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VIE SAUVAGE de Cédric Kahn [Critique – Sortie DVD/Blu-ray]

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vie sauvageMondo-mètre
note 7-10
Carte d’identité :
Nom : Vie Sauvage
Père : Cédric Kahn
Date de naissance : 2014
Majorité : 11 mars 2015
Type : Sortie DVD & Blu-ray
(chez France Télévision Distrib.)
Nationalité : France
Taille : 1h42 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Mathieu Kassovitz (Paco), Céline Sallette (Nora), Romain Depret (Tsali adolescent), Jules Ritmanic (Okyesa adolescent), David Gastou (Tsali enfant), Sofiane Neveu (Okyesa enfant), Jenna Thiam (Céline)…

Signes particuliers : Pour son neuvième long-métrage, Cédric Kahn s’empare d’un fait divers réel qui a défrayé la chronique à la fin des années 90, la soustraction à leur mère de deux enfants, par un père aimant et prêt à tout.

VIE SAUVAGE & SAUVAGERIE DE LA VIE

LA CRITIQUE

Résumé : Philippe Fournier, dit Paco, décide de ne pas ramener ses fils de 6 et 7 ans à leur mère qui en avait obtenu la garde. Enfants puis adolescents, Okyesa et Tsali Fournier vont rester cachés sous différentes identités. Greniers, mas, caravanes, communautés sont autant de refuges qui leur permettront de vivre avec leur père, en communion avec la nature et les animaux. Traqués par la police et recherchés sans relâche par leur mère, ils découvrent le danger, la peur et le manque mais aussi la solidarité des amis rencontrés sur leur chemin, le bonheur d’une vie hors système : nomades et libres. Une cavale de onze ans à travers la France qui va forger leur identité.102188.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx L’INTRO :

1998. Xavier Fortin vient prendre ses deux fils chez leur mère pour une semaine de vacances. Il ne les ramènera jamais. Capturé par la police onze ans plus tard, il sera condamné à 2 ans de prison dont 22 mois avec sursis. Ce qui était passionnant dans ce triste fait divers, c’est la complexité des enjeux qui tenaient cette histoire nettement moins manichéenne qu’elle ne peut en avoir l’air. L’affaire Fortin multipliait les points de vue tous intrinsèquement déchirant. Le combat d’un père dévoué à ses enfants, à qui l’on a retiré le droit de garde et qui n’a eu de cesse de clamer sa cause auprès de la justice, le calvaire d’une mère privé de ses deux enfants pendant plus de onze ans, et la folle cavale de deux gamins emportés dans cette tragédie familiale. A cela venait se superposer un contexte. Xavier Fortin et sa famille étaient des marginaux, vivant loin de la société moderne et des conventions sociales, en harmonie avec la nature. Une marginalité qui a été le point déclencheur du drame lorsque la mère, Nora (incarnée par Céline Salette) décida de mettre fin à cette existence de nomade en arrachant ses fils à cette vie, pour leur offrir un venir et une certaine normalité. Sa décision était on ne peut plus défendable. Comme celle d’un père soucieux de respecter les désirs de sa progéniture et de les ramener à ce qu’ils souhaitaient eux, quitte à se mettre hors la loi en les soustrayant à leur mère. Car c’est là que ce cristallise le point central de l’histoire, les enfants ne voulaient pas de cette existence classique avec leur mère et n’aspiraient qu’à retourner à leur vie bohème, avec leur paternel. Pour le cinéaste Cédric Kahn (Roberto Succo, Feux Rouges, Les Regrets), l’affaire Fortin était faite pour le cinéma par sa dimension mêlant drame familial, film d’aventure et de cavale et pamphlet naturaliste. Lui-même ayant été élevé en communauté par des parents marginaux, c’est presque logiquement qu’il a été amené à vouloir porter ce récit à l’écran, la même année qu’une autre fiction sur le sujet, La Belle Vie de Jean Denizot.vie_sauvage_5L’AVIS :

