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TOMB RAIDER de Roar Uthaug : la critique du film

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Carte d’identité :
Nom : Tomb Raider
Père : Roar Uthaug
Date de naissance : 2018
Majorité : 14 mars 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h58 / Poids : 94 M$
Genre
: Aventure

Livret de famille : Alicia Vikander, Dominic West, Walton Goggins, Kristin Scott Thomas…

Signes particuliers : Une adaptation décevante.

LA RENAISSANCE DE LARA CROFT

LA CRITIQUE DE TOMB RAIDER

Résumé : Lara Croft, 21 ans, n’a ni projet, ni ambition : fille d’un explorateur excentrique porté disparu depuis sept ans, cette jeune femme rebelle et indépendante refuse de reprendre l’empire de son père. Convaincue qu’il n’est pas mort, elle met le cap sur la destination où son père a été vu pour la dernière fois : la tombe légendaire d’une île mythique au large du Japon. Mais le voyage se révèle des plus périlleux et il lui faudra affronter d’innombrables ennemis et repousser ses propres limites pour devenir « Tomb Raider »…

Nouvelle époque, nouveaux jeux, nouvelle Lara Croft. Il y a plus de quinze ans, la pulpeuse Angelina Jolie prêtait ses formes généreuses à l’héroïne sexy-badass dans un duo de films de sinistre mémoire. Aujourd’hui, les temps ont changé et Lara Croft aussi. L’héroïne de Tomb Raider a subi un gros lifting pour correspondre davantage à son temps. Adieu érotisation exacerbée, poitrine gonflée et mini-short saillant, et bienvenue à un look d’aventurière plus « normal », à une héroïne traitée comme une femme-sujet et non plus comme une femme-objet. En ces temps de revendications féministes appuyées, Lara Croft se transforme pour passer de l’icône caricaturale et sexiste pensée par des hommes en rut matérialisant leurs fantasmes, à véritable héroïne belle, forte et intelligente, capable de tenir une mythologie par et pour elle. Aux commandes de ce premier film clairement destiné à inaugurer une nouvelle franchise d’action, Hollywood est allé chercher le norvégien Roar Uthaug, qui s’était fait connaître il y a quelques années avec le solide film catastrophe The Wave. Mais plus que le casting d’un réalisateur capable, c’est devant la caméra que tout se jouait. La recherche de la nouvelle Lara Croft a alimenté débats et spéculations pendant plusieurs mois, et c’est finalement la belle Alicia Vikander qui a hérité du rôle. Un choix étonnant tant la comédienne suédoise au jeu de velours n’a jamais été une pensée crédible pour investir le cinéma d’action. Un entraînement intensif et cinq kilos de muscles plus tard, Alicia Vikander est Lara Croft… ou du moins, essaye de l’être.

Des adaptations de jeux vidéo au cinéma, on en a vu défiler des dizaines et des dizaines, avec un résultat souvent assez similaire. Manifestement, le cap de la transposition du gameplay vers la cinégénie implique une marche difficilement franchissable puisque rares ont été les tentatives très convaincantes. Le jeu d’action et d’aventure qu’est Tomb Raider n’échappe pas à la règle. Dans « adaptation » il y a la notion « d’adapter ». Et c’est tout le problème du film de Roar Uthaug, qui s’applique à se montrer le plus fidèle possible au jeu vidéo qu’il porte à l’écran, au lieu de l’envisager différemment, de le retravailler quitte à le trahir un peu pour mieux le respecter. Tomb Raider repose ainsi sur un récit famélique seulement destiné à orchestrer un ensemble de scènes d’action qui rappelleront des souvenirs aux gamers, mais la notion de cinéma échappe à une entreprise pensée comme un produit marketing. Si la mission est réussie côté restitution des codes du jeu à l’écran, le reste passe complètement à côté. A commencer par la dimension filmique de cet effort, qui manque d’un angle, d’un développement cinématographique, et de partis pris.

Alors que la sensualité a été gommée pour correspondre à la nouvelle Lara Croft moderne, la gomme semble avoir débordée pour effacer toute la personnalité du jeu, disparue avec elle. Non pas qu’il y ait un lien de cause à effet et que l’essence du jeu résidait dans le physique de son héroïne, mais force est de constater que le résultat n’a absolument aucune identité. Ce nouveau Tomb Raider est un vaste passe-plat de deux heures, actioner très fade enchaînant ses scènes d’aventure sans jamais trouver le moyen de sublimer ce qu’il met en scène. Incapable d’orchestrer et de plonger le spectateur dans un univers fort (un comble vu le statut culte du jeu), on se retrouve au final devant un film d’action lambda, certes fréquentable en tant que distraction huilée, mais guère plus que les deux infamies nanardesques des tâcherons Simon West et Jan de Bont, avec Angelina Jolie. D’autant qu’entre deux inspirations de mise en scène, l’édifice est visuellement assez moche et transpire le toc, à l’image d’une Vikander artificiellement bodybuildée (pourquoi ne pas avoir pris une actrice naturellement athlétique ?), de décors de studio visibles ou de personnages écrits avec des moufles.

Entre pauvreté narrative, incohérences et extrême prévisibilité du moindre ressort de l’intrigue, Tomb Raider tourne rapidement à vide et voit ses efforts devenir improductifs. De Roar Uthaug derrière à Alicia Vikander devant la caméra, tout le monde s’affaire et met beaucoup de cœur à l’ouvrage mais rien n’y fait. Tomb Raider a beau s’acharner à divertir en montrant un visage sympathique, il glisse lentement mais sûrement vers la monotonie d’une distraction bête comme ses pieds, calée sur mode pilotage automatique. Malgré un rythme soutenu qui s’efforce de ne laisser aucune prise d’air à l’ennui, on finit quand même par s’emmerder gentiment devant une transposition qui voit son efficacité s’effriter à force d’être incapable de proposer autre chose qu’un assemblage adroitement exécuté mais sans âme ni liant. Aucun univers construit sur une imagerie personnalisée, aucune connexion avec l’héroïne, aucune implication du spectateur, Tomb Raider ne se loupe pas parce qu’il a délaissé les codes du jeu vidéo, il se loupe parce qu’il a oublié de s’approprier son univers pour le densifier afin de le faire correspondre aux impératifs du cinéma. Résultat, un jeu culte et très identifiable devient un film quelconque et oubliable, sorte de mix entre Indiana Jones, Benjamin Gates et La Momie (le truc disgracieux avec Tom Cruise). Sans être foncièrement détestable, ce reboot de la franchise qui remonte aux origines de Tomb Raider pour assister à la métamorphose de Lara Croft en aventurière, est tout simplement insipide, un long-métrage d’une banalité consternante traversé de rares fulgurances artistiques, malheureusement insuffisantes pour en faire un bon divertissement pop-corn.

BANDE-ANNONCE :


Par Nicolas Rieux

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