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NYMPHOMANIAC Version Director’s Cut de Lars von Trier
Critique – Sortie DVD/Blu-ray

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nymphomaniac-posterMondo-mètre :
note 5.5 -10
Carte d’identité :
Nom : Nymphomaniac Director’s Cut
Père : Lars von Trier
Date de naissance : 2013
Majorité au : 06 janvier 2015
Type : Sortie DVD, Blu-ray
Nationalité : Danemark, France, Allemagne, Belgique
Taille : 5h27
Poids : 9,4 millions €
Genre : Drame porno
Livret de famille : Charlotte Gainsbourg (Joe), Stellan Skarsgård (Seligman), Stacy Martin (Joe jeune), Shia Laboeuf (Jérôme), Uma Thurman (Mme H), Christian Slater (père de Joe), Sophie Kennedy Clark (B), Jamie Bell (K), Jean-Marc Barr, Willem Dafoe, Udo Kier…

Signes particuliers : Scindé en deux au cinéma, le très ambitieux Nymph()maniac de Lars von Trier sort enfin dans sa tant attendue « version intégrale non censurée ». En somme, la réelle vision de l’auteur danois avec ce Director’s Cut de près de 5h30 !

Nos critiques de la version cinéma ici : critique du Volume 1 / critique du volume 2

UN DIRECTOR’S CUT EN ÉRECTION

LA CRITIQUE

Résumé : La folle et poétique histoire du parcours érotique d’une femme, de sa naissance jusqu’à l’âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s’est auto-diagnostiquée nymphomane. Par une froide soirée d’hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman découvre Joe dans une ruelle, rouée de coups. Après l’avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l’interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie aux multiples ramifications et facettes, riche en associations et en incidents de parcours…

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L’INTRO :

Il est toujours frustrant et indignant de savoir qu’une œuvre, quelle qu’elle soit, a été tronquée, censurée, sabotée, trahie dans son essence. Ce fut un peu le cas du très ambitieux Nymph()maniac du danois Lars von Trier. Le cinéaste avait annoncé la couleur il y a quelques années, dans la foulée de la sortie de son magnifique Melancholia. Sa prochaine œuvre serait un film pornographique ! Choc. Enième provocation de l’immense artiste ? Non. Deux ans plus tard, Lars von Trier sortait Nymph()maniac. En deux parties. Le volume 1 puis le volume 2, retraçant dans leur ensemble, l’existence tragique d’une accroc au sexe. Et ce fut bien un film à mi-chemin entre l’œuvre très érotique et le cinéma porno. Il avait osé. Et Nymph()maniac nous avait autant retourné qu’il n’avait pu faire couler d’encre, engendrant des débats interminables sur la démarche de l’œuvre, son contenu, sa finalité, son importance ou son cynisme, sa pérennité… Nous concernant, nous avions particulièrement séduit par la première partie, magistrale et virtuose, d’une intelligence et d’une richesse thématique incroyables. Un peu moins en revanche par la seconde, où le Lars von Trier plus que sombre et cafardeux revenait au galop. Non pas que Nymph()maniac volume 2 était un retour en arrière psychologique en direction d’un Antichrist, mais le cinéaste livrait un portrait de l’être humain profondément amer, terriblement désespéré et d’une cruauté telle, que le metteur en scène nous avait un peu perdu en route. Lars von Trier était allé très loin dans l’implacable conception qu’il se faisait du genre humain et nous n’étions pas prêt à le suivre sur ce terrain aussi déprimant. Dans l’ensemble, le diptyque Nymph()maniac était une œuvre impressionnante qui ne souffrait que d’un tort : celui du ressenti qu’il pouvait procurer. Plus clairement, il ne s’agissait plus de juger les qualités intrinsèques du film mais la façon dont chacun allait l’appréhender. Exercice ô combien délicat.

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L’AVIS :

Toujours est-il que comme nous le soulignons à l’époque, il était important d’attendre de voir l’œuvre dans son intégralité pour s’en faire une idée vraiment précise. Sachant que le diptyque allait chercher dans les 4h00 et que le Director’s Cut avoisine les 5h30, le fossé est tel qu’il aura de grandes chances de transformer le film dans les grandes largeurs. Il ne s’agit pas là de petits ajouts touchant au rythme de quelques passages ou appuyant quelques effets mais d’une véritable peau neuve, d’un autre film, d’une toute autre œuvre. Aujourd’hui, cette version intégrale, non découpée en deux volets et surtout non censurée, est disponible. Alors, verdict ? Nymph()maniac change t-il fondamentalement de visage ?

