Neuvième numéro de notre nouveau rendez-vous « ciné-club » du samedi. Le « Wall Ciné Pictures » c’est un coup de projecteur hebdomadaire sur trois films, anciens ou récents, connus ou méconnus, d’un horizon à un autre. Histoire de se balader ensemble dans l’incroyable vivier du septième art et peut-être, de vous donner des idées ou envies, de voir ou revoir tout un tas de films ! Escale n°9, focus sur un classique du film catastrophe, sur le premier Martin Scorsese et sur un étrange drame teinté de fantastique…
TREMBLEMENT DE TERRE
De Mark Robson – 1974 – 2h03
Genre : Catastrophe – USA
Avec : Charlton Heston, Ava Gardner, Lorne Greene, George Kennedy, Geneviève Bujold, Richard Roundtree, Victoria Principal, Walter Matthau, Barry Sullivan, John Randolph, Pedro Armantiz Jr…
Synopsis : Un tremblement de terre d’une rare violence frappe Los Angeles. Le récit de cette journée de chaos est raconté du point de vue de quelques habitants de la ville…
Bien avant les Michael Bay et autre Roland Emmerich, les 70’s auront été la décennie bénie pour le cinéma catastrophe. Friand de ces aventures spectaculaires et angoissantes, qu’elles soient sur un bateau (L’Aventure du Poséïdon), dans les airs (la série des Airports) ou dans une tour (La Tour Infernale), le public se ruait massivement pour assister à ces cauchemars redoutés, parce qu’ils avaient ce petit quelque-chose de plausible qui pourrait arriver demain, contrairement aux autres genres à frissons tels que l’horreur ou le fantastique. Au plus fort de la « vague », les studios s’étaient mis à produire des films catastrophes à tour de bras, avec du bon et du moins bon. Logique. Pour un magistral La Tour Infernale, un navet comme Alerte en Plein Ciel… Structurellement, le canevas était souvent similaire, avec une longue exposition présentant les nombreux personnages, puis le moment de bravoure attendu (la catastrophe) souvent expédié en quelques minutes, et enfin le troisième acte avec les conséquences du drame, sa gestion et sa résolution. Parmi les réussites de l’époque, on aura retenu Tremblement de Terre de Mark Robson (Plus Dure sera la Chute avec Bogart), centré sur la peur américaine du fameux Big One supposé ravager un jour Los Angeles. Ultra-classique sur la forme, comptant sur un gros casting de stars, produit par Robert Wise et écrit par Mario Puzo (Le Parrain), Tremblement de Terre ne brillait pas par son originalité mais répondait à tous les codes du genre. Universal avait mis le paquet pour la promo du film, allant jusqu’à développer un système de sonorisation dernier cri, disposé aux quatre coins des salles et jouant avec les très basses fréquences envoyées par de puissants haut-parleurs pour donner une impression de tremblement de terre. Un système vite abandonné en raison des nuisances sonores qu’il provoquait aussi bien auprès des spectateurs que des salles, dont certaines furent endommagées. De même, le studio alla jusqu’à faire courir la rumeur qu’un vrai tremblement de terre aurait eu lieu pendant une projection ! Une chose est sûre, Tremblement de Terre est un modèle du genre, pour son récit intense et trépidant, mais surtout pour ses effets et trucages sensationnels. A ce titre, la scène incontournable des secousses telluriques mérite à elle seule le détour, pour sa généreuse longueur et pour son rendu bluffant et ultra-efficace. Gros divertissement à base de destructions massives ravageant un Los Angeles plongé dans un chaos sans nom, Tremblement de Terre fut un succès, et sans doute un film de chevet pour le futur Emmerich.
