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L’OMBRE DE STALINE d’Agnieszka Holland : la critique du film

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Spectateurs

La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : Mr Jones
Mère : Agnieszka Holland
Date de naissance : 2019
Majorité : 22 juin 2020
Type : Sortie en salles
Nationalité : Pologne, Angleterre
Taille : 1h59 / Poids : NC
Genre : Drame, Biopic, Historique

Livret de famille : James Norton, Vanessa Kirby, Peter Sarsgaard

Signes particuliers : Après une entame peu convaincante, L’Ombre de Staline déploie toute sa qualité.

 

(Sortie initialement prévue le 18 mars – repoussée)

UNE ROMANCE PEU ORDINAIRE

NOTRE AVIS SUR L’OMBRE DE STALINE

Synopsis : Pour un journaliste débutant, Gareth Jones ne manque pas de culot. Après avoir décroché une interview d’Hitler qui vient tout juste d’accéder au pouvoir, il débarque en 1933 à Moscou, afin d’interviewer Staline sur le fameux miracle soviétique. A son arrivée, il déchante : anesthésiés par la propagande, ses contacts occidentaux se dérobent, il se retrouve surveillé jour et nuit, et son principal intermédiaire disparaît. Une source le convainc alors de s’intéresser à l’Ukraine. Parvenant à fuir, il saute dans un train, en route vers une vérité inimaginable…   

On le sait tous aujourd’hui mais Staline était un terrible dictateur. Ce que l’on ne sait pas forcément, c’est dans quelle proportion l’homme fort de l’Est avait pu être un monstre, à certains égards comparable à son alter-ego allemand, Hitler. On a beaucoup entendu parler des goulags sibériens à l’école, mais un peu moins de ce que le chef de l’Union Soviétique a pu faire dans une Ukraine soumise au despote et à son système. Un passé lourd qui a de quoi expliquer sans doute les tensions qui existent encore aujourd’hui entre les deux pays. Avec L’Ombre de Staline, l’illustre réalisatrice polonaise Agnieszka Holland (qui a travaillé avec Wajda ou Kieslowski avant de signer ses plus grands fims) revient sur ces heures sombres à travers le regard (et l’histoire vraie) du journaliste Gareth Jones, qui a pu être spectateur de l’horreur qui se déroulait en Ukraine alors qu’il s’était envolé pour Moscou afin d’enquêter sur le fameux « modèle soviétique miraculeux » avec l’espoir d’interviewer Staline en personne après avoir réussi à s’entretenir avec un Hitler à peine arrivé au pouvoir. A son retour à l’Ouest, Gareth Jones aura tout fait pour tenter de faire entendre sa parole et éveillé les consciences politiques.

Il faut un petit moment à L’Ombre de Staline pour trouver vraiment son chemin. Dans sa première partie à Moscou, le film d’Agnieszka Holland est un peu à la peine, semblable à ces films historiques poussiéreux lestés par une narration lourde et laborieuse et par un formalisme terne et trop illustratif. La réalisatrice filme les échanges du jeune journaliste Gareth Jones avec ses confrères, l’ambiance lourde qui règne dans la ville, la rigidité des autorités qui impose une surveillance étroite des « étrangers » sur le sol russe… Mais le récit est poussif, il a du mal à avancer et son désintérêt manque de peu de bercer vers l’endormissement. Mais quand le voyage de Gareth Jones file en Ukraine alors que le journaliste échappe à la surveillance imposée pour traverser un pays ravagé par la famine, les choses changent. Sans jamais montrer une seule fois le dictateur, L’Ombre de Staline terrifie. Justement parce qu’on ne le voit jamais mais que l’on sent cette ombre effrayante qui plane partout au-dessus d’une ambiance mortifère. Agnieszka Holland montre bien l’horreur qui se jouait à l’autre bout du monde, dans le désintérêt le plus total des puissances occidentales davantage préoccupées par les alliances politiques et stratégiques. Elle montre bien les rouages d’un système replié sur lui-même qui faisait croire au monde entier que la révolution soviétique était un système idéal, prospère et pourvoyeur de bonheur, en se parant derrière un mystère opaque. L’Ombre de Staline est une parfaite démonstration de ce qu’est une « propagande » qui s’ingénie à faire dans l’illusion. On envoie au monde l’image d’un idéal parfait en maîtrisant la parole et la contre-parole pour que la toute autre réalité soit étouffée. Ici, le système Soviétique faisait croire au monde que sa prospérité était miraculeuse. Mais dans l’ombre du système, comme du « dieu Staline », il y avait l’Ukraine, exploitée, affamée, réduite à des millions de morts. Dur et poignant alors qu’Agnieszka Holland ne nous épargne rien de l’horreur (sans pour autant tomber dans l’impudeur gratuite, L’Ombre de Staline est un rappel à l’histoire mais qui réussit à se doubler d’un film très actuel en cela qu’il dénonce l’impérialisme assassin et le mutisme des puissances étrangères quand des intérêts sont en jeu. Surtout, il permet de mieux comprendre le passif russo-ukrainien, encore à chaud et souvent au cœur de l’actualité.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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