Nom : 99 Homes
Père : Ramin Bahrani
Date de naissance : 2014
Majorité : 25 mai 2016
Type : Sortie Blu-ray/DVD
(Éditeur : Wild Side)
Nationalité : USA
Taille : 1h52 / Poids : 8 M$
Genre : Drame
Livret de famille : Michael Shannon (Rick Carver), Andrew Garfield (Dennis Nash), Laura Dern (Lynn), Tim Guinee (Frank Green), J.D. Evermore (Taner), Noah Lomax (Connor)
Signes particuliers : Si vous l’avez manqué en e-cinema, il est grand temps de le rattraper en vidéo !
LA CRISE DES SUBPRIMES, CE TRAUMATISME DE L’AMÉRIQUE…
LA CRITIQUE
Résumé : Un homme, dont la maison vient d’être saisie par sa banque, se retrouve à devoir travailler avec le promoteur immobilier véreux qui est responsable de son malheur.L’INTRO :
La crise des subprimes qui a littéralement défiguré l’Amérique à partir de l’été 2007, reste un traumatisme majeur du XXIème siècle et continue d’inspirer les cinéastes américains, et plus particulièrement le cinéma indépendant, qui aime à discourir sur ce genre de sujets de société. On se souvient de The Company Men avec Ben Affleck ou plus récemment, du Lost River de Ryan Gosling, entre autres. Aujourd’hui, c’est le metteur en scène Ramin Bahrani qui se penche à son tour sur ce drame économique qui a touché des millions de personnes à travers les Etats-Unis, frappant plus particulièrement certaines villes plus propices à l’impact, comme Detroit ou Orlando. Et c’est justement cette dernière qui est le théâtre de 99 Homes, sixième long-métrage de Bahrani (Goodbye Solo), primé au festival de Deauville et sorti quelques mois plus tard en e-cinema. Le cinéaste suit le parcours d’un jeune père esseulé (Andrew Garfield) qui, du jour au lendemain, perd la maison familiale, saisie par la banque et notamment, un agent immobilier vorace (Michael Shannon). A la rue avec son fils et sa mère (Laura Dern), Dennis Nash va devoir se battre pour récupérer son bien… quitte à emprunter des sentiers qui laisseront des traces indélébiles et l’amèneront à se questionner sur la moralité en général, la sienne en particulier.L’AVIS :
Comme le laissait deviner son pitch, 99 Homes vient errer dans l’entre-zone du thriller dramatique social. Le thriller, pour le ton que donne Ramin Bahrani à son film, mené avec une réelle tension permanente qui étreint le spectateur de la première à la dernière minute, alors que se déroule sous nos yeux, la toile d’araignée d’une tragédie humaine angoissante et suffocante. Le drame social ensuite, pour l’histoire qu’il narre. Exit tout artifice narratif rocambolesque ou péripétie improbable apposée à son sujet de fond, 99 Homes s’applique à rester fermement dans sa démarche de départ, scrutant les ravages d’un système parti à la dérive, les ravages qu’il a pu faire sur de nombreuses familles victimes d’un malheur économique à échelle nationale. Sans jamais ennuyer une seule seconde grâce à son rythme haletant, sa structure intelligente ou son récit passionnant et poignant, 99 Homes est une sacrée réussite, un portrait bouleversant et horrifiant du cauchemar qui a frappé les populations les plus exposées au cataclysme.Ramin Bahrani scrute, décortique, analyse. Sans juger, ou du moins en essayant de le faire intelligemment, le cinéaste essaie de mettre en valeur les tenants et les aboutissants du séisme de 2007 qui s’est propagé dans les mois (voire les années à venir). Surtout, il s’efforce d’embrasser un tableau suffisamment vaste pour que les points de vue s’entrechoquent. D’un côté les victimes, de l’autre les créanciers, au centre, les bras du cauchemar qui viennent se charger d’appliquer « la loi » et de procéder aux expulsions. Si le réalisateur délaisse un peu le point de vue des banques, leur tirant dessus à boulets rouges en les désignant comme responsables direct sans aller chercher leur vision des choses (en même temps, difficile de leur trouver des excuses), c’est surtout sur l’affrontement sur le terrain que se focalise 99 Homes, l’affrontement entre les malheureux expulsés et les « expulseurs ». Et si le manichéisme militant n’est pas très loin, du fait d’un regard réaliste sur la situation mais également en raison d’un trait un peu forcé pour donner de l’épaisseur et pour apporter des enjeux forts via le personnage de Michael Shannon, 99 Homes brille par l’acuité de son discours, par la maîtrise indéniable de son auteur, par la profondeur et la lucidité de son étude de la situation, cherchant toujours à expliquer (et de façon très ludique, de surcroît) plutôt que se contenter d’asséner des vérités complexes ramenées à un seuil réducteur.Globalement brillant malgré quelques petites facilités (infimes) et bien aidé dans ses ambitions et son propos par deux comédiens formidables, un Michael Shannon fascinant en agent immobilier cupide et sans états d’âme et un Andrew Garfield dans son meilleur rôle à ce jour, 99 Homes est une chronique dramatique suffocante, essorant le spectateur meurtri de contempler à quel point nos existences restent soumises aux diktats cruels du système dans lequel on les vit. Questionnant la moralité et notre propre morale face à la nécessité de survivre avec beaucoup d’efficience, le film de Ramin Bahrami est un petit trésor qui prouve encore une fois, à quel point, dans l’ombre du gros cinéma hollywoodien, le courant indépendant américain est capable de belles choses s’interrogeant sur la société et sur nous-mêmes.
L’ÉDITION BLU-RAY / DVD
Deux suppléments viennent accompagner le film, un double-entretien avec le réalisateur Ramin Bahrani et l’acteur Michael Shannon, puis une scène coupée. On aurait aimé davantage, surtout concernant une œuvre aussi riche que 99 Homes sur laquelle il y avait tant à dire, mais ils suffisent néanmoins à apporter une petite valeur ajoutée aux éditions Blu-ray comme DVD. Durant les 24 minutes d’entretiens accordées par le cinéaste et son comédien lors de leur passage au festival de Deauville, le tandem revient (séparément) sur la portée sociale et la dimension très actuelle du film. Ils s’attardent surtout longuement sur les personnages au cœur de 99 Homes, leur complexité, leur dynamique, ce qu’ils incarnent, leurs motivations… Un décryptage passionnant et édifiant. Passionnant comme la scène coupée qui vient ensuite, et qui ne manque pas d’intérêt. Étonnant d’ailleurs qu’elle ait été ainsi coupée au montage tant elle appuie encore un peu plus, l’ironie de certaines situations présentées dans le film.
LA BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux