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ANIMALS de Nabil Ben Yadir : la critique du film

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Spectateurs


Nom : Animals
Père : Nabil Ben Yadir
Date de naissance : 2023
Majorité : 15 février 2023
Type : sortie en salles
Nationalité : Belgique
Taille : 1h32 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Soufiane ChilahGianni GuettafVincent Overath

Signes particuliers : Film choc ou film choquant, Animals marche sur des œufs malgré son sujet et ses intentions inattaquables. 

Synopsis : Brahim est un jeune homme, la joie de vivre de sa mère. Un jour il trouvera l’amour de sa vie. il deviendra père de famille et les rendra tous fiers. Un jour, il sera mûr et comblé. Un jour…

 

NOTRE AVIS SUR ANIMALS

A LA MEMOIRE DE IHSANE JARFI

2023 marque les retrouvailles avec un cinéaste que l’on avait un peu perdu de vue depuis une bonne dizaine d’années. En 2013, le belge Nabil Ben Yadir signait La Marche, comédie dramatique relatant (de manière très romancée) l’histoire de la célèbre marche pour l’égalité et contre le racisme qui s’était tenue en France en 1983. Tristement passé inaperçu en salles malgré son beau casting (Olivier Gourmet, Jamel Debbouze, Charlotte Le Bon etc.), le film avait pourtant été un joli coup de cœur. La suite, ce sera le thriller Angle Mort qui sortira directement en DVD chez nous. Avec Animals, Nabil Ben Yadir retrouve les honneurs de la salle, et revient surtout au film inspiré de faits réels. Sauf que cette fois, point d’humour, de chaleur ou de romanesque contrairement à La Marche. Cette fois, on entre de plain-pied dans le registre de l’horreur froide, anxiogène et implacable. Animals est basé sur l’histoire de Ihsane Jarfi, jeune homosexuel belge assassiné parce qu’homosexuel. Campé par un impressionnant Soufiane Chilah, le film lui est dédié et témoigne de la volonté de Nabil Ben Yadir de creuser le sillon du rejet de toute forme d’intolérance.

 

Soyons clairs, il n’est pas évident de se positionner face à Animals, « film choc » par excellence. Si l’expression a souvent été galvaudée ces temps-ci, elle colle pour le coup réellement à ce que procure le long-métrage de Nabil Ben Yadir tant sa dureté frontale pousse le spectateur dans ses plus profonds retranchements entre colère révoltée et dégoût.

Dans un premier temps, Nabil Ben Yadir dresse le portrait d’un jeune homosexuel issu d’une famille musulmane et s’attarde sur les difficultés qu’engendre le conflit entre sa réalité et son contexte. La peur de l’avouer, le rejet de ceux qui savent, le mal-être d’une situation émotionnellement conflictuelle, Ben Yadir nous attache fort à son Brahim, dont la douceur presque angélique brise toutes les barrières de l’empathie. La connexion entre le protagoniste-sujet et le spectateur est d’autant plus effective que Nabil Ben Yadir fait le choix formel d’une absence totale de technique visible. Épure, aucun artifice de mise en scène, caméra à l’épaule, Animals se veut simple, authentique, privilégiant son sujet à toute démonstration artistique. Et puis vient la fameuse et tant redoutée « séquence centrale », le cœur du film, le point de rupture. Dans la nuit du 22 avril 2012, Ihsane Jarfi est enlevé par quatre hommes qui vont le torturer durant plusieurs heures. On parlera du premier meurtre à caractère homophobe reconnu comme tel de l’histoire de la Belgique.

Était-ce nécessaire ? Tout le débat est là, et avec lui ce que l’on retiendra et pensera de Animals. Durant près d’une demi-heure, Animals va nous montrer le calvaire enduré par Brahim, des coups à son agonie. Une bonne partie sera rendue façon found footage, avec une image verticale de caméra de smartphone (celui d’un des agresseurs). Fallait-il ainsi ne rien épargner au spectateur ? Fallait-il tout montrer pour bien relater l’atroce calvaire du jeune homme pris au piège d’animaux assoiffés de violence ? Fallait-il ranger toute pudeur et retenue au placard pour traduire le plus frontalement possible, la crasse horreur de ces connards ayant voulu casser du PD par amusement, comme pour affirmer leur ridicule et petite masculinité toxique visiblement mise à mal par la société tolérante ? A moins que ce ne soit leur frustration de ne pas trouver de « chattes » pour la soirée qui se soit exprimée dans un élan d’épouvantable connerie humaine. Fallait-il montrer ? Certains diront oui, parce que c’est justement l’insoutenabilité des images qui va participer à marquer les esprits pour mieux y faire pénétrer le propos. D’autres diront non, car elle cède aux sirènes d’un voyeurisme sordide et nauséeux. En plus d’être très dures à soutenir. Et de se dire que finalement, le débat en rappelle un autre vieux d’une vingtaine d’années, celui-là même qui avait agité les spectateurs à la sortie du Irréversible de Gaspar Noé. Ce qui est sûr, c’est qu’un film comme Animals est toujours nécessaire tant que la lutte contre l’homophobie ne sera pas définitivement éradiquée. Quoiqu’on pense de sa radicalité, ses intentions, elles, sont inattaquables.

 

Par Nicolas Rieux

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