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La réponse est oui et non. Une réponse de normand comme on a coutume de dire (nous n’avons rien contre les normands, on précise). D’une part « oui », car évidemment, avec près de 1h30 en plus, force est d’avouer que ce n’est plus le même film. On est à la limite de la lapalissade. Et d’autre part « non » car si certains espéraient le redécouvrir sous un nouvel éclairage, c’est raté. Du moins en partie. On va entrer dans les détails car jusqu’ici, tout est assez nébuleux et contradictoire.nymphomaniac

L’impression de rajout ne viendra pas modifier ni le message du film, ni ses thématiques, ni la vision globale que l’on a pu avoir de l’œuvre pour ce qui est de son sens et de sa symbolique. Car les rajouts ne concernent pas vraiment le récit en lui-même. Pas plus qu’ils ne concernent la portée dominante du film. Concrètement, Nymph()maniac est toujours ce qu’il était à la base. Et la trajectoire narrative reste inchangée. Une première partie fascinante qui continue d’explorer la psyché humaine dans un travail philosophal et existentialiste en forme de psychanalyse filmée et une seconde toujours aussi dure et nihiliste, qui dessine le discours global de l’œuvre, avec toujours ce même cynisme, cette même amertume, ce même fatalisme sur le genre humain. Pourtant, malgré cet état de fait, le Director’s Cut de Nymph()maniac transforme quand même toute la vision que l’on pouvait avoir du projet initial de Lars von Trier. Pourquoi ?Nymphomaniac

Tout simplement parce que la version cinéma était d’une beauté éblouissante. Une œuvre riche et fascinante qui trouvait une forme de beauté dans son caractère pornographique tant décrié. La version director’s cut, elle, noie ses nobles qualités, noie sa puissance et son importance, noie sa grandeur… dans un océan vertigineux d’images porno. Oui, cette version intégrale est un déshabillage intégral du film pour le ramener à quelque-chose de nettement plus vulgaire, de nettement plus crade, de nettement plus… porno tout simplement. Les fameuses 1h30 ne sont donc pas des apports narratifs (bien que quelques séquences soient rallongées comme les échanges entre Seligman et Joe qui vont un peu plus loin et plus en profondeur dans les choses) mais des apports visuels décuplant considérablement la crudité du très long-métrage pour le faire vriller quelque part dans un no man’s land entre le porno d’auteur et le porno tout court. Lars von Trier offre sa vision personnelle et cette vision était tout simplement une vision bien plus salace, où la présence de la pornographie est telle, qu’elle vient pas forcément salir, mais en tout cas limiter fortement ce que l’on pouvait en retirer au-delà de son caractère choquant. Le cinéaste ne nous épargne plus rien, éjaculations, pénétrations en tout genre, sadomasochismes (rappelons que les scènes X sont jouées par des doublures spécialisées dans le cinéma du genre)… Il appuie sur la pédale du sexe comme un fou furieux et accentue l’effet de gêne qui était encore supportable au cinéma mais qui ne l’est désormais plus du tout dans le sens où l’on se sentira aussi « honteux » de le regarder que si l’on était surpris devant une soirée plaisir solo devant la chaîne Dorcel TV.Capture d’écran 2015-01-06 à 10.58.36

C’est bien dommage mais clairement, cette version rallongée gâche un peu le plaisir et gâche un peu l’œuvre toute entière, en transformant son essence. En revanche, elle saura satisfaire les cinéphiles amateurs de pornographie qui se plaignent régulièrement de la pauvreté qualitative du cinéma X et qui rêvent d’un vrai cinéma porno qui ne se limiterait pas à une enfilade (sans mauvais jeu de mot) de séquences « de cul » couillonnes sans histoire. Nymph()maniac reste d’une immense richesse mais il faut aller la chercher derrière son nouveau visage hardcore où Lars von Trier rallonge conséquemment toutes les scènes déjà « gratinées » de la version cinéma. Sauf qu’au final, ce n’est pas la meilleure face du film qui prend le dessus sur l’autre. L’effort conserve toute son audace (et en augmente le capital) mais en ce qui nous concerne, on préfère la version censurée au cinéma en deux parties. Si l’on pensait dire ça un jour… A croire que Lars von Trier appartient à un cercle très restreint des metteurs en scène qui ont besoin que l’on tempère et calme sa folie pour éviter qu’il ne fasse lui-même du mal à ses œuvres.

TEASER INTERDIT AUX MOINS DE 18 ANS :

Par Nicolas Rieux

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