Et on ressort le traditionnel adage « le film d’après est toujours le plus dur ». Quand un ou une cinéaste brille avec un premier film très remarqué, le fameux « film d’après » est toujours casse-gueule. Car l’exigence est plus forte. Car on y attend l’affirmation d’un style entrevu. Car surprendre est plus difficile. Bien des auteurs s’y sont cassés les dents. On pourrait citer récemment le cas de Deniz Erguven par exemple, révélé avec le formidable Mustang et qui s’est royalement plantée avec Kings deux ans plus tard. A l’opposé, Audrey Diwan s’est brillamment illustrée avec L’évènement après avoir réussi son premier film (le très fort Mais vous êtes fous).
Mounia Meddour est à cette croisée des chemins. Il y a quatre ans, la réalisatrice signait
Papicha. Son acte de naissance en tant que metteur en scène. Celui de la jeune et formidable Lyna Khoudri aussi. Le festival de Cannes, deux César, une sélection pour la course à l’Oscar du Meilleur Film Etranger, le film est un succès. La suite, ce sera
Houria, un projet de longue haleine qui échouera à s’insérer dans la sélection cannoise. Une déception sans doute personnelle pour Mounia Meddour, mais qui n’enlève rien à la réussite artistique de ce second effort.
Houria, c’est le prénom d’une jeune danseuse qui rêve de devenir une grande ballerine. En attendant, elle est femme de ménage le jour et participe à des paris clandestins la nuit pour réunir un peu d’argent. Jusqu’au jour où elle est violemment agressée dans la rue. Amochée, la cheville brisée, ses rêves viennent de s’envoler.
A la va-vite, on pourrait dire que
Houria partage quelques fortes connections avec le
En Corps de Cedric Klapisch. Il y est question d’une danseuse prometteuse, d’une blessure assassine, d’une trajectoire balayée, de rêves éteints et d’un long travail de reconstruction. Néanmoins, à aucun moment
Houria donne des impressions de redite. Car le film de Klapisch était entièrement dédié à la danse. Celui de Mounia Meddour tourne autour car c’est son point de gravité, mais il évoque pas mal d’autres choses en creux de son portrait de femme. A commencer par l’Algérie actuelle, ses femmes, sa culture, son mal-être, le spectre des attentats, les désirs d’ailleurs de la jeunesse pour un avenir plus radieux. Beaucoup de choses, peut-être un peu trop justement, au risque que l’on perde parfois le fil et le vrai centre de son propos. En cela,
Houria est un cran en-dessous de
Papicha, un poil moins maîtrisé dira t-on.
Toutefois, il se dégage quelque chose de fort du film. Fort à défaut de puissant car c’est l’autre petit reproche que l’on pourrait émettre, il manque d’une véritable explosion d’émotion. Peut-être le contrecoup d’un parti pris artistique assez radical, la cinéaste jouant énormément avec les cadrages très resserrés sur ses personnages pour créer de l’intime au détriment de l’emphase. L’inverse d’un Klapisch qui arrivait à créer une profonde magie artistique. Question de hiérarchie de la représentation. Chez Klapisch, l’art de la danse était au-dessus de ses personnages. Chez Meddour, c’est l’inverse. Son film est avant tout un portrait de femme, et l’art est derrière. Néanmoins et malgré ces défauts et une écriture plus orchestrée et moins dans un abandon viscéral, Houria parvient à créer quelque chose. C’est imparfait, plus boitillant, mais le film génère une profonde affection. Pour la manière dont la cinéaste ancre son histoire dans la culture algérienne. Pour les scènes de danse (magnifiquement chorégraphiees par Hajiba Fahmy) d’une beauté enivrante. Pour Lyna Khoudri, qui est une nouvelle fois exceptionnelle. Pour ses choix artistiques à la fois radicaux et forts aussi. Mais surtout parce qu’une véritable sympathie se créée entre le spectateur et cette oeuvre profondément belle, désespéremment délicate, éperdument sincère.