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BE NATURAL, L’HISTOIRE CACHÉE D’ALICE GUY-BLACHÉ de Pamela B. Green : la critique du film

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Carte d’identité :
Nom : Be Natural : The Untold Story of Alice Guy-Blaché
Mère : Pamela B. Green
Date de naissance : 2019
Majorité : 22 juin 2020
Type de sortie : sortie au cinéma
Nationalité : USA
Taille : 1h42 / Poids : NC
Genre : Documentaire

Livret de familleAvec des interviews d’Evan Rachel Wood, Patty Jenkins, Geena Davis, Ben Kingsley, Agnès Varda, Ava DuVernay, Peter Farrelly, Julie Delpy…

Signes particuliers : Un documentaire passionnant qui réécrit correctement l’histoire des débuts du cinéma.

 

PORTRAIT D’UN MONUMENT OUBLIÉ

NOTRE AVIS SUR BE NATURAL, L’HISTOIRE CACHÉE D’ALICE GUY-BLACHÉ

Synopsis : Première femme réalisatrice, productrice et directrice de studio de l’histoire du cinéma, Alice Guy est le sujet d’un documentaire mené tambour battant telle une enquête visant à faire (re)connaître la cinéaste et son œuvre de par le monde.

  

A la question « Qui a inventé le cinéma ? », beaucoup vont s’empresser de dire « les frères Lumière ! ». C’est pas faux (même si l’on sait que les choses sont un petit peu plus complexes que ça) mais surtout, ce sont les termes qui ne sont pas tout à fait exacts. Déjà, qu’entend t-on par « cinéma » ? Sans rien enlever à leur mérite, les frères Lumière ont breveté la technique, le principe de filmer et de pouvoir projeter les images sur un écran. Ils ont ensuite mis en boîte de courtes saynètes montrant des « moments de vie », comme l’arrivée d’un train en gare de la Ciotat ou des employés sortant d’une usine à Lyon. Mais alors, qui a donc inventé « le cinéma » ? A cela, les réponses seront plus variées. Certains citeront Edison, d’autres parleront de Méliès ou de Griffith… Mais au milieu de ce festival de noms lâchés, un est oublié de tous. Même les plus grands historiens, de Georges Sadoul à Jean Mitry, l’ont copieusement ignoré ou sous-estimé. Il s’agit d’Alice Guy-Blaché. Une femme ?! Oui, une femme. Française ? Oui, française.

Be Natural, L’histoire cachée d’Alice Guy est un documentaire passionnant qui tente justement de remettre les choses à leur juste place. Le nom d’Alice Guy-Blaché n’évoque rien à énormément des gens, et même les plus cinéphiles qui en ont entendu parler ne mesurent pas forcément la place qu’elle devrait occuper dans les livres d’histoire. Car inexplicablement (et scandaleusement), Alice Guy-Blaché a été oubliée de cette même Histoire du cinéma. A tel point que même des étudiants de la prestigieuse Fémis interrogés ne savent même pas qui elle est… alors qu’une salle de cours porte son nom ! Pourtant, si l’on devait dire qui a vraiment inventé le « cinéma », le nom d’Alice Guy-Blaché pourrait être une réponse totalement crédible et défendable. C’est elle, dès 1896, qui s’est dit que l’on pourrait utiliser cette nouvelle technologie en tant qu’art et que l’on pourrait raconter des histoires plutôt que de simplement filmer des scènes de la vie quotidienne. On lui doit les premiers films de fiction, on lui doit l’idée des cadrages (gros plan, plan large etc…), on lui doit l’idée de coloriser les images, de synchroniser son et image pour avoir un simili-parlant, on lui doit le split screen, l’utilisation de la profondeur de champ, certaines techniques d’effets spéciaux encore d’actualité… Bref, curieusement, Alice Guy-Blaché a été oubliée des manuels de cinéma et pourtant, c’est elle qui a inventé une grande partie du langage cinématographique à travers les près de mille films qu’elle a pu réaliser ! 1000. Et dire que Sadoul ou Mitry ne lui en attribuent que 2-3. Et dire que Léon Gaumont, qui l’a lancée dans le métier après l’avoir embauchée comme secrétaire, ne l’évoque même pas dans les premiers livres de sa société.

Si l’on parle de la technique du « film », alors oui, on pourra dégainer le nom des frères Lumière. Si l’on veut parler du « cinéma » en tant qu’art, alors il serait temps de réhabiliter Alice Guy-Blaché en tant que réelle contributrice à l’invention du cinéma. Elle a écrit, réalisé, elle a monté son propre studio aux États-Unis, elle a produit, elle a travaillé aux côtés des Chaplin et autres. De Hitchcock à Eisenstein, ils ont été nombreux à dire avoir été inspiré par ses travaux. Louis Feuillade a été son assistant. Lois Weber, la première « réalisatrice américaine », également. Surtout, comme certains grands noms du cinéma interviewés le confessent dans Be Natural, encore aujourd’hui, on pourrait regarder les films réalisés par Alice Guy-Blaché et y trouver matière à inspiration. Car ils étaient extrêmement riches, créatifs, indémodables.

Avec Be Natural, L’histoire cachée d’Alice Guy, la documentariste Pamela Green essaie non seulement de réparer une injustice, mais elle mène une véritable investigation construite comme une enquête policière. Elle a cherché, elle a remontée de nombreuses pistes à cheval entre la France, les États-Unis et la Belgique, elle a exhumé de précieuses archives et documents, pour essayer de retracer le parcours de cette femme hors-norme. Et de surprise en surprise, Pamela Green a découvert à quel point Alice Guy devrait être un monument du cinéma et non un lointain souvenir oublié. Haletant de bout en bout, même si l’on pourra lui reprocher parfois d’être un peu trop rapide et de survoler certaines rotules (perdant ainsi un poil en clarté), Be Natural essaie de comprendre pourquoi Alice Guy-Blaché a ainsi été balayée de l’histoire du cinéma. Un film à voir impérativement pour tous les passionnés de septième art… et même pour les autres tant il raconte une histoire incroyable.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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