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EQUILIBRIUM (critique – SF)

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equilibriumMondo-mètre :
note 7.5
Carte d’identité :
Nom : Equilibrium
Père : Kurt Wimmer
Livret de famille : Christian Bale (John Preston), Emily Watson (Mary), Sean Bean (Errol), Taye Diggs (Andrew), Dominic Purcell (Seamus), Christian Kahrmann (Officier responsable), William Fichtner (Jurgen), Sean Pertwee (le père)…
Date de naissance : 2002
Nationalité : États-Unis
Taille/Poids : 1h47 – 20 millions $

Signes particuliers (+) : Un superbe et intense film d’anticipation stylisé, riche et palpitant, à l’univers passionnant même s’il n’invente rien. Les scènes d’action sont dantesques et le film est un bon pendant à tous les non-adeptes de Matrix mêlant fond et forme.

Signes particuliers (-) : Beaucoup d’emprunts divers et variés, visuels comme narratifs.

 

FORGET THE MATRIX

Résumé : 2070. Dans un monde futuriste, les émotions ont été supprimées de la vie quotidienne. Pour se faire, l’homme doit absorber des comprimés de Prozium. Dénué d’émotions, l’homme est ainsi plus heureux, plus productif et de nombreux problèmes sont évités. Mais des rebelles combattent cette atteinte totale à l’humanité et aux choix personnels. Une police spéciale est chargée de lutter contre ces rebelles…

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Cette tagline provocatrice n’est pas venue de nulle part. Il s’agit de l’ambitieux et osé slogan arboré par l’affiche de cet Equilibrium, premier film de Kurt Wimmer (scénariste sur Sphere ou Thomas Crown version Brosnan) en 2002. A première vue, Equilibrium surfait sur la vague initiée par Matrix en 1999 avec son univers futuriste, glacial et totalitaire et capitalisait sur le succès d’une franchise considérée comme « révolutionnaire ». Pourtant, bien plus que l’oeuvre pompeusement branchouille des Frères Wachowski, le film de Kurt Wimmer se pose davantage en véritable héritier (pilleur selon certains) des grands films de SF des décennies précédentes, de Blade Runner à Soleil Vert, de 1984 à Gattaca, de Farenheit 451 à THX 1138 etc…

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Là où les Wachowski reprenait maladroitement les grandes lignes de la littérature, de la science-fiction et du cinéma d’action asiatique pour les croiser à un style ultra-spectaculaire « tendance » et à une pseudo-philosophie amplifiée et parfois exagérée par l’engouement populaire, dans une recherche d’efficacité commerciale et « geek-ement » branchée, fort, il faut le lui concéder, d’un univers visuel foisonnant, Equilibrium se présente avec plus de simplicité, de modestie, de sincérité et va plus loin dans l’analyse d’une société future totalitaire et fascisante où l’homme est réduit à la plus simple naturalité, dénué de tout ce qui le fait Homme, dénué de tout ce qui constitue son humanité. Les comparaisons entre la saga légendaire et cette petite série B sont nombreuses mais pour faire un constat rapide, Matrix développe un impressionnant univers thématique fourmillant d’idées. A l’opposé, Equilibrium est un film unique, moins riche mais peut-être plus profond dans son thème général malgré ses nombreux défauts.

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Wimmer signe un vrai film d’anticipation reprenant les fameuses visions totalitaires d’un futur angoissant et effrayant visant la productivité, annihilant le libre-arbitre, les émotions, pour en faire des machines vivantes vides. Des idées que l’on retrouve chez Orwell, Huxley, Bradbury ou Asimov, dépeignant avec une exagération intelligente un avenir dont on doit se méfier (car métaphoriquement pas si loin) alertant l’homme et la société sur les dangers des dérives du contrôle total ou partiel. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si Wimmer s’en est allé tourner à Berlin pour profiter de l’architecture hitlérienne, le film se voulant une belle charge contre les idéologies totalitaristes communistes ou nazies. A l’instar des chefs d’oeuvre comme Farenheit 451 ou THX 1138, le jeune réalisateur semble avoir assimilé, digéré ses références et les retranscrit intelligemment avec une réactualisation ultra-moderne loin de tout ce qu’aurait pu faire n’importe quel pseudo-réalisateur tâcheron soucieux de faire un film « simplistement » efficace pour des masses lobotomisées aux pop-corn movies décérébrés. Ce n’est pas pour autant que le film de Wimmer est ennuyeux, loin de là. Dynamique, spectaculaire et efficace (dotés de chorégraphies impressionnantes) on retrouve dans Equilibrium les mêmes ingrédients que dans Matrix, son prédécesseur d’une paire d’années : société totalitaire, costumes néo-gothiques, inspiration des arts martiaux asiatiques, futur et anticipation glaçants etc… Mais plus que les Wachowski pour leurs classiques trilogiques du cinéma moderne, qui mettaient très en avant la forme et surtout le rythme de la narration, partant par moment dans des trips dommageables de purs blockbusters hollywoodiens d’action, Wimmer parvient, tout en profitant du succès populaire de ce dernier, a bien mieux allier forme ultra-esthétisée et fond politico-dénonciateur, sans verser dans l’outrancier narratif ou visuel.

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Le cinéaste semble donc assimiler (plus qu’il ne les copie bêtement comme on peut le lire souvent) ses influences et place sa réflexion philosophique sur le propre de l’homme et l’importance de la vigilance face aux dérives pouvant l’écraser au profit d’une société déshumanisée, au-dessus d’une simple spectacularisation. Avec un budget très limité en regard de ses ambitions (seulement 20 millions de dollars là où Matrix disposait de 63) Equilibrium parvient à se transcender, à se hisser au-dessus de la masse aussi bien formellement que thématiquement en retranscrivant visuellement les grandes lignes de la littéraire SF du genre. S’attardant sur un personnage riche et sur son cheminement intérieur et existentiel vers la compréhension de l’humanité dans toute son expression, Equilibrium livre une fresque en forme de pamphlet mis en images à la puissance retentissante.  Christian Bale impressionne (une fois n’est pas coutume) dans un rôle difficile en parvenant à rendre visuellement la délicate impression d’absence d’émotions (en gros, il fait la gueule) et apporte une belle profondeur à ce soldat obéissant sans comprendre avant d’être épris du doute sur un système qu’il défend pourtant depuis toujours.

Capture d’écran 2013-04-23 à 09.22.04

Equilibrium rappelle forcément cinématographiquement THX 1138 ou Farenheit 451. En fait, on pourrait presque voir dans le film de Wimmer un remake de ces deux œuvres entrecroisées. Et si du coup, le film n’est pas d’une folle originalité, paraphrasant des idées déjà exposées au cinéma mais surtout dans la littérature, il a le mérite de chercher à aller un peu plus loin que le simple actionner opportuniste et de creuser ses passionnantes idées. Certes imparfait, malgré quelques incohérences souvent relevées et notées pour le critiquer (quelques faux raccords, illogismes ou trahison dans l’idée de l’absence d’émotions presque impossible à retranscrire au cinéma… à moins de n’être un Kubrick qui y aurait passé le temps nécessaire pour y parvenir), toujours est-il que jamais Wimmer ne trahit son budget de petite série B et parvient avec brio à faire de son film, une œuvre honnête et foncièrement intéressante. Echec total en salles, Equilibrium est un film culte pour beaucoup et sa sincérité touchante et l’optimisation maximale de ses moyens relève du tour de force.

Bande-annonce :

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