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LES DERNIERS JOURS – critique – avant-première (thriller apocalyptique)

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note 6.5
Carte d’identité :
Nom : Los Ultimos Dias
Pères : David et Alex Pastor
Livret de famille : Quim Gutiérrez (Marc), José Coronado (Enrique), Marta Etura (Julia)…
Date de naissance : 2012
Majorité au : 07 août 2003 (en salles)
Nationalité : Espagne
Taille : 1h40
Poids : 5 millions €

Signes particuliers (+) : Un thriller apocalyptique malin et intelligent, allégorie de la situation actuelle de l’Espagne au bord du chaos alors que la menace de l’asphyxie rôde partout. Une mise en scène maîtrisée, de belles images, et une atmosphère lourde et tendue.

Signes particuliers (-) : Comme à leur habitude, les frères Pastor signent une « semi-réussite », faute d’exploiter de façon optimale leurs points forts. Un rythme soutenu mais pas parfait, une histoire forte mais manquant d’émotion, une ambiance « pesante » mais pas « glaçante », un récit bien conduit jusqu’à une idée de fin astucieuse mais manquée…

 

UN THRILLER APOCALYPTICO-ALLÉGORIQUE

Résumé : La propagation d’un étrange mal a plongé le monde dans le chaos. L’humanité est victime d’une forme violente d’agoraphobie les confinant chez eux. A Barcelone, Marc, un informaticien coincé sur son lieu de travail, est obligé de faire équipe avec Enrique, son supérieur qu’il déteste, pour tenter de retrouver les personnes qu’ils aiment…

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L’INTRO :

Locomotive européenne du cinéma de genre (avec les pays nordiques qui affichent une montée en puissance intéressante), l’Espagne déploie toujours et encore une vitalité ahurissante qui contraste avec l’apathie économique du pays. Nouvel et dernier exemple en date avec Les Derniers Jours où les Frères Pastor s’accrochent au wagon lancé à pleine vitesse du cinéma apocalyptique à la mode (reflet des angoisses du monde) alors que la thématique de la fin des temps, quelle que soit sa forme, n’en finit plus de passionner (2012, World War Z, Walking Dead, Hell, The End, Oblivion, The Divide, La Route, Le Livre d’Eli, Resident Evil etc…). Les deux frangins barcelonais poursuivent le travail qu’ils avaient commencé en 2009 avec leur intéressant premier long-métrage Infectés, Los Ultimos Dias étant seulement leur second. Une fois de plus, le tandem évite le traditionnel film d’horreur à zombies ou enragés et préfère se concentrer sur un phénomène moins « fantastique » dans l’âme, plus concret et mystérieux, s’ancrant dans une parabole intéressante sur le monde qui les entoure et plus particulièrement sur leur Espagne natale, un peu à la façon du raté The End, autre production apocalyptique ibérique récente ne recherchant pas le spectaculaire destructeur mais le fond textuel. Dans Infectés, ils étaient à mi-chemin avec un virus hautement transmissible et terriblement mortel et les Pastor avaient essayé de se plonger davantage sur le quotidien des survivants, plus que sur le phénomène d’ampleur en lui-même. Cette fois, ils poursuivent dans cette dynamique en allant encore plus loin, abordant la fin du monde au détour d’une parabole passionnante de sous-lecture sur notre monde actuel. Emmené par Quim Gutiérrez (Inside), Marta Etura (Cell 211, Malveillance) et le moins connu José Coronado (héros de la version espagnole de notre RIS Police Scientifique), ce moyen budget de 5 millions d’euros a été présenté à l’automne dernier au prestigieux Festival de Sitges et marque leur retour sur leur sol après leur expérience américaine, le film ayant été entièrement tourné à Barcelone.

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Les Derniers Jours est parti d’une toute petite idée alors les deux frères étaient en train de monter Infectés au septième étage d’un immeuble. Contemplant la vue et les nombreux bâtiments voisins qui semblaient tous des mondes isolés les uns des autres, ils s’étaient posés la question de ce qu’il se passerait si demain, chacun était prisonnier de ces gigantesques habitats les abritant au quotidien loin de chez eux. De cette « graine » comme ils disent, les Pastor ont alors commencé à réfléchir à un scénario en prenant en compte l’actualité qui se dessinait autour d’eux, marquée par la crise économique qui a frappé le monde à la fin de la première décennie des années 2000… Et pourquoi ne pas remettre le couvert dans un film de « virus » tout en essayant de s’éloigner de Infectés pour ne pas se répéter tant formellement que stylistiquement. Les pièces du puzzle ont alors commencé à s’agencer et des petites rues de campagne éloignées, Los Ultimos Dias prend place au cœur de la ville enchantée, qui décidément déchante, mise à rude épreuve par le genre depuis Rec.

