A l’occasion de la sortie en e-cinema le 05 mai prochain du film Les Enquêtes du Département V : Délivrance, nous avons pu rencontrer l’acteur Nikolaj Lie Kaas (Carol Morck) et la productrice de la saga, Louise Vesth. Interview !
Synopsis du film : Une bouteille jetée à la mer, repêchée et oubliée dans un commissariat des Highlands. A l’intérieur, un appel au secours écrit en lettres de sang et en danois. Lorsque le message échoue au Département V de la police de Copenhague, chargé des dossiers non élucidés, les années ont passé… L’imprévisible Carl Mørck, Assad, son assistant syrien au flair infaillible, et Rose, leur secrétaire, vont-ils prendre au sérieux ce SOS ?
Les deux premiers films et celui-ci ont tous rencontré un énorme succès au box office danois. Avez-vous été surpris par un tel engouement ou vous vous y attendiez ?
Nikolaj Lie Kass : Non, je ne m’y attendais pas. Quand on s’est lancé dans cette aventure, on ne pensait pas qu’elle rencontrerait un tel écho au box office danois. Ce succès est hors du commun. Peu de films au Danemark deviennent de gros hits au box office. En plus, je ne savais pas que les livres étaient de tels succès de librairie au départ.
Louise Vesth : Nos estimations pour le premier tablaient sur 250 000 entrées. On a dépassé le million. Tout ça, dans un pays qui ne compte que 5 millions d’habitants. C’était incroyable. Le deuxième a été produit dans la foulée. On voulait que le second soit en production quand le premier sortirait. Par chance, ce fut un succès aussi, comme le troisième d’ailleurs.
Nikolaj, comment avez-vous entendu parler de ce projet et pourquoi avoir accepté d’y participer à l’origine ?
Nikolaj Lie Kass : J’ai entendu parler du projet alors que je travaillais sur la série The Killing. C’était déjà une série policière, avec déjà un duo de personnages. Ma première réaction a été de dire non. Je ne voulais pas l’enfermer dans cela sur des années après une année sur la série. Mais mon agent m’a poussé à rencontrer le réalisateur, Mikkel Norgaard et je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Quelque-chose d’assez rare en tout cas. Il y a une connexion immédiate entre nous. On a parlé de ce vers quoi on pouvait se diriger avec ce type de projet. Je connaissais aussi Nikolaj Arcel pour son travail de scénariste… J’ai accroché à l’humour, à l’histoire. Il est revenu vers moi une semaine plus tard en disant qu’il voulait vraiment travailler avec moi.
Louise Vesth : On a eu de la chance que tu le fasses. On a dû casté tous les acteurs masculins entre 35 et 45 ans possibles. Mais on avait à cœur d’avoir quelqu’un qui nous aiderait à développer cette histoire et ce personnage.
Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec Fares Fares ?
Nikolaj Lie Kass : C’est l’enfer ! (rires) Non, c’est génial. C’est l’un de mes meilleurs amis sur ce projet et dans la vie. J’espère que ça durera éternellement. On est très proches et j’ai hâte qu’on se retrouve sur le prochain film. On est comme une petite famille. On était un peu inquiet au départ car on avait 4 films à faire ensemble et dès la fin du premier, on savait que ça serait formidable.
Avez-vous ressenti une pression au moment d’attaquer ce troisième film, car le livre est le préféré des fans il me semble ?
Louise Vesth : Oui, chaque jour ! C’est toujours comme ça quand vous travaillez sur un format en plusieurs chapitres. J’avais travaillé sur une série qui s’appelait Klown, déjà avec Mikkel Norgaard comme réalisateur. A chaque fois qu’on attaquait une nouvelle saison et qu’on voyait ce qu’il fallait faire, il fallait qu’on repousse les limites en terme d’ambitions, en prenant en compte les contraintes budgétaires, les gens avec qui vous travaillez etc… Chaque fois que vous attaquez un nouveau process, vous vous dites « Oh mon dieu, comment on va s’en sortir ! » Vous devez réussir à faire, déjà aussi bien que les précédents, mais aussi encore mieux ! On était très nerveux en tout cas.
