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PINOCCHIO de Matteo Garrone : la critique du film

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Spectateurs

Carte d’identité :
Nom : Pinocchio
Père : Matteo Garrone
Date de naissance : 2020
Majorité : 1er juillet 2020
Type : sortie en salles
Nationalité : Italie
Taille : 2h05 / Poids : NC
Genre : Fantastique

Livret de famille : Roberto Benigni, Federico Ielapi, Gigi Proietti…

Signes particuliers : Méfiez-vous avant de mettre vos enfants devant cette version du conte.

Sortie décalée en raison de l’épidémie de Covid-19 et du confinement

 

UN ÉTRANGE REVISITE

NOTRE AVIS SUR PINOCCHIO

Synopsis : Geppetto, un pauvre menuisier, fabrique dans un morceau de bois un pantin qu’il prénomme Pinocchio. Le pantin va miraculeusement prendre vie et traverser de nombreuses aventures.  

Il y a plus de 25 ans, le doux-dingue Roberto Benigni passait des essais pour un projet d’adaptation au cinéma du conte Pinocchio par l’immense Fellini. La mort du cinéaste mit un terme à l’affaire. Une dizaine d’années plus tard, au lendemain du triomphe de La Vie est Belle, l’acteur italien retrouvait à nouveau le petit pantin de bois qui parle pour une libre adaptation conduite cette fois par ses propres soins, écrite, réalisée et interprétée. Très coûteux et fort mauvais, le film sera malheureusement un échec. Mais il devait être écrit quelque part que l’histoire entre Benigni et Pinocchio n’était pas terminée. Aujourd’hui, l’acteur-réalisateur retrouve l’univers du conte de Carlo Collodi, mais cette fois-ci en tant que simple Gepetto pour le compte de Matteo Garrone, qui change radicalement de registre après son terrassant Dogman. Un changement de registre mais pas tant que ça puisque si ce Pinocchio 2020 n’a rien à voir avec le film sacré à Cannes, il a en revanche tout à voir avec son prédécesseur, le singulier et fascinant Tale of Tales sorti en 2015. Ce qui nous mène à une importante mise en garde…

Quand on connaît l’univers cinématographique de Matteo Garrone, difficile d’imaginer le cinéaste se frotter à une adaptation pimpante et joyeuse du conte de Collodi. Et en effet, le résultat prouve vite que l’on est très très loin du monde enchanté de Disney et compagnie. Intéressé par l’essence fondamentale du conte d’origine, Matteo Garrone nous raconte l’histoire de Pinocchio telle qu’elle a été écrite par l’auteur en 1881 et non comment Disney l’a rendu populaire. Rappelons qu’en 1940, par peur que le personnage ne plaise pas au public, Walt Disney lui-même a insisté pour que le côté « odieux » de la marionnette soit enlevé afin de rendre le petit garçon de bois plus attachant. Matteo Garrone envoie vite valser la version disneyienne que tout le monde connaît et replonge donc dans la version originelle. De fait, il ne livre pas un conte mignon et plein de tendresse mais au contraire, un conte très noir et cruel, n’épargnant rien de ce que l’on trouvait dans le roman « jeunesse » de Carlo Collodi. Ainsi, son Pinocchio sera brûlé, pendu, floué… Bref, vous l’aurez compris, fort d’une vision à la fois très frontale et surtout très adulte, Matteo Garrone confectionne un Pinocchio qui ne s’adresse pas vraiment aux enfants. A moins de vouloir les traumatiser…

Mais au-delà de l’intéressante radicalité de la démarche qui fait de cette revisite de Pinocchio, un film dans la lignée stylistique de ce que Garrone a pu faire sur son Tale of Tales à savoir proposer un conte déconcertant entre le rêve et le cauchemar, reste que le film en lui-même, déconnecté de ses intentions, a beaucoup de mal à fonctionner. Le Pinocchio de Garrone, c’est un peu comme un train qui part. Soit vous êtes dedans, soit il partira sans vous et impossible de monter en marche une fois la machine lancée. Pour entrer dedans, il faut accepter d’emblée accepter sans concession aucune la vision particulière du cinéaste envers le mythe. De base, les contes ont toujours été des histoires dures et sombres, que la magie des recueils pour enfants (et Disney) ont rendu vivants, joyeux et colorés. Avec son Pinocchio, Mateo Garrone exploite le versant malaisant de cette histoire, versant qui a toujours été présent mais que la mignonnerie disneyienne a su faire passer pour des « aventures ». On parle quand même d’un film sur la différence et le rêve d’être « comme les autres » où un petit garçon en bois va être enlevé, exploité, maltraité, jeté à la mer, bouffé par un cétacé… On a connu plus joyeux. D’autant qu’autour de la trajectoire du petit bonhomme, Garrone signe une fable qui égrène des thématiques allant de la misère sociale aux dangers de l’insouciance de l’enfance en passant par la part sombre de l’humain en tant qu’être fait de tentations.

Mais en admettant que l’on se soumette sans mal à la vision « garronienne », il y a ensuite le film en lui-même où Matteo Garrone semble parodier ce qu’il avait si brillamment réussi sur Tale of Tales. Boursoufflé, crispant, agaçant dans ses partis pris esthétiques, incapable de produire de l’émotion même là où l’on devine clairement qu’il essaie de le faire, ce Pinocchio cumule les points d’achoppement qui le rendent mal-aimable. Mais le pire est sans aucun doute son positionnement plus qu’hasardeux. Car s’il semble évident que l’effrayante noirceur du film l’adresse à un public adulte, certaines images et choix formels semblent faire davantage du gringue aux enfants. Et Matteo Garrone au milieu de parler d’un film « pour tous », d’un film familial. L’ennui, c’est que l’on finit par ne plus voir très clair dans l’entreprise et qu’elle donne l’impression de passer à côté de tous les publics.

BANDE-ANNONCE :

Par David Huxley

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