Nom : Unfriended
Père : Levan Gabriadze
Date de naissance : 2015
Majorité : 24 juin 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h23 / Poids : 1 M$
Genre : Horreur
Livret de famille : Shelley Hennig (Blaire), Moses Jacob Storm (Mitch), Renee Olstead (Jess), Will Pelz (Adam), Jacob Wysocki (Ken), Courtney Halverson (Val), Heather Sossaman (Laura), Matthew Bohrer (Matt)…
Signes particuliers : Une série B redoutée pour sa nullité et sa stupidité sur le papier… mais très bonne surprise à l’arrivée.
L’HORREUR 2.0
LA CRITIQUE
Résumé : Une jeune lycéenne se suicide après qu’une vidéo compromettante sur elle ait été publiée sur Internet. Un an plus tard, six de ses amis se connectent, un soir, sur skype, pour « tchater » entre eux. Mais une septième personne, inconnue des autres, se connecte également. Cet intrus se montre très vite sous un visage inquiétant et menace les six amis de tuer le premier qui se déconnectera. Peu à peu, les événements tragiques qui ont marqué la bande, un an plus tôt, refont surface et se montrent sous un nouveau jour.L’INTRO :
Superstar de l’entertainement d’épouvante américain, Jason Blum est devenu le monsieur incontournable du cinoche de genre outre-Atlantique avec ses méthodes de production qui ne sont pas sans rappeler celles du Roger Corman de la grande époque, en un peu plus aisées. Sa philosophie est simple, pondre des séries B troussées avec savoir-faire par des équipes composées de fidèles et de jeunes cinéastes talentueux, qui compensent des budgets réduits par un maximum d’efficacité et de sens de la recette commerciale qui fonctionne. Et à l’arrivée, des succès, toujours des succès, encore des succès. De la franchise Paranormal Activity aux American Nightmare en passant par Sinister et autres Insidious, Blumhouse Productions aligne les cartons commerciaux qui rentabilisent à fond des mises modestes et savamment étudiées. Mais depuis la récente association de la firme avec de plus gros studios (dont majoritairement Universal) qui se chargent désormais de la distribution d’une partie de ses péloches horrifiques, on a eu tendance à pointer du doigt un déclin très sérieux. Probablement parce que la frénésie de vouloir produire vite et beaucoup pour alimenter le marché à intervalle régulier, a commencé à se faire au détriment de la « qualité ». La rentabilité est toujours là mais Blumhouse a tendance à vriller dangereusement vers la série de navets décevant même les fans de la première heure. Témoin de ce constat, des films décriés comme Ouija, Un Voisin Presque Parfait, Jessabelle ou The Lazarus Effect. Nouveau venu dans la galaxie du genre, Unfriended, premier long-métrage américain du géorgien Levan Gabriadze, qui s’inscrit parfaitement dans l’esprit Blumhouse avec son budget minuscule, son pitch au concept résumable en une ligne, et son succès au box office yankee. Un groupe d’adolescents connectés sur le net, va être inquiété par un mystérieux inconnu qui va leur faire vivre une soirée cauchemardesque. Tel est le postulat de cette série B qui a cette particularité d’être entièrement racontée via les webcams des ordinateurs des protagonistes.L’AVIS :
Le cas Unfriended est typiquement le genre de film qui n’a pas fini de voir s’écharper les fans de cinoche d’horreur. Parce qu’il est typiquement le genre de projet qui va diviser, et parce qu’il divise déjà le spectateur lui-même, partagé entre rejet et curiosité, partagé aussi entre des sentiments contradictoires opposant la nostalgie d’une vision du cinéma de genre à l’ancienne et une modernité qui court à son opposé la plus extrême. Que penser de la dernière production made in Blumhouse ? C’est toute la question qui reste en suspens une fois la webcam éteinte et le film terminé. L’évidence serait de reconnaître que l’on oscille entre consternation et aveu coupable d’avoir marché dans l’affaire. La vérité, c’est que l’on verra dans Unfriended ce que l’on veut bien y voir. Et l’on en retiendra ce que l’on veut bien en retenir. Si de prime abord, l’effort conceptuel de Levan Gabriadze laissait augurer le pire, les échos américains auront été étonnamment positifs. On comprend mieux pourquoi aujourd’hui.Sur le papier, et pendant presque trois bons quarts d’heure, c’est un sentiment de consternation qui prédomine devant un exercice formel alimenté par autant de vide narratif qu’il n’est surchargé visuellement. Les fenêtres de l’écran d’ordinateur servant de vecteur au spectateur pour s’immerger dans l’histoire se multiplient. Skype, Messenger, Facebook, Tchat, Mail, Itunes, iMessage, webcam, Chatroulette, Youtube, LiveLeak, téléphone portable… On s’en sort plus, on est paumé devant ce vomissement de technologies geek agencées dans une apparente cacophonie bruyante voire agaçante. Pire, Unfriended ne raconte pas grand-chose, souffre d’une mollesse patentée, ennuie, énerve, et nous pousserait presque à ne souhaiter qu’une chose, une pane de courant générale pour stopper le calvaire. C’est alors que le film s’emballe, que la mécanique s’accélère, que