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PROMISED LAND (critique – thriller dramatique)

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note 6
Carte d’identité :
Nom : Promised Land
Père : Gus Van Sant
Livret de famille : Matt Damon (Steve Butler), Frances McDormand (Sue Thomason), Rosemarie DeWitt (Alice), John Krasinski (Dustin Noble), Hal Holbrook (Frank Yates), Lucas Black (Paul), Scott McNairy (Jeff), Titus Welliver (Rob)…
Date de naissance : 2013
Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 1h46 – 15 millions $

Signes particuliers (+) : Un Matt Damon tout en subtilité dans un film à la sobriété louable, fable pédagogique dénonciatrice privilégiant l’énonciation calme et respectueuse à la charge manichéenne aveuglée, mâtinée d’un soupçon de thriller tirant dans la même direction que le reste. Un film intelligent et bien exécuté.

Signes particuliers (-) : Quelques maladresses et facilités et un final qui tombe dans le ridicule dans ses ultimes instants au risque de décrédibiliser toute l’entreprise.

 

LA RUÉE VERS L’OR GAZEUX

Résumé : Deux émissaires d’un grand groupe énergétique sont envoyés dans une petite bourgade agricole en pensant tirer partie de la crise économique qui sévit pour forcer les habitants à accepter leur offre lucrative visant l’exploitation du gaz de schiste sur leurs terrains. Mais ils vont rencontrer une opposition inattendue d’un écologiste isolé et motivé…

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Avis de tempête ces derniers temps sur la carrière chahutée de Gus Van Sant. Après le formidable et vertigineux drame Paranoid Park en 2007, le cinéaste engagé américain a connu une zone de turbulence avec d’abord un fort médiocre Harvey Milk en 2008 même si l’accueil qui lui a été réservé n’a pas été catastrophique compte tenu de son sujet fort et résonnant d’actualité, puis un mitigé Restless en 2011, romance dramatique mignonne mais très anecdotique dans sa filmographie. Le metteur en scène d’Elephant nous revient donc en 2013 avec un sujet fort, un drame dénonciateur visant l’industrie énergétique sans virulence mais au contraire avec un calme exemplaire et énonciateur, pointant du doigt ses pratiques douteuses et les ravages qu’elle cause. La charge est l’occasion au passage de signer ses retrouvailles avec l’acteur Matt Damon quinze ans après Will Hunting et dix après Gerry (Damon que l’on sait très engagé dans tout un tas de causes nobles dont la cause écologique comme avec sa fondation pour le développement de l’eau potable en Afrique, ce qui lui avait valu un petit clin d’œil humoristique dans la série sur Hollywood Entourage). Matt Damon qui est d’ailleurs à la source du projet puisqu’il n’en est pas seulement l’interprète mais également le scénariste, en duo avec un autre comédien du film, John Krasinski, d’après un sujet de Dave Eggers (scénariste qui a connu Krasinski sur le Away We Go de Sam Mendes qu’il avait écrit). Dans l’ordre, c’est plus précisément Krasinski qui a parlé à Damon du projet avant que les deux ne se lancent passionnément dans l’écriture de ce thriller dramatique. Et c’est ensuite Matt Damon qui a rameuté son ami Van Sant à bord du projet puisque, faute de place dans son agenda (faut dire qu’il enchaîne Damon – voir Elysium dans la section news du site), l’acteur a dû en abandonner la réalisation. C’est en parlant de son problème au cinéaste qu’il a trouvé la solution au problème puisque Van Sant s’est immédiatement montré très intéressé par le projet.

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Tourné en un temps record (30 jours) et pour un budget assez limité (15 millions), Promised land est un film qui privilégie l’authenticité et la force de son sujet à toute autre considération spectaculaire ou de suspens. Du moins, c’est l’objectif visé par le réalisateur et ses comédiens dont Frances McDormand qui vient se rajouter au casting, tout comme le vieillissant Hal Holbrook. Le but était de mettre en exergue les pratiques des grands groupes énergétiques sans foi ni loi, ni scrupules, prêt à tout pour mettre la main sur ce qu’ils veulent y compris aux pires malversations déguisées. Promised Land va d’ailleurs loin dans la dénonciation tout en sachant rester sobre, sans emballement, sans effusion ni élan aveuglé ou exalté, mais au contraire, en se montrant presque désabusé par souci de réalisme collant avec la triste réalité des choses. Pots de vin, malversations financières, mensonges, complots, le film présente une peinture assez froide d’un monde assez cynique et cruel ne reculant devant rien pour tirer des profits au mépris des enjeux humains ou naturels, au mépris des ravages et dommages collatéraux qu’ils peuvent causer par répercutions.

