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TEL PÈRE, TEL FILS de Hirokazu Kore-Eda
en salles – critique (drame)

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21003660_20131108102404011.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxMondo-mètre :
note 7
Carte d’identité :
Nom : Soshite Chichi ni Naru
Père : Hirokazu Kore-Eda
Livret de famille : Masaharu Fukuyama (Ryoto), Machiko Ono (Midori), Lily Franky (Yudai), Yoko Maki (Yukari), Keita Ninomiya (Keita), Shogen Hwang (Ruysei), Jun Fubuki (Nobuko)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 25 décembre 2013 (en salles)
Nationalité : Japon
Taille : 2h01
Poids : Budget NC

Signes particuliers (+) : Kore-Eda propose une autre vision sur un sujet que l’on connaît bien, plus dramatique, plus centrée sur l’humain et délestée du prisme du sentimentalisme facile. Délicat, intimiste, mâture, le film pose les bonnes questions et creuse avec beaucoup de courage ses thématiques sous un angle ancré dans le pragmatique de la peinture de la situation. Et au milieu de cet drame tragique, se révèlent avec splendeur des personnages qui existent au-delà de leurs fonctions. C’est fin, ça se mange sans faim.

Signes particuliers (-) : On regrettera juste le schématisme des protagonistes, l’oeuvre jouant sur les mêmes éternelles oppositions que chez ses prédécesseurs, et l’angle unique adopté, choisissant une famille précise pour raconter son histoire là où il aurait été intéressant de jongler entre les deux visions. Question de parti pris.

 

LA VIE JAPONAISE EST UN LONG FLEUVE TRANQUILLE…

Résumé : Ryoata, un architecte obsédé par la réussite professionnelle, forme avec sa jeune épouse et leur fils de 6 ans une famille idéale. Tous ses repères volent en éclats quand la maternité de l’hôpital où est né leur enfant leur apprend que deux nourrissons ont été échangés à la naissance : le garçon qu’il a élevé n’est pas le sien et leur fils biologique a grandi dans un milieu plus modeste…

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L’INTRO :

L’éternelle histoire de l’échange de bébé à la maternité venant bouleverser la vie deux familles stupéfaites, refait surface cette fois-ci du côté du Japon, sous la caméra du nippon Hirokazu Kore-Eda, qui s’est emparé avec cette nouvelle œuvre du Prix du Jury au dernier Festival de Cannes, manifestation dont il est l’un des grands habitués maintenant puisqu’il s’agissait là de quatrième participation en tant qu’auteur après Distance, Nobody Knows et Air Doll. On se souvient tous du traitement comico-dramatique de la chose chez Chatiliez avec le culte La vie est un long fleuve tranquille, on a eu récemment une version plus « politisée » l’an passé avec Le Fils de l’Autre de Lorraine Levy qui situait son histoire en plein conflit israélo-palestinien, et voici venir maintenant le versant plus pragmatique avec Tel Père, Tel Fils, où deux familles que tout oppose se retrouvent confrontés aux affres de cette situation infernale.

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L’AVIS :

Tel Père, Tel Fils reprend grosso modo les mêmes ingrédients que ses prédécesseurs à savoir une famille riche face à une famille modeste, un enfant élevé dans le confort face à un alter ego élevé avec amour dans la simplicité. Kore-Eda multiplie ensuite les oppositions classiques, du père absorbé par son travail et délaissant sa famille vs le père flemmard préférant passer du temps avec les siens plutôt que se tuer à la tâche, à l’enfant jouant du piano face à un autre préférant sa console portable, en passant par la famille « guindée » citadine face à celle famille pas loin de passer pour des ploucs campagnards etc…

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Sur la base d’un postulat que l’on connaît bien en Occident, on se demandait bien ce que Kore-Eda allait pouvoir apporter de nouveau côté traitement, à une histoire archi-rebattue et tout particulièrement pour le public français. La réponse est simple : la froideur du concret à la japonaise. Globalement glacial comme un carrelage en hiver, Tel Père, Tel Fils ne joue pas dans la même cour que les films précités. L’humour noir de Chatiliez est absent, l’humour tout court d’ailleurs, le contexte est plus « classique » que chez Lorraine Levy qui jouait essentiellement sur un cadre complexifiant la problématique de la situation, et la pudeur du cinéma japonais évacue en grande partie les sentiments pour s’immerger dans un pragmatisme surprenant, pour ne pas dire déroutant. Hormis l’affect, comment gérer cette situation ? Kore-Eda délaisse les situations larmoyantes chères au sujet et ne recherche pas vraiment l’émotion à outrance. Le cinéaste s’attache plutôt à détailler le concret des évènements, la mécanique de déroulement, les réunions d’avocats, le procès, les rencontres entre les deux familles, la gestion de la « transaction » et les implications qu’elle suscite. Sans détour, le cinéaste nous confronte avec l’horreur du drame et nous laisse dans un terre à terre qui en accentue la dimension inextricable. Le résultat manque peut-être d’émotion à fleur de peau, mais il pose les bonnes questions avec maturité et réserve, et nous montre l’évolution psychologique de ses personnages avec une immense finesse.

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Seul ombre au tableau, la caricature. Si Chatiliez en jouait pour tirer des situations comiques, Kore-Eda, lui, emprunte un style nettement plus sérieux. Les clichés passent du coup avec moins d’aisance et finissent par réduire l’impact du film tant ils sont appuyés par la narration. D’autant que cette dernière privilégie un angle à l’autre. On aurait aimé voir le metteur en scène approchait ses deux optiques, jonglait d’une famille à l’autre et ainsi donner un tableau plus définitif sur son histoire. Mais Kore-Eda choisit. Ce sera le prisme de la famille aisée qui l’emportera et « l’autre » ne sera perçue que par son regard. Dommage.

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Malgré tout, Tel Père, Tel Fils est une belle approche de son sujet, fortement ancré dans la culture japonaise et ses valeurs culturelles. Kore-Eda fait preuve d’une maîtrise magistrale et réussit à saisir avec une immense intelligence certains moments de ce processus de reconstruction complexe, notamment dans les dilemmes personnels qui affleurent. Rejetant le sentimentalisme facile, le cinéaste livre une approche très adulte de son sujet, montrant ce que d’autres n’auraient pas montré et vice et versa. Le résultat donne lieu à une belle leçon de cinéma, un peu longue dans sa conclusion, mais néanmoins saisissante et pertinente sur les thématiques abordées, la question de la filiation, la dualité entre les liens du sang et les liens des sentiments tissés, la problématique du cadre et du regard social, la place et le ressenti de l’enfant au centre de ce conflit « de grands », le tout dans une société japonaise aux codes de pudeur singuliers. De splendides comédiens incarnent à merveille cette œuvre subtile, sensible et touchante à sa manière, qui, oui, apporte un regard neuf sur un sujet connu.

Bande-annonce :

Par Nicolas Rieux

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