[Note spectateurs]
Carte d’identité :
Nom : Na mlečnom putu
Père : Emir Kusturica
Date de naissance : 2016
Majorité : 12 juillet 2017
Type : Sortie en salles
Nationalité : Serbie, Angleterre
Taille : 2h05 / Poids : NC
Genre : Drame, Guerre, Romance
Livret de famille : Monica Bellucci, Emir Kusturica, Predrag ‘Miki’ Manojlovic, Sloboda Micalovic…
Signes particuliers : Emir Kusturica revient avec un bijou de passion, de beauté et d’humanité.
LE CHARME DU CINÉMA DE KUSTURICA OPÈRE TOUJOURS
LA CRITIQUE DE ON THE MILKY ROAD
Résumé : Sous le feu des balles, Kosta, un laitier, traverse la ligne de front chaque jour au péril de sa vie pour livrer ses précieux vivres aux soldats. Bientôt, cette routine est bouleversée par l’arrivée de Nevesta, une belle réfugiée italienne. Entre eux débute une histoire d’amour passionnée et interdite qui les entraînera dans une série d’aventures rocambolesques.
Dix ans. Cela faisait presque dix ans qu’Emir Kusturica n’avait plus signé de long-métrage de cinéma. En 2008, il s’était illustré avec son documentaire consacré à Maradona. En 2012, il avait participé au film choral Words of Gods. Mais on attendait toujours de retrouver le serbe aux commandes d’une folie doux-dingue comme lui seul en a le secret. L’attente a été longue, mais payante. Aujourd’hui, Kusturica refait surface avec On the Milky Road, drame de guerre romantique emmené par Monica Bellucci et lui-même, qui cumule pour la première fois de sa carrière, la double-casquette d’acteur-réalisateur. Présenté à la dernière Mostra de Venise, On the Milky Road prouve que le cinéaste n’a rien perdu de son talent dès qu’il s’agit de nous embarquer dans un univers animé par la passion du conte loufoque.
Dans On the Milky Road, il y a un laitier un peu lunaire qui joue du xylophone, un faucon fidèle qui sait danser, un serpent qui boit du lait, une poule qui se cogne dans un miroir toute la journée, une horloge détraquée qui blesse les gens, une jolie demoiselle qui fait des pirouettes sur la musique de Flashdance, une réfugié italienne dont la beauté est une source de problèmes, un frère militaire avec un œil bleu… Mais au-dessus de ce monde plein de vie et de fantaisie drolatique, il y a surtout la guerre qui défigure l’ex-Yougoslavie. Tout le monde semble y être habitué, et c’est sous le feu des balles que la vie suit son train entre mariages, musiques, bombes, soldats et tâches domestiques. Décidé à refermer cette page qui aura marqué son cinéma (personne n’a oublié l’incroyable Underground), On the Milky Road sera le dernier film de Kusturica consacré à la guerre. Et quel film ! Inspiré de trois histoires réelles revisitées avec l’œil fantaisiste de son auteur singulier, On the Milky Road est une petite sucrerie emblématique du style Kusturica, qui ne manquera pas de ravir les fans du metteur en scène. Il y a la guerre et les soldats certes, mais il y a aussi des animaux, de la musique, de la joie, de la mélancolie un peu, ce ton décalé délicieusement ubuesque, ce parfum romanesque qui emporte tout… Et il y a surtout cette extravagance chaleureuse et passionnée, cet amour de la vie haute en couleur, qui porte l’existence entre frénésie surréaliste et douce tristesse légèrement amère.
Débridé comme toujours chez Kusturica, le récit de On the Milky Road pourra dérouter les non-initiés et les réfractaires à un cinéma non-conventionnel. Car dans l’univers magique du père d’Underground, rien n’est classique, tout n’est pas forcément terre à terre, et le pouvoir de l’imaginaire prend souvent le dessus sur le concret. Porté par une verve comique à la succulente incongruité, On the Milky Road tend les bras au songe gentiment rêveur, et le conte de fée chimérique où un homme et une femme tombent amoureux, se métamorphose en une fable sur un monde déréglé qui étouffe la beauté sous le poids d’une cruelle et absurde violence. Dans une nature aux paysages sublimes abimés par la folie de la guerre, les deux tourtereaux magnifiques de l’histoire s’élancent pour échapper à leurs poursuivants en clamant leur amour à la face du monde. Kusturica illustre cette course-poursuite (tardive puisqu’elle n’intervient qu’à mi-parcours du récit) avec une créativité foisonnante, qui multiplie symboles et métaphores sur le fond comme sur la forme. Car finalement, si On the Milky Road est aussi loufoque, c’est bien parce que notre monde moderne n’a plus rien de logique, et derrière l’humour et la joie qui habitent le film, se cache la peinture tragique de ce triste détraquement, incarné dans cette horloge folle que l’on tente de réparer sans succès. Véritable déclaration d’amour au cinéma et à la vie, On the Milky Road est un petit régal doux-amer qui bouillonne de passion, qui se laisse parfois un peu trop emporté dans son exaltation, mais qui témoigne d’une générosité de cœur tellement attachante. Le tout au rythme mélodique d’une bande originale formidable !
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux