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A WAR de Tobias Lindholm : la critique du film

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a_warnote 3.5 -5
Nom : Krigen
Père : Tobias Lindholm
Date de naissance : 2015
Majorité : 1er juin 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : Danemark
Taille : 2h00 / Poids : NC
Genre : Drame, Guerre

Livret de famille : Pilou Asbæk, Tuva Novotny, Dar Salim, Søren Malling, Charlotte Munck…

Signes particuliers : Le cinéma de Tobias Lindholm est toujours aussi passionnant.

GUERRE, PEUR, CHOIX ET CONSÉQUENCES

LA CRITIQUE

Résumé : Claus Michael Pedersen, commandant de compagnie danois est déterminé, dans son combat pour changer le monde et diriger ses troupes, tout en se persuadant, lui et ses hommes, que le jeu en vaut la chandelle. Mais au Danemark, la guerre prend un tout autre visage : Maria, l’épouse de Claus, se bat pour élever leurs trois enfants qui grandissent en l’absence de leur père. Au cours d’une bataille contre les Talibans, une patrouille tourne très mal : un jeune soldat est grièvement blessé et Claus prend instinctivement la décision de bombarder la zone afin de permettre l’arrivée d’un hélicoptère de secours. La mission est couronnée de succès. Le jeune soldat a la vie sauve. Mais Claus ne se doute pas que sa décision prise en une fraction de seconde impactera le reste de sa vie : les corps de 11 femmes et enfants afghans sont retrouvés sous les ruines. Claus est arrêté et accusé de crime de guerre. Il rentre chez lui, non pas auréolé de gloire, mais bien pour affronter la justice militaire et se battre pour son intégrité et celle de sa famille.

Claus Michael Pedersen (Pilou Asbaek) und seine Frau Maria Pedersen (Tuva Novotny)L’INTRO :

Le Danemark est une grande terre de cinéma, les cinéphiles le savent bien. Et parmi les talents qui en animent le paysage, il faut désormais compter avec Tobias Lindholm, prodige révélé avec R en 2010, et qui avait confirmé tout le bien qu’on pensait de lui deux ans plus tard avec l’excellent Hijacking. Pour son troisième long-métrage, celui qui est également l’auteur des scénarios de Submarino ou de La Chasse revient avec A War, un drame à cheval entre l’Afghanistan et le Danemark qui s’essaie à un sujet particulièrement épineux. Sélectionné pour représenter son pays aux Oscars 2016, A War suit les traces de Claus, un officier en poste confronté à ses choix. Lorsque sa patrouille est attaquée par des Talibans dans un petit village reculé, Claus demande un appui aérien et le bombardement d’une position. Sa décision prise en une fraction de seconde, coûtera la vie de onze civils, valant à Claus une accusation pour crime de guerre. Pour son personnage, Lindholm fait à nouveau appel au comédien Pilou Asbaek, déjà saisissant dans Hijacking.

Kommandant Claus Michael Pedersen (Pilou Asbaek) mit einem seiner Männer.L’AVIS :

A War est la nouvelle démonstration de toute l’intelligence du cinéma de Tobias Lindholm, particulièrement sa faculté à traiter le corps d’un sujet clairement présenté avant de subtilement en décrypter les nombreuses ramifications qu’il peut amener, pour mieux dessiner toute sa complexité scrutée avec finesse et exigence. Par ce nouveau long-métrage, Lindholm s’intéresse à la guerre en Afghanistan et au quotidien des soldats en mission soumis au danger et la peur de la mort. On pourrait alors penser que A War va tenir sa trajectoire de chronique réaliste des jours qui passent en capturant le ressenti de ces hommes affrontant l’horreur. Mais ce serait bien mal connaître Lindholm qui, comme à son habitude, voit et vise plus loin, plus riche et plus profond, aimant soulever des questionnements d’ordre presque existentialiste à travers ses travaux. Rapidement, le cinéaste va commencer à mordre dans les possibilités mirifiques de son récit et A War va prendre de l’ampleur et une dimension plus large. En juxtaposant les trajectoires d’un officier en poste et le quotidien de sa famille au pays, le cinéaste questionne l’humain au centre du conflit mais aussi son inégalité devant le monde (le confort du Danemark vs l’inconfort du quotidien en zone de guerre). Une direction qui prendra son plein envol avec le brutal virage ensuite opéré par le film. La morale, la survie, l’éthique, l’altération du jugement, la nécessité primaire de protéger les siens en priorité, le poids des responsabilités, la culpabilité face à l’abstraction, la vérité opposée au mensonge, la déontologie. Sans forcer, sans s’aliéner une construction pédante mais au contraire tenu par une linéarité d’une pureté magistrale, A War réussit à brillamment tirer encore et encore des idées à partir de chaque recoin de son histoire, explorant finalement beaucoup sur la foi de pas grand-chose, du moins en apparence.

Claus Michael Pedersen (Pilou Asbaek) vor Gericht

Par le biais de la guerre, Tobias Lindholm sonde l’être humain et sa capacité d’adaptation régie finalement par des instincts primaires, quel que ce soit le contexte qui évolue autour de lui (la première partie au front ou la seconde au pays). La construction classique mais brillante de A War, permet à son auteur de tisser ensuite un réseau de concordances et de parallèles entre l’intime et le général, le conflit et le personnel, où l’instinct de préservation des siens reste finalement le même peu importe le contexte. Passionnant dans les bonnes questions qu’il pose et se pose, sans juger, asséner ou affirmer, en essayant seulement de mettre en état d’affrontement, des points de vue contrastés pour mieux impliquer le spectateur au cœur de la réflexion dans laquelle il s’est lancé, A War n’a pas de gentils, pas de méchants, seulement des hommes face à leurs choix, leurs doutes, leurs certitudes, et de l’absence de manichéisme idéologique ruissèle une intéressante plongée dans les rouages de la conscience, même si elle n’évite pas toujours un côté « dissertation ».A WARL’impressionnante maîtrise (formelle, narrative et émotionnelle) du cinéaste danois s’illustre dans sa capacité à ne jamais se perdre dans la richesse de son matériau une fois largement déplié sur sa table d’analyse cinématographique. Bien d’autres sombrerait devant un tel regard embrassant des ambitions thématiques aussi vastes, pas lui. Avec le concours d’une mise en scène épurée, Lindholm ne manie pas son langage cinématographique pour rien dire. Chaque plan a son utilité, sa pertinence, détient ses propres vérités. En dehors de quelques petites longueurs ou maladresses (comme des facilités dans les caractérisations de certains personnages-fonction), A War est l’histoire d’un conflit menant à plusieurs conflits. Un conflit au front devenant un conflit entre un soldat et les ennemis qu’il combat, entre un homme et sa conscience, entre un homme et les siens, entre un homme et une société qui le juge. Et Lindholm d’explorer à quel point une problématique donnée ne peut se résumer au cadre de sa stricte définition spatio-temporelle, à quel point elle peut conduire à une démultiplication des problématiques car le monde est ainsi régi, un fait, un acte, une décision, un événement, en entraînant un autre puis un autre et ainsi de suite… Surtout, A War montre à quel point il est impossible de traiter une question sans prendre en compte ses causes et conséquences et ses différents angles d’approche et de perception. Affaire de prismes et d’interprétations, le nouveau Tobias Lindholm est brillant dans ses enjeux, dont il s’applique à mettre en exergue l’extrême complexité, même s’il aurait pu témoigner de davantage de puissance émotionnelle et de sophistication bien placée pour éviter cette vague sensation de didactisme narratif.

BANDE-ANNONCE (Vost à venir prochainement) :

Par Nicolas Rieux

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