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WHO’S THAT KNOCKING AT MY DOOR
De Martin Scorsese – 1967 – 1h25
Genre : Drame – USA
Avec : Harvey Keitel, Catherine Scorsese, Anne Collette, Tsuai Yu-Lan…
Synopsis : Une petite frappe du quartier italo-américain new-yorkais, tombe amoureux de la belle Sally. Il veut l’épouser mais apprend qu’elle a été violé dans le passé. Il n’en supportera pas l’idée et la rejette…
Scorsese, Godard, Tarantino. Qu’est-ce que ces trois noms de cinéma peuvent bien avoir en commun ? La réponse est à chercher dans Who’s that Knocking at my Door, premier long-métrage de Martin Scorsese. « Inspiré de Jean-Luc Godard et a inspiré Quentin Tarantino« , telle est l’épitaphe que l’on pourrait graver sur le monument à la gloire de ce premier chef-d’œuvre d’un réalisateur qui faisait alors une entrée fracassante dans le monde du septième art. Quelque-part entre le néo-expérimentalisme formel et la romance tragique, Who’s that Knocking at my Door était à la base un film de fin d’étude, retravaillé ensuite pendant près de trois ans. Parfois baptisé I Call First ou J.R (du nom de son personnage principal interprété par un tout jeune Harvey Keitel), Who’s that Knocking at my Door ne connaîtra qu’une exploitation confidentielle après avoir été présenté au Festival de New York. Filmé en noir et blanc, en 16 et en 35 mm, Who’s that Knocking at my Door est un drame dessinant les contours du cinéma scorsesien des débuts, mêlant chronique de la petite criminalité new-yorkaise et drames douloureux de personnages paumés, en décalage avec la vie et la société dans laquelle ils s’insèrent bien mal. La religion, le quartier pauvre de Little Italy, la sexualité, la violence, la délinquance, la cinéphilie d’un auteur passionné par la Nouvelle Vague française (A Bout de Souffle notamment), la virtuosité de sa mise en scène, le réalisme, la force de dialogues inspirés du vocabulaire de la rue, les tiraillements moraux, autant d’éléments qui vont jalonner toute son œuvre à venir et qui transpiraient déjà des pores d’un film riche et passionnant. Exceptionnel de maîtrise pour un premier film, il incarne le meilleur d’un Scorsese pas encore dans un cinéma sublimement clinquant mais pour l’heure, dans une recherche de l’expérimentation qui ne domine jamais son histoire et des personnages auquel il laisse la part belle, à commencer par son J.R, jeune homme tiraillé entre son éducation catholique, son machisme et ce bel amour naissant mais contraint par un lourd secret dramatique qu’il ne sait comment appréhender. Plein de doute, de démons intérieurs, de culpabilité, d’égo et d’image, J.R est un superbe anti-héros romantique et Who’s that Knocking at my Door un bijou.
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INFORMERS
De Gregor Jordan – 2008 – 1h38
Genre : Drame – USA
Avec : Jon Foster, Austin Nichols, Amber Heard, Rhys Ifans, Winona Ryder, Kim Basinger, Billy Bob Thornton, Brad Renfro, Mickey Rourke, Chris Isaak, Suzanne Ford…
Synopsis : Une ville gouvernée par les dépendances de toutes sortes – sexe, drogues, argent, pouvoir – où la jeunesse est perdue, où l’amour est éphémère, où chaque nuit est une fuite en avant. Mais tôt ou tard, la fête est finie et la gueule de bois peut s’avérer mortelle…
Adaptation d’un roman de Brett Easton Ellis, Informers est un étrange ovni mis en scène par un Gregor Jordan (Ned Kelly avec Heath Ledger) qui jongle entre le drame, le thriller et le fantastique vampirique, tout en brouillant les cartes du tangible et du fantasmagorique dans une ambiance à la fois enivrante et délétère. Soutenu par un casting impressionnant, Informers se veut le récit de la dérive d’une jeunesse en mal de repères moraux, s’adonnant aux fêtes, à l’alcool, à la drogue ou aux orgies épicuriennes sans se soucier de la réalité. Film assez difficile à appréhender, pas toujours très linéaire et explicatif, évoluant sur une mince frontière entre réel et irréel, comme une nappe de brouillard qui nous emporte au gré des pérégrinations de ces corps perdus fonçant tête baissée vers un mur, Informers déroute autant qu’il fascine. On ne sait jamais trop où le long-métrage de Gregor Jordan nous conduit, tout comme on ne sait jamais vraiment où le classer. Drame tragique sur une jeunesse en perdition abonnée à l’ennui, à la futilité et raccrochée aux dépendances diverses, récit douloureux de quelques âmes en peine paumées dans une vie qui ressemble plus à une fuite en avant sans trop savoir où descendre du train, Informers reste toujours « à la lisière » de tout, et c’est ce qui lui confère cette atmosphère d’étrangeté permanente et cette allure d’expérience lancinante, que certains trouveront vaine et d’autres, sensorielle. Informers aura de quoi rebuter plus d’un spectateur, pour son esthétique glacée, son rythme lent ou sa finalité mystérieuse. Toujours est-il que Jordan accouche d’un travail intéressant, éloigné des codes du cinéma classique, étrangement lumineux et déprimant, duquel il se dégage une impression curieuse d’avoir traversé un chaos organisé et lucide aux nombreux niveaux de lecture. Sinon, plus terre-à-terre, Amber Heard y est totalement nue tout le temps, on dit ça, on dit rien.
A samedi prochain !
Par Nicolas Rieux