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UTOYA, 22 JUILLET d’Erik Poppe : la critique du film

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La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : Utøya 22. Juli
Père : Erik Poppe
Date de naissance : 2018
Majorité : 12 décembre 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : Norvège
Taille : 1h33 / Poids : NC
Genre : Drame, Thriller

Livret de famille : Andrea Berntzen, Elli Rhiannon Müller Osbourne, Aleksander Holmen…

Signes particuliers : Une prouesse artistique… d’un goût douteux.

AUTOPSIE D’UN MASSACRE

LA CRITIQUE DE UTOYA, 22 JUILLET

Synopsis : Île d’Utøya, Norvège. Le 22 juillet 2011. Dans un camp d‘été organisé par la Ligue des jeunes travaillistes, un homme de 32 ans ouvre le feu.

Le 22 juillet 2011, le jeune militant d’extrême-droite Anders Behring Breivik débarque sur l’île d’Utoya en Norvège armé jusqu’aux dents, et ouvre le feu sur les jeunes gens d’un camp organisé par une ligue affiliée au Parti Travailliste Norvégien. L’attaque durera 72 minutes très exactement et fera 69 morts et plus de trente blessés. Sept ans après les faits, deux films. D’un côté, 22 Juillet réalisé par Paul Greengrass pour Netflix et ce Utoya d’Erik Poppe présenté à la dernière Berlinale. Avec Utoya, le cinéaste norvégien s’empare de cette tragédie terroriste et livre un film tourné en un seul plan-séquence et en temps réel, qui reconstitue l’attaque du point de vue des victimes, les suivant caméra à l’épaule tout au long de cet interminable cauchemar qui les aurait vu se cacher pendant près d’une heure et demi pour tenter d’échapper à l’assaillant sur une île ridiculement petite et peu propice à la fuite.

A Berlin, Utoya a divisé, provoquant des réactions assez vives. Pourquoi ? Pourquoi ce film ? Pourquoi cette reconstitution ? Mais surtout, pourquoi de cette manière là ? Erik Pope justifie son long-métrage par la volonté de recentrer le débat autour du drame et non plus autour de son auteur qui a pris trop de place dans l’espace médiatique par ses déclarations fracassantes alimentant l’avidité de la presse. Le cinéaste clame qu’il voulait redonner cet espace aux victimes et à leurs familles, qu’il voulait retranscrire leur calvaire tel qu’elles l’ont vécu, et qu’il souhaitait alerter l’opinion sur l’inquiétante montée de l’extrême-droite en Europe. Soit. La démarche aurait pu être noble… sauf qu’aucun des arguments avancés par le metteur en scène ne tient la route et viendraient s’imposer comme une justification crédible à un film malaisant dans tous les sens du terme.

Quel est l’intérêt de nous faire vivre cette tragédie de l’intérieur ? Par respect pour les victimes ? Mais quel respect ?! Où sont la dignité et la pudeur dans cet exercice au postulat filmique horriblement sensationnaliste, passant pour une récupération d’un goût douteux par un cinéaste qui cherche à se faire mousser face à sa technique ? Où est l’intérêt de nous montrer comment se vit une attaque terroriste de l’intérieur ? Poppe se planque derrière les victimes pour se justifier, mais son entreprise « spectaculaire » et voyeuriste misant sur l’immersion totale au cœur de l’action narrée de la première à la dernière minute via un thriller auto-fictif sous tension, dézingue complètement l’idée. Dans le film, les victimes du massacre n’existent pas ou faussement, et Utoya n’est clairement pas leur film, mais plutôt une démonstration de l’attaque en elle-même filmée selon un pari artistique dès plus dérangeant. N’en déplaise à Erik Poppe, mais il n’y a aucun «  regard » sur ceux qui ont vécu la tuerie dans Utoya, d’autant qu’ils n’existent qu’à travers elle et rien de plus. Suit l’argument de la critique de la montée l’extrême-droite… Loupé de nouveau. Le propos se résume en réalité à deux cartons au moment du générique de fin. Devraient-ils être perçus comme une justification crédible expliquant la position de l’œuvre ? Non. Placés au début, ils auraient pu nous éviter de devoir contempler ce carnage évidé de sens. Car Utoya n’est que vide. Un film qui ne dit rien, qui n’explique rien, qui n’interroge et ne s’interroge sur rien, un film qui n’argumente ni ne questionne absolument rien. Pour résumer, un film qui n’amène à rien si ce n’est vers un projet cinématographique abject, qui se défausse sur ses soi-disant bonnes intentions là où il n’est que gratuité et sensationnalisme gênant.

À t-on besoin d’être spectateurs de ce genre d’horreur tragiquement authentique ? On pourrait clamer que oui selon certains arguments tout à fait recevables. Mais rien ne peut justifier pareille entreprise dont la pathétique vacuité en serait presque offensante pour les victimes comme pour le public qui y fait face. Le vrai problème d’Utoya n’est pas d’illustrer un drame encore chaud dans les mémoires, bien d’autres l’ont fait sur des sujets tout aussi délicats, mais c’est sa manière de l’illustrer qui interpelle, avec un irrespect honteusement coupable. Au lieu de se ranger derrière son sujet et de lui octroyer l’importance qui lui est due, Erik Poppe a le culot de se mettre en avant, lui et sa mise en scène, quitte à le cacher derrière ses désirs artistiques. Compte tenu de ce qu’il aborde, discrétion et humilité de la mise en scène aurait été le minimum syndical à atteindre pour Poppe. Or, le réalisateur étale sa technique virtuose faisant de l’expérience filmique qu’est Utoya (plan-séquence unique et temps réel), son argument principal supplantant son sujet gravissime. Cette démonstration artistique mégalomane ultra-déplacée, rend le film moralement inacceptable.


BANDE-ANNONCE :

Par David Huxley

One thought on “UTOYA, 22 JUILLET d’Erik Poppe : la critique du film

  1. On apprend avec stupéfaction, à la fin du film « Utoya 22 juillet », que l’espèce de nazi qui a commis cet épouvantable crime de masse a affirmé lors de son procès qu’il récidiverait après avoir purgé sa peine de prison de 21 ans.Non content de cela le criminel,d’une extrème dangerosité a intenté un procès à l’Etat norvégien pour traitement inhumain sur la base d’un article de la convention européenne des droits de l’homme !Dans cette Europe qui a pourtant vécu quelque temps sous la botte nazie c’est un peu le monde à l’envers :les pires ennemis de la démocratie poursuivent en justice les représentants de la démocratie et les victimes espèrent bénéficier de la clémence de leurs bourreaux.Dans une histoire fiction on pourrait aussi imaginer d’anciens nazis intenter un procès aux juges du Tribunal de Nuremberg.Il reste donc aux travaillistes norvégiens la possibilité d’espérer que ledit nazi ne mette pas ses menaces à exécution.Comment se fait-il que les régimes démocratiques ayant pourtant l’obligation de garantir la sécurité de leurs citoyens fassent preuve d’une telle complaisance,d’une telle faiblesse à l’égard des pires ennemis de la liberté ?En lieu et place d’une exécution capitale parfaitement justifiée et méritée pour ces criminels de la pire espèce,méprisables adorateurs d’Hitler et ennemis mortels de la démocratie,nos sociétés leur offrent une tribune d’expression. « Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre ».

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