Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Yip Man 4
Père : Wilson Yip
Date de naissance : 2019
Majorité : 29 juillet 2020
Type : sortie en salles
Nationalité : Chine, Hong Kong
Taille : 1h45 / Poids : NC
Genre : Action, Arts Martiaux, Drame
Livret de famille : Donnie Yen, Yue Wu, Scott Adkins…
Signes particuliers : Un opus final en-dessous des précédents.
Sortie décalée en raison de l’épidémie de Covid-19 et du confinement.
Ip Man 4 sortira dès la réouverture des cinémas.
CLAP DE FIN POUR LA SAGA IP MAN
NOTRE AVIS SUR IP MAN 4
Synopsis : Dans le dernier opus de la saga mythique, Ip Man se rend aux Etats-Unis à la demande de Bruce Lee afin d’apaiser les tensions entre les maîtres locaux du Kung-fu et son protégé. Il se retrouve très vite impliqué dans un différend raciste entre les forces armées locales et une école d’arts martiaux chinoise établie dans le quartier de Chinatown à San Francisco. Dans une apothéose de combats ultra-maîtrisés, avec la grâce et la sérénité qui le caractérisent, Donnie Yen donne vie, pour la première fois sur grand écran en France, au légendaire maître chinois de Wing Chun.
Clap de fin pour Donnie Yen et Ip Man. En 2008, la star chinoise prêtait ses traits à la légende martiale pour un premier biopic si réussi, qu’il allait engendrer une saga. Une suite, puis une autre, un spin-off, une franchise concurrente venue parasiter un peu tout ça, mais la série des Ip Man version Donnie Yen de quand même marcher tranquillement sur les traces des Il Etait une Fois en Chine de Tsui Hark, où Jet Li (puis Chui Man-cheuk) incarnait un autre symbole martial non moins célèbre, Wong Fei-hung. La saga des Il Etait une Fois en Chine se terminait par un sixième opus baptisé Docteur Wong en Amérique où l’estimé Wong Fei-hung découvrait le pays de l’Oncle Sam dans un long voyage exotique. Et autant assumer la filiation jusqu’au bout, Ip Man 4, ultime volet de la saga désormais refermée, raconte les aventures du sifu Ip Man… aux Etats-Unis. A l’autre bout du monde, loin de sa Chine natale, maître Ip va découvrir quelques enseignements et se retrouver contraint d’affronter à nouveau différents adversaires, dont un officier des Marines incarné par le musculeux Scott Adkins, qui joue les méchants yankee après Mike Tyson dans le 3ème opus.
Même si la qualité des films n’a cessé de décliner de chapitre en chapitre avec au passage un spin-off particulièrement désastreux, on a toujours eu beaucoup de tendresse pour la saga Ip Man, portée avec tant de sincérité et de conviction par un Donnie Yen que l’on sent admiratif de la légende qu’il incarne. La force de la franchise est d’avoir su imposer une icône sublimée depuis le tout premier film, présentée comme humble, simple, calme, sage. Et de fait, rendue hyper-attachante aux yeux du public, qui a vite pris ce « maître Ip » en affection. Aux commandes, il y a toujours eu Wilson Yip pour maintenir un certain niveau. A son style solide comme le roc, s’ajoutaient des histoires plus ou moins intéressantes très vaguement inspirées des mémoires de Yip Man (largement romancées à l’écran –Yip Man ne s’est d’ailleurs jamais rendu aux États-Unis), les performances martiales d’un Donnie Yen au top, les chorégraphies de l’immense Yuen Woo-Ping ou encore le superbe thème musical de Kenji Kawai. Avec Ip Man 4 : The Finale, gigantesque triomphe au box office chinois, pas grand-chose ne change en apparence. Même réalisateur, même star, même chorégraphe, même musicien et même construction du récit avec trois « adversaires » (chinois d’abord puis étrangers ensuite) pour trois actes narratifs, et la vie privée qui déclenche et évolue autour de l’aventure. Tout pareil cette fois, et pourtant quelque chose semble avoir changé. Quelque chose d’imperceptible, de diffus, mais qui a pour conséquence de faire dériver la franchise Ip Man vers une certaine forme de petite banalité regrettable. En effet, les amateurs de cinéma martial asiatique auront bien du mal à trouver une vraie originalité à ce quatrième opus, à la fois très classique et dénué d’identité. C’est précisément là où la différence se fait, la saga Ip Man a toujours eu une identité propre pour la soutenir et la porter. Ici, elle peine à prendre forme au sein d’un script pas très bien fagoté.