Et si l’air de rien, Cédric Kahn venait de signer son meilleur film depuis Roberto Succo en 2004 ? En s’attaquant à Vie Sauvage, le cinéaste débordait d’intentions, cherchant à faire un film transgenre, cherchant à dépasser l’illustration du seul fait divers originel, cherchant à rendre toute la complexité inextricable de cette incroyable mélodrame familial, cherchant à saisir à vif cette cavale folle, ou comment un père a pu se dissimuler dans toute la France pendant onze années avec ses deux fils. Ou comment ces deux frères ont évolué dans ce contexte particulier, comment ils ont vécu ce maelström à la fois dramatique et judiciaire. Brillant dans l’ensemble, malgré quelques notes d’intentions inabouties, Vie Sauvage est un neuvième film bouleversant du cinéaste, alliant puissance, amour fort, poésie, naturalisme et humanisme, autant de qualificatifs contrastant son autre visage, celui de la dureté, de la douleur, de la violence, de l’arrachement et du drame irréparable. Mieux, Vie Sauvage pose et se pose les bonnes questions avec une lucidité et un recul suffisants pour transcender son sujet en l’amenant sur les terres de la tragédie familiale sur fond de morale, de psychologie, de questionnement sociétal et personnel, d’échec…vie sauvageVie Sauvage aurait pu être mieux équilibré dans ses points de vue, celui de la mère se retrouvant rapidement en retrait avant de revenir au détour de quelques scènes insuffisantes pour lui offrir réellement un droit de parole seulement inscrit en pointillé. Si le film s’attache avant tout à la cause des enfants, celle du père reste omniprésente au point de repousser le révoltant de son geste vers un nulle part où il devient quasi-inexistant. Mais au fond, c’est probablement ce qui fait la force de Vie Sauvage, cette volonté de ne juger personne, pas plus la mère, que le père. Même si malheureusement, le langage, les choix narratifs et la mise en scène s’en charge discrètement pour lui, peut-être le seul tort de cet effort lumineux et puissant signé Cédric Kahn.vie_sauvage_4Drame social rapidement effacé derrière les sentiments personnels dominants, Vie Sauvage est un sacré beau morceau de cinéma. Si son intensité est parfois égratignée par quelques baisses de régime, l’ensemble s’applique à conserver une densité foudroyante, à l’ampleur romanesque pleine de sauvagerie, de luminosité et de puissance. Les questions soulevées en cours de film, adjointe à la transformation de ces enfants fascinés et sous la coupe d’un père charismatique, mais aussi à la transformation d’un père de plus en plus intransigeant dans ses convictions, lève un débat passionnant et pousse le film à rester sur le sentier de l’épure, non tombant jamais dans la vulgarité racoleuse du drame facile. Toujours juste, conjuguant le cinéma populaire et le cinéma d’auteur avec virtuosité, Vie Sauvage bénéficie d’une interprétation fabuleuse qui décuple son aura magnifique. Dans ce rôle de père marginal charismatique, Matthieu Kassovitz refait parler de lui pour ses extraordinaires talents de comédiens (la même année que sa bouleversante prestation dans Un Illustre Inconnu) tout en grâce et en force d’incarnation, épaulé avec conviction par une Céline Salette trop peu présente mais touchante et ces gamins, dont on ne parle pas assez, et qui brillent fort, très fort.DVD vie sauvage

LES SUPPLÉMENTS

Un seul supplément vient remplir la rubrique « bonus » de ces éditions DVD ou Blu-ray de Vie Sauvage. Il s’agit d’un « making of » d’environ 34 minutes, qui s’avère être, en réalité, des entretiens croisés avec plusieurs membres de l’équipe et de la production. Face caméra dans une ambiance très intimiste, sincère et sans langue de bois, la productrice, la scénariste, la directrice du casting, le monteur, la directrice de production, le directeur de la photographie, tous évoquent la façon de travailler d’un Cédric Kahn aux abonnés absent de ces suppléments ! Une absence presque logique finalement quand on écoute parler son équipe, le réalisateur y étant rapidement présenté comme un artiste dévoué à son travail et que l’on imagine mal se prêter au jeu du marketing, de la promo etc… Ce que l’on retient surtout de ces interviews concernant Cédric Kahn, c’est sa philosophie de travail qui est dépeinte. Un cinéaste amateur d’instantanéité, de minimalisme, filmant à vif et dans un souci d’épure, technique, formel et narratif. Quelque part, Cédric Kahn est le fils spirituel de la Nouvelle Vague. Pour le reste, ces entretiens croisés brossent un portrait du projet Vie Sauvage, de l’écriture à la phase de casting puis le tournage. Quelques images du casting des enfants s’intercalent au milieu de ce « making of ».

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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