Pourquoi avoir changé de réalisateur sur ce troisième volet ? Mikkel Norgaard avait fait un très bon boulot sur les deux premiers, on sentait presque un côté Millenium, voire même du David Fincher par moments…
Louise Vesth : Je suis contente que vous mentionniez ces références. On a mis tellement d’efforts pour que le résultat soit bon. Mikkel Norgaard a fait un travail énorme pour assurer ses arrières et pour que tout soit parfait. Il tournait les mêmes scènes selon plein d’angles différents pour avoir le maximum de choix possible et pour pouvoir jouer sur tous les détails de chaque plan. Mais quand vous travaillez sur un projet qui comporte plusieurs chapitres, c’est important d’avoir quelqu’un qui comprenne parfaitement l’ADN du projet mais c’est aussi important d’avoir quelqu’un qui puisse apporter de la fraîcheur au bout d’un moment, un nouveau ressenti, de nouvelles tonalités à cet ADN. Cela permet de questionner ce que vous avez pu faire et d’éviter de tomber dans la redondance. Il faut pouvoir se challenger. Au début, je voulais même avoir des réalisateurs différents à chaque film, mais comme nous avons tourné les deux premiers très près l’un de l’autre, Mikkel a enchaîné. Il aurait pu faire le troisième mais c’était bien d’apporter un regard neuf et Hans Petter Moland avait une manière de travailler différente. Il était moins focalisé sur les moindres détails mais plus sur l’ensemble.
Et vous Nikolaj, avez-vous changé votre façon de travailler avec ce nouveau réalisateur ?
Nikolaj Lie Kaas : Hans Petter est quelqu’un de différent. Avec lui, on a questionné mon personnage sur d’autres facettes. Il était question d’oublier ce que l’on avait fait par le passé et d’essayer de réinventer mon personnage. C’était un cadeau pour moi d’avoir quelqu’un qui pensait comme cela.
La scène de la course-poursuite en voiture avec le train est très intense et spectaculaire. Pouvez-vous nous en parler un peu ?
Louise Vesth : C’était terrible en tant que productrice. J’avais peur pour le budget, j’avais peur de l’organisation, du tournage… C’est le genre de scène qui demande beaucoup de préparation. Hans Petter Moland avait tourné beaucoup de pubs par le passé et le chef-opérateur était très expérimenté lui-aussi. Donc ils savaient exactement les options qu’ils avaient et comment les combiner. Mais c’était un vrai casse-tête. Dans le script, il était écrit qu’un hélicoptère suivait le train. Ce qui voulait dire qu’il fallait un autre hélicoptère pour filmer le premier hélicoptère. Doublement plus cher donc. Quand vous regardez bien le film, on peut voir que par moments, le train et la voiture ne vont pas dans le même sens. Mais chut, ne le dites à personne !
Nikolaj Lie Kaas : Ce qui était bien, c’est qu’on a pu faire nos propres cascades. C’est assez rare pour un comédien. Non pas que vous ne soyez pas capable de les faire mais les assurances vous en empêchent. C’était fun de pouvoir les faire. J’ai pu courir et sauter sur la voiture etc…
Louise Vesth : Oui, tu as pu le faire parce que je n’étais pas sur le tournage ce jour-là sinon…
Votre personnage est très sombre dans ce nouveau film. Est-ce que cela a affecté la dynamique de votre duo avec Fares Fares ? Le ton « buddy movie » s’efface un peu du coup, au profit d’un ton plus dramatique…
Nikolaj : Vous avez raison. L’avantage que j’ai sur ce type de projets où l’on suit deux héros, c’est que je peux donner à mon personnage ce dont il a besoin et non pas ce que le public a besoin pour le suivre. Carl et Assad sont comme un seul et même personnage pour moi. Parce qu’il y a Assad avec lui, et que c’est à Assad que le public va s’identifier. J’ai la liberté de pouvoir le pousser davantage vers un côté plus sombre du coup. C’est très intéressant de jouer Carl Morck. Parfois, c’est presque comme jouer un méchant, parce qu’un méchant fait ce qu’il veut, pas ce que le public attend. Mais je peux faire ça uniquement parce que Fares Fares est là. C’est une balance dont on parle souvent sur le tournage. C’est un équilibre fragile.
Le troisième film est justement très sombre. Comment avez-vous réagi la première fois que vous avez lu le script ?
Nikolaj Lie Kaas : Le troisième livre est mon préféré. J’ai trouvé que le public ressentirait immédiatement ce que ressentent les personnages. Le script parle d’enlèvement d’enfants, de meurtres d’enfants et même si vous n’en avez pas vous-même, tout le monde connaît quelqu’un qui en a. D’ordinaire, sur les adaptations, on passe son temps à couper des choses. Là, c’était l’inverse. C’est un très bon scénario et c’est l’exemple parfait d’une bonne adaptation d’un livre. Après, c’était important d’aller vers le côté sombre mais de ne jamais aller trop loin.
Louise Vesth : J’aime la noirceur du scénario combiné à des notes d’humour sur certaines scènes.
C’est difficile de ressentir de l’empathie pour votre personnage car il a tendance à être parfois homophobe, il crache sur la religion, il est plein de cicatrices. On voit beaucoup de personnages comme ça dans le cinéma danois, des personnages très difficiles d’accès. Est-ce que vous pensez que ça représente une vision d’un Danemark plein de désillusions ?
Nikolaj Lie Kaas : Je ne pense pas. Au Danemark, comme dans beaucoup d’autres pays, on a culture de la franchise pour éviter le « politiquement incorrect ». Je pense que c’est mieux de dire les choses, même si elles ne plaisent pas, même si on est en désaccord, plutôt que de rester dans le non-dit. Parce qu’au final, tout ce que veulent les gens, c’est d’être entendus. La discussion est quelque-chose d’important. Je ne pense pas qu’au Danemark, on soit plus ci ou ça qu’ailleurs. On a juste une parole libérée.
Louise Vesth : Finalement, Carl ne fait que dire ce que beaucoup de gens pensent. Il provoque une réaction.
C’est curieux car on voudrait ne pas l’aimer mais on l’aime et sans vraiment savoir pourquoi, parce que par moments, c’est vraiment un « enfoiré » !
Nikolaj Lie Kaas : On parle du personnage bien sûr ? (rires). Mais cela dit, je ne le vois pas comme quelqu’un d’homophobe. Au Danemark, les gens disent qu’il ne l’est pas. Qu’il dit ça mais c’est de l’humour noir. Mais quand on a commencé le premier film, dans les livres, c’est le plus gros raciste qui soit. Il avait beaucoup de dimensions mais on avait besoin d’une intrigue donc on a dû réduire toute cette partie. Je ne le vois pas comme un homophobe mais c’est pas grave si on le perçoit comme ça car au moins, on le voit évoluer. Pour la religion, il n’est pas contre les musulmans. Il déteste la religion en général car, selon lui, elle invente des trucs stupides. C’est assez drôle d’ailleurs car dans la vie, c’est tout le contraire. Je suis celui qui est le plus spirituel et Fares Fares est athée ! Finalement, le cœur de la relation entre Carl et Assad dans le film, c’est de respecter le point de vue de l’autre.
C’est intéressant en effet comme dynamique. On finit par aimer Carl Morck et pourtant, il ne donne quasiment rien au public pour qu’il puisse s’accrocher à lui, il est très hermétique, il ne fait rien pour créer un quelconque lien d’empathie.
Louise Vesth : Parce que je pense que les gens le comprennent au fond. On peut arriver à le comprendre. On a envie de lui dire que s’il veut que les gens l’aiment un peu, alors il faudrait qu’il donne quelque-chose en retour, juste un tout petit peu. Tout le monde veut être aimé. Mais surtout, on sait que c’est un homme bon au fond de lui. On le sent. Il a juste perdu la foi en tout et surtout en lui-même et les autres. On voudrait le prendre dans nos bras et lui dire de se laisser aller, que tout va bien se passer.
Nikolaj Lie Kaas : Si quelqu’un vient vous voir en vous disant qu’il n’a besoin de personne dans la vie, vous savez qu’il se ment à lui-même. Et c’est ce qui le rend intriguant pour le public. Parfois, on me demande si j’arrive à trouver des choses en moi que je pourrais utiliser dans Carl. Bien sûr ! J’ai parfois voulu être cette personne capable de dire « J’emmerde le monde. Je ne vous donnerai rien, je veux juste être moi-même, avec mes émotions et sans devoir composer avec les gens« . Mais ce n’est pas sain. Parce que si vous n’avez pas d’amis, vous mourrez seul et misérable. Dès fois, si j’osais, j’aimerai être Carl. Mais j’ai une famille, des amis, et je les aime et je donne pour recevoir.
Dans les films précédents, on a eu l’occasion d’entrevoir une relation entre Carl et son fils. Cette relation pourrait-elle revenir et être davantage développée ?
Nikolaj Lie Kaas : Oui. C’était son beau-fils en fait, le fils de son ex-femme. Il pourrait revenir. Mince… J’ai oublié son nom. J’ai oublié le nom de mon propre fils !
Il y a un début de romance qui semble se dessiner dans ce troisième volet…
Louise Vesth : Oui, c’est possible qu’elle soit présente dans la suite. On aimerait qu’elle le soit en tant que spectateur. Les films de la saga sont calibrés pour faire environ deux heures. Si on veut qu’elle intervienne, il faut arriver à l’inclure dans l’intrigue car c’est trop difficile de suivre l’intrigue et de l’avoir en parallèle. Ca ne tiendrait pas sur deux heures.
Avez-vous déjà eu l’occasion de discuter de votre personnage avec l’auteur des romans, Jussi Adler-Olsen ?
Nikolaj Lie Kaas : Je suis arrivé sur le projet alors que le script était déjà écrit donc je n’ai travaillé qu’avec le réalisateur directement. Mais on a une tradition qui est bien au Danemark, c’est que les réalisateurs écoutent beaucoup les acteurs. On a pu ainsi réécrire certains dialogues. J’ai eu la chance de pouvoir faire entendre mes idées sur ce projet. On n’était pas forcément toujours d’accord mais on est écouté et on s’intéresse à ce que je peux dire.
Vous êtes prêt à rempiler sur le prochain film ?
Louise Vesth : Le scénariste Nikolaj Arcel va bientôt attaquer l’écriture du scénario. Pour l’instant, il est occupé sur le tournage de The Dark Tower, adapté de Stephen King.
Vous aviez signé pour quatre films. Il y a six romans maintenant. On peut espérer vous voir continuer ?
Nikolaj Lie Kaas : On ne sait jamais ce qu’il peut se passer ! Le plan était de faire quatre films. Trois, c’est bien, quatre, c’est assez. Il faudra y réfléchir. En tout cas, on fera le quatrième, ça, c’est sûr.
Louise Vesth : Pour l’instant, on a les droits pour les quatre premiers donc… Pour l’instant, c’est tout.
Pourriez-vous nous dire quelques mots de votre prochain film qui sort bientôt en France, Men & Chicken ?
Nikolaj Lie Kaas : C’est très différent ! Je travaille avec le réalisateur Anders Thomas Jensen depuis ses débuts. C’est un réalisateur très exigent envers lui-même, il met longtemps à développer ses films du coup. Avec lui, j’ai l’impression de voyager dans le temps. En tant que personne et en tant qu’acteur, on évolue avec le temps. Avec lui, j’ai l’impression de pouvoir jouer comme quand j’étais un enfant. Ce fut une expérience géniale et je suis très fier du film.
Retrouvez notre chronique de Les Enquêtes du Département V : Délivrance ICI.
LA BANDE-ANNONCE :
Merci à Nikolaj Lie Kaas et Louise Vesth, à Benjamin et Thomas de Wild Side, et autres participants de cette table ronde.
Propos recueillis et traduits par Nicolas Rieux