l’histoire horrifique prend le pas sur le délire formel illustrant cette réunion de potes aux allures de futile rendez-vous informatique débilitant. Et c’est à ce moment là que curieusement, on se surprend à stresser, à angoisser, pour les personnages, pour la situation, pour un déroulé que l’on ne maîtrise plus et qui peut surprendre à tout instant. Force est de reconnaître que l’on est bel et bien en train de se prendre au jeu de ce pseudo-délire déguisant autrement les apparats du found footage. Ce nouveau ressenti viendrait presque à nous amener à percevoir le film tout entier sous un nouvel éclairage. Et si finalement Unfriended n’était pas si stupide et vain qu’il n’en avait l’air ? Et si le fait d’être soudainement pris dans les mailles de son filet, n’était pas l’indicateur ultime que l’on est en présence d’un exercice au contraire sacrément malin et plutôt intelligemment bâti ? Mieux, et si ces quarante minutes inaugurales qui semblaient être un long tunnel inutile, n’étaient pas en réalité un tour de malice ingénieux et bien senti, visant à nous installer dans cet univers informatique pour mieux nous capturer et nous surprendre une fois le tournant amorcé ?Virtualisant tous les poncifs de base du slasher dans un film d’horreur 2.0 reposant sur une démarche conceptuelle radicale ne quittant jamais le cadre d’un écran d’ordinateur faisant office de médium pour suivre l’intrigue, Unfriended réussit son coup à la surprise générale. Le pari de Levan Gabriadze n’était pourtant pas gagné d’avance mais la roublardise du cinéaste fonctionne finalement au-delà de nos espérances. Aussi insupportables et caricaturaux soient-ils, c’est non sans un délicieux voyeurisme malsain que l’on finit par devenir accroc au cauchemar machiavélique qui frappe cette troupe de chieurs adolescents dans un film qui se paye au passage quelques idées narratives et visuelles tour à tour malignes ou inventives. A commencer par une noirceur et un cynisme qui change un peu du traditionnel lissage qui caractérise généralement ce type de personnages clichesque répondant à la bonne morale. Alors oui, Unfriended est encadré par ses propres limites. D’un côté, celles du public auquel il se destine. Clairement, le film de Levan Gabriadze vise les jeunes, sensibilisés au langage informatique déployé et aux codes usités employés. Les autres seront vite largués devant un travail qui n’explique pas ce qui se passe, prenant en considération que ledit public maîtrise les environnements proposés (Skype, Facebook, Messenger et consorts). De l’autre, les limites de son discours pas très fin sur les dangers et les dérives d’internet, entre addiction, déformation de la vie sociale, destruction, violence, harcèlement, intimidation, pertes de repères moraux et des limites voyeuristes…Mais au milieu, on se retrouve confronté à une série B qui surprend par son habileté, par son écriture travaillée, par sa pseudo-originalité maîtrisée, en réalité, plus un remodelage efficace de quelque-chose de déjà vu (du côté de Megan is Missing ou Open Windows par exemple) mais que le film retravaille en mieux. Enfin, quid de la question du cinématographiquement pauvre ? Oui et non. Certes, Unfriended n’arbore pas de beaux plans léchés ou une photo esthétisée. Certes, il n’aligne pas de grandes performances d’acteurs ou un quelconque génie démonstratif de la mise en scène. Mais finalement, à l’heure où n’importe quel tâcheron peut s’enorgueillir d’être un faiseur honnête en brandissant des termes comme efficacité » ou « plaisir coupable » pour masquer son absence de talent, cet effort stylistique à la rhétorique discutée et discutable, ne relèverait-il pas d’un pari osé et bien plus exigeant qu’il n’y paraît ? La réalité est que, parvenir à assembler un travail cohérent et intelligible à partir d’un langage comme celui utilisé par Unfriended pour raconter une histoire multipliant les points de vue, était probablement bien plus difficile qu’on ne peut l’imaginer de prime abord. Car Levan Gabriadze n’avait pas à sa disposition toutes les méthodes de narration classiques. Le cinéaste a donc dû s’employer pour se montrer inventif à chaque instant afin de garder près de lui, clarté et fonctionnalité de son entreprise. Ce qui pourrait passer pour un travail de sagouin facile et bâclé, nous est apparu au contraire, d’une maîtrise redoutable répondant à merveille à une exigence que l’on verra évidente avec un peu de recul sur le boulot de mise en scène, plus le fruit d’un gros travail d’écriture que de pure réalisation. On n’ira pas jusqu’à dire que Unfriended est brillant mais en toute honnêteté, il n’en est pas loin. Une chose est sûre, il était périlleux et il relève haut la main son défi en proposant au moins quelque-chose que l’on n’a pas (ou pas trop) vu jusqu’à présent, quoiqu’on en pense. Son jusqu’au-boutisme qui atteint des sommets dans les derniers instants ne sera que la cerise sur le gâteau. Une bonne surprise inattendue et louable.
LA BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux