vulgarité formelle une sorte de seconde peau assumée qui martèle le propos sous-jacent. On frôle en permanence l’overdose autour de plans prodigieusement pensés et élaborés (le coup du drapeau américain renversé dans le gymnase est incroyable), mais ce parti pris est sans cesse au service de la peinture d’une Amérique engluée dans cette course effrénée vers la mort. Gigantesque descente aux enfers montrant comment nos sociétés sont à deux doigts d’exploser, Assassination Nation imagine une situation insensée et pourtant terriblement crédible, où l’essence est là, le gaz ouvert, partout, et il ne manque que l’étincelle pour que la folie s’emballe et s’embrase.

Que se passerait-il si les secrets de tous étaient dévoilés ? Si la vie privée était morte ? C’est en substance ce avec quoi joue les ressorts du scénario du film de Levinson. Avec les réseaux sociaux comme dynamiteur déformant de tout. Si les murs des maisons abritant les secrets de tous s’effondraient, c’est toute l’humanité de nos sociétés qui s’écrouleraient avec eux. Et c’est ce que présente Assassination Nation. Une société qui révèle soudainement son vrai visage quand une étincelle anéantit le garde-fou de la vie privée. Et là, l’horreur explose sous l’impulsion de ce qu’est devenu le monde actuel. La société se serait-elle libérée trop vite, trop fort, au point de devenir incontrôlable ? En voulant défendre ces idéaux de liberté totale, en aurait-elle pas un peu trop abusé au point de tout détruire sur son passage ? Certains pourront voir dans l’entreprise de Levinson un film réac, là où d’autres verront un regard lucide sur un modèle sociétal en perdition. C’est la loi des films dérangeants et frondeurs.

Sur le fond et à travers un périple frappadingue entre horreur, action, humour et tragédie, Assassination Nation ne vise qu’à démontrer que nos sociétés modernes sont régies par l’art de l’être et du paraître poussé à l’extrême, cloisonnées par des murs poreux où les criminels sont cachés sous de belles apparences et où les gens bien sont accusés de tout, où les protecteurs pourraient être les agresseurs de l’ombre et où les innocents pourraient être jetés en pâture déchiquetés par un système à la vision éphémère qui ne cherche plus à comprendre et qui juge tout trop vite, appâté par l’odeur du sang, du scandale et du vindicatif exutoire. C’est au final tout l’argument narratif du film, montrer qu’une bombe lâchée sur les réseaux sociaux et internet déclenche une hystérie hallucinante car de nos jours, tout monte vite, tout part vite dans les extrêmes. Seul regret, un final qui s’offre en prime un discours ultra-féministe pas forcément utile et limite hors-propos eu regard de la cohérence de l’œuvre. Un détail sur lequel on passera pour ne garder que le choc d’un film déchaîné et frénétique qui avance la bave aux lèvres, pour faire la démonstration d’à quel point notre monde en parti en sucette et vit désormais à l’envers… au point de « vouloir la mort de quatre adolescentes ».


BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Close
Première visite ?
Retrouvez Mondocine sur les réseaux sociaux