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L’AVIS :

Avec sa structure un brin éclatée où les éléments qui vont dessiner l’histoire s’agencent progressivement par flashbacks (ce qui permet de resserrer et densifier le rythme du film), Les Derniers Jours confronte l’homme à un ennemi invisible, pire qu’un virus concret contre lequel lutter, une maladie plus « cérébrale » et étrange qui frappe l’humanité toute entière. Du jour au lendemain, un mystérieux mal se répand comme une traînée de poudre où l’être humain se met à souffrir d’une forme d’agoraphobie extrême l’empêchant physiquement, malgré toute sa volonté, de sortir au dehors sous peine d’en mourir d’angoisse. Dans cet univers virant rapidement à l’effroyable monde apocalyptique terrifiant et claustrophobique, Les Derniers Jours se concentre sur le regard intime de deux protagonistes, un informaticien et son dur et froid patron, prisonniers de leur bureau avant d’entreprendre conjointement un périple difficile pour atteindre leur objectif respectif. Le duo associé par les Pastor est à la fois réaliste et original dans l’opposition qu’il propose et s’inscrit dans la structure et la forme qu’affectionnent les deux auteurs, privilégiant encore fois un regard personnel et microscopique dans un vaste tout frappant le monde extérieur.

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Les Derniers Jours s’ancre dans un nouveau genre du cinéma apocalyptique qui fait surface depuis peu, moins fantastique, plus réaliste, abordant son sujet et ses thématiques en s’appuyant sur la philosophie et la sociologie dans sa façon d’essayer de cerner le monde environnant. Par cette histoire de fin du monde angoissante, le duo essaie d’associer le genre à une peinture de la société actuelle au bord de l’implosion et marquée par un stress traumatique du quotidien oppressant. Allégorie de la situation de l’Espagne en particulier mais par extension du monde en général, Les Derniers Jours associe chute de l’humanité et constat alarmant porté sur la société, sur un monde sur-technologique, sur-civilisé, déshumanisé, devenu suffocant, anxiogène, terrible et handicapant. Par le biais de la série B, ils dépeignent une Espagne qui s’est approchée si près d’un gouffre où la menace d’asphyxie était désormais partout à l’extérieur, qu’elle a finie pas y basculer entièrement et irréversiblement, l’homme étant devenu progressivement allergique au propre environnement qu’il s’est lui-même forgé dans sa course effrénée à la rentabilité, à la complexité, à la l’artificialité, à la dénaturation du mode de vie traditionnel. La parabole est à la fois lucide et intelligente, renforcée par le constat d’une péninsule espagnole au bord du chaos économique inquiétant, et Les Derniers Jours fonctionne non sans brio dans l’équilibre qu’il propose entre le thriller efficace, l’atmosphère lourde et pesante et la lecture de thématiques intelligemment convoquées et glissées dans un métrage qui voit plus loin que le simple récit accrocheur et divertissant.

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Avec ses belles images, preuves du sens de la maîtrise formelle des Pastor, et son récit haletant renforçant ses qualités évidentes, Los Ultimos Dias a tout de la réussite stylistique, astucieuse et subtilement perspicace mais il fallait qu’elle soit légèrement égratignée par certains défauts qui en abîment un peu la maestria. Des défauts similaires à ceux déjà pointés du temps d’Infectés (encore une fois une semi-réussite) en l’occurrence cette manie maladroite qu’ont les Pastor de ne jamais aller au bout de leurs actions, de toujours s’aventurer sur les bonnes voies mais sans jamais aller au terme du chemin, se contentant toujours d’un « à moitié » au lieu de prétendre au « total ». Outre une exposition un poil longue dans sa façon de construire sa mécanique et un final naïf qui grince comme une fausse note (même si l’idée allégorique était pourtant excellente), on lui reprochera par exemple, paradoxalement, son manque d’émotion, le duo de personnages fonctionnant bien mais peinant à susciter des sentiments forts et à bouleverser dans leur terrifiante aventure cloisonnée entre les murs des lieux obscurs qu’ils vont traverser. De même que la tension est présente, mais n’arrive rarement à se transcender pour atteindre l’insoutenable ou que le rythme est soutenu sans devenir pourtant optimal en raison de quelques petits bouts de gras ça et là le rendant parfois nonchalant. Autant de points faisant de ces Derniers Jours, une fois de plus, une réussite en demi-teinte, plongée à la fois intéressante et suffocante mais dans le même temps aléatoirement glaçante. Peut-être parce qu’encore une fois, les Pastor se sont tellement appliqués à soigner le fond de leur œuvre et son originalité, qu’ils en ont un peu négligés l’apparence narrative. Si le syndrome de l’inachevé à la sauce Pastor a certes encore frappé, toutefois, Les Derniers Jours reste un film à voir à plusieurs égards car la portion de chemin parcouru vaut quand même sacrément le détour.

Bande-annonce :

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