C’est le premier échec de cet ultime chapitre, un scénario qui entremêle beaucoup de sous arcs narratifs mais les emboîte de manière si mécanique et indigeste que l’on ne sait plus trop ce que l’on suit et regarde. Ip Man traverse le globe pour San Francisco et se retrouve à affronter un compatriote lui aussi expert en Wing chun, un instructeur de l’armée maître en karaté puis un officier des Marines qui se révèle d’un coup lui aussi spécialiste du karaté mais en encore plus fort… A cela s’ajoute une histoire de jeune fille brimée à l’école, la maladie de maître Yip, ses problèmes relationnels avec son fils… Le récit est surchargé et si le tout aurait pu avoir une certaine cohérence malgré des ressorts dramatiques improbables, il manque de finesse d’écriture pour rendre le tout plus homogène. D’autant plus dommage qu’à ses angles, Wilson Yip développe plusieurs propos passionnant, faisant de ce dernier volet, probablement celui ayant le plus de choses à dire. D’abord, il y a le récit évoquant la transmission, l’héritage et la peur de laisser ses enfants en partant pour le grand voyage. Wilson Yip réussit à l’aborder avec une certaine sensibilité même si elle reste retenue, le cinéma de divertissement chinois n’ayant jamais été réputé pour ses élans émotionnels. Pudeur asiatique dira t-on, à l’image d’une fin très expéditive, qui manque cruellement d’émotion.
Ensuite, il y a tout un pan plus politique, évoquant des thèmes comme l’immigration, l’intégration ou la xénophobie quand on est une minorité sur un sol étranger. Notons que le racisme américain envers les asiatiques est bien connu de longue date (et au cinéma, il a même été l’objet d’un documentaire des sœurs Kuperberg dont on vous avait parlé). Si le film multiplie les caricatures, notamment dans sa présentation des méchants américains, c’est avant tout pour servir justement son propos. Les Bruce Lee ou les Il Était une Fois en Chine étaient d’ailleurs tout aussi caricaturaux dans leur présentation des occidentaux. Néanmoins, Ip Man 4 essaie quand même d’aller un tout petit plus loin que ce (faux) manichéisme primaire. Par l’intermédiaire d’un gradé de l’armée plus ouvert que ses sbires et surtout par l’intermédiaire de Bruce Lee justement. Élève de Yip Man dans sa jeunesse, la star chinoise était partie aux États-Unis et c’est logiquement qu’on le retrouve au cœur de l’histoire de Ip Man 4. Par son entremise, le film tente d’élaborer un discours sur le partage du savoir culturel, tout en vantant quand même le besoin d’une solidarité sinophone dans l’adversité (voire d’une solidarité tout court entre expatriés isolés loin de leurs bases). Bruce Lee essayait de faire découvrir sa culture et son art aux États-Unis et cette idée devient justement l’un des enjeux dramatiques les plus intéressants du film.
Mais quid des combats car après tout, Ip Man est surtout un film martial. Disons que ceux de ce quatrième volet ne resteront pas parmi les plus impressionnants de la saga. La faute à la mise en scène d’un Wilson Yip pas forcément très inspiré, lequel se contente de signer une réalisation fonctionnelle offrant de la lisibilité à défaut d’un souffle incroyable. Le spectacle martial semble ramené à un degré plus intimiste, moins fanfaronnant (moins câblé aussi), plus dans la rugosité du corps à corps. C’est ce que l’on en retiendra car au moins, Ip Man 4 propose autre chose. Dommage que ces séquences d’action semblent éparpillées et disposées ça et là comme pour remplir un cahier des charges là où les films précédents paraissaient mieux agencés, mieux structurés, plus aboutis.
BANDE-ANNONCE :
Par David Huxley