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TOMMASO d’Abel Ferrara : la critique du film

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La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : Tommaso
Père : Abel Ferrara
Date de naissance : 2019
Majorité : 08 janvier 2019
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA, Italie
Taille : 1h58 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Willem Dafoe, Cristina Chiriac, Anna Ferrara

Signes particuliers : Ferrara en mode très personnel.

AUTOPORTRAIT D’UN ABEL FERRARA EN DÉTRESSE ?

NOTRE AVIS SUR TOMMASO

Synopsis : Tommaso est un artiste américain vivant à Rome avec sa jeune épouse européenne Nikki et leur fille Dee Dee âgée de 3 ans. Ancien junkie, il mène désormais une vie rangée, rythmée par l’écriture de scénario, les séances de méditation, l’apprentissage de l’italien et son cours de théâtre. Mais Tommaso est rattrapé par sa jalousie maladive. À tel point que réalité et imagination viennent à se confondre. 

Qu’elle semble loin la grande époque d’Abel Ferrara, celle où le cinéaste américain imprimait au fer rouge les rétines des spectateurs avec des œuvres chocs telles que Driller Killer, Bad Lieutenant, The King of New-York ou Nos Funérailles. Aujourd’hui, Ferrara ressemble à ces cinéastes qui essaient de résister à l’oubli sans parvenir à ralentir la marche du temps qui passe. Cinq ans après son (honnête) film hommage à Pasolini, le réalisateur retrouve à nouveau Willem Dafoe pour Tommaso, un drame tourné en Italie sur le sombre destin d’un cinéaste que l’on croyait rescapé de l’enfer mais qui se révèle toujours prêt à vaciller.

Abel Ferrara a connu la gloire artistique à une époque où il s’abimait dans l’alcool et la drogue. Comme nombre de grands artistes, c’était comme s’il tirait de ses addictions, sa force créatrice. Aujourd’hui, il a tout arrêté et il est à la peine. Il est parti vivre à Rome avec sa femme et sa fille et il tente de continuer de travailler en résistant à ses démons d’antan. Abel Ferrara ne pouvait confier le rôle principal de Tommaso à personne d’autre que son fidèle ami Willem Dafoe, au passage son voisin romain. Car Tommaso est trop autobiographique, trop personnel, trop douloureux pour qu’un étranger s’en empare. Ferrara y parle de Ferrara, de son passé, de son présent, de ses peurs quant à son avenir, mais aussi de sa condition d’artiste abimé. l’action se passe à Rome. Rome est sa ville de résidence. L’appartement où a été tourné le film est le sien. L’actrice qui joue son épouse est réellement sa femme dans la vie et celle qui incarne sa petite fille est réellement sa fille. Oui, Tommaso est presque un autoportrait de Ferrara, sauf que n’étant pas acteur, il a troqué son visage pour celui de son camarade, dont la vie est assez similaire.

Tommaso est un condensé, ou plutôt un concentré. Ou comment un artiste essaie de rester un artiste alors que sa vie a tellement changé qu’il n’est plus le même. Avant, Ferrara c’était whisky et cocaïne. Aujourd’hui, c’est eau gazeuse et pâtes aux légumes. Avant, c’était folie et décadence. Aujourd’hui, c’est vie de papa et jeux au parc. La question que pose Tommaso, c’est de savoir s’il est possible de redevenir le Ferrara d’avant uniquement sur le pan artistique, sans les addictions qui allaient de pair ? On a presque tous envie de souffler la réponse. De ses addictions, Ferrara puisait une folie contagieuse qui envahissait ses œuvres, une colère et une violence qui s’exprimait dans ses films, une personnalité qui se reflétait dans son travail. Rangé de cette folie et privé de cette autodestruction, est-il possible d’encore créer de la même manière, d’imaginer des œuvres aussi rageuses et puissantes ? Avant, elles naissaient dans l’énergie du drame, mais aujourd’hui ? Dans quoi puiser l’inspiration ? Certainement pas dans la vaisselle, la cuisson des orecchiette et les promenades au parc…

Tommaso est une proposition mal aimable. En même temps, elle ne raconte rien d’aimable. Abel Ferrara formule sur grand écran comme une sorte de psychanalyse filmée, et le geste est inconfortable, étrange, mystérieux. On ne sait pas trop ce que l’on regarde, on ne sait pas trop ce que l’on suit, tout semble déconstruit, sans fil, redondant, on finit presque par se perdre dans ce dédale qui pourrait paraître si vide et si vain s’il n’était pas connecté à un vécu, à une âme qui essaie d’expier un passé depuis son purgatoire romain, mais qui reste assaillie par des angoisses dévoreuses. S’il est difficile à suivre car pas forcément maîtrisé et davantage dans le bouillonnement sincère de l’instant, Tommaso confirme au moins une chose, le Ferrara fou n’est pas mort, il est toujours là et c’est peut-être une bonne nouvelle… pour nous du moins.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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