Promise Land

Promised Land n’est pas le premier à aborder ce sujet et il n’est pas le meilleur non plus. Mais Gus Van Sant et ses acteurs arrivent à nous embarquer dans leur cause grâce au réalisme de l’entreprise qui s’applique à rester dans l’humain, dans la crédibilité. Et pour se faire, il s’applique à ne diaboliser personne, à ne pas chercher à jouer la carte d’un manichéisme facile si ce n’est celui visant le grand méchant de la farce, la fictionnalisée société Global, monstre tentaculaire raisonnant en milliards de dollars. Ses émissaires envoyés sur place dans cette petite ville agricole pauvre (Matt Damon et Frances McDormand) sont deux êtres humains normaux, avec leurs travers et leurs qualités, leurs motivations et leurs doutes, leur conscience et leur sincérité relative, faisant juste leur job même s’il n’est pas bien reluisant voire moralement douteux. Mais même dans leur cas et avec beaucoup de pudeur et de discrétion, Gus Van Sant arrive à dévoiler les fissures de leur. L’un boit peut-être un peu de trop, l’autre ne parvient pas en privé à cacher sa déprime d’être toujours en déplacement et de ne jamais voir son fils… Deux personnages qui auraient pu être les pires des salauds avec leurs papiers et leurs sourires de complaisance mais qui deviennent humains sous l’objectif de la caméra de Van Sant qui s’applique à leur donner de l’intensité, du corps et à les ancrer dans une réalité intimiste intéressante plutôt que d’en faire le mal d’une opposition facile entre émissaires ignobles et gentils écologistes.

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Le résultat de ce travail amène à beaucoup d’émotion cachée, à une forme de mélancolie latente résiduelle transpirant des séquences simples. Promised Land fait très pudique pendant une bonne partie de son déroulement mais naît de cette pudeur modeste une forme de sensibilité à fleur de peau qui ne fait que renforcer la dénonciation des manipulations de ce grand groupe sans scrupules qui veut faire main basse sur des terres potentiellement juteuses en gaz naturel au mépris de la vie des habitants locaux. Pour autant, le film ne dévie pas vers le pamphlet acide et furieux. Van Sant préfère rester dans la justesse calme et la retenue pour aller chercher une forme de vérité peut-être plus authentique que s’il n’avait tiré à boulets rouges contre son ennemi du jour. Et finalement, la charge n’en a que plus de force alors que l’horreur se dessine de façon insidieuse par la lenteur minutieuse du complot qui se met en place derrière les sourires et les bonnes manières en réalité jouées comme un rôle -témoin, cette façon qu’a le personnage de Steve Butler (Matt Damon) de faire son arrivée dans une ferme par le biais de l’humour envers un enfant, représentation à la sincérité douteuse tant elle est répétée de façon mécanique, la mission en perspective visée.

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Bien ficelé et exécuté avec beaucoup d’honnêteté, Promised Land n’est pas un grand cru de Gus Van Sant. Bon film correct, très classique et intéressant à défaut d’être emballé avec génie, il pèche notamment dans un final plus théâtral tranchant avec la dynamique épurée mise en place jusque-là mais replaçant le film dans l’arc narratif souhaité du personnage vivant un voyage presque initiatique qui va lui apprendre des choses sur autrui mais surtout sur lui-même. Un final à rebondissements qui ne gâche rien de prime abord, mais qui finit par trébucher dans l’excès dans ses ultimes moments qui frise malheureusement le ridicule consensuel. Toutefois, le travail opéré par Krasinski, Damon et Van Sant reste exemplaire de sincérité et se veut une belle parabole d’une Amérique paumée, perdue dans ses repères entre valeurs personnelles et traditionnalistes et valeur de l’argent dans un système économique de plus en plus impitoyable.

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Fable environnementale qui se dédouble intelligemment en fable sociale, Promised Land vaut surtout pour cette façon délicate qu’il a de suspendre le temps dans ces contrées campagnardes américaines qu’il dépeint avec une exactitude sincère, un peu comme Peter Berg le faisait dans sa série Friday Night Lights. Ici, le temps n’a plus vraiment d’emprise. Seule les difficultés de la vie motivent le combat contre le quotidien. Et si le film souffre de défauts qui lui font perdre des points (romance facile, quelques clichés dans la conduite de la narration), il n’en reste pas moins pour autant suffisamment solide sur ses jambes pour tenir debout dans sa dénonciation générale abordée par le prisme d’une question d’actualité, celle de l’extraction du gaz de schiste par fracturation hydraulique, un ravage reconnu pour l’environnement. On pourra alors taxer le film de moralisateur mais en même temps, c’est un peu le principe même d’une fable énonciatrice et dénonciatrice. Et quitte à le critiquer, autant pointer plutôt du doigt ses vraies maladresses dans les quelques facilités auxquelles se laisse aller ce thriller dramatique.

Bande-annonce :

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