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NOCTURAMA de Bertrand Bonello : la critique du film

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NocturamaMondo-mètre
note 2 -5
Carte d’identité :
Nom : Nocturama
Père : Bertrand Bonello
Date de naissance : 2016
Majorité : 31août 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 2h10 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Finnegan Oldfield, Vincent Rottiers, Hamza Meziani, Martin Guyot, Manal Issa, Jamil McCraven, Rabah Naït Oufella…

Signes particuliers : Compte tenu de sa démarche, pas sûr que Nocturama sorte au meilleur des moments.

UNE GÉNÉRATION DÉSENCHANTÉE

LA CRITIQUE DE NOCTURAMA

Résumé : Paris, un matin. Une poignée de jeunes, de milieux différents.  Chacun de leur côté, ils entament un ballet étrange dans les dédales du métro et les rues de la capitale.  Ils semblent suivre un plan. Leurs gestes sont précis, presque dangereux.  Ils convergent vers un même point, un Grand Magasin, au moment où il ferme ses portes.  La nuit commence.  Nocturama_4Avec Nocturama, Bertrand Bonello prend un virage artistique au cordeau, passant d’un biopic ultra-esthétisé centré sur une personnalité chronophage (Yves Saint-Laurent) à un drame de fiction quasi-choral, plus intimiste et épuré dans l’approche, abordant la thématique ô combien délicate en ces temps troublés, du terrorisme. Passé l’échec cannois et une non-sélection que le cinéaste ne semble pas digérer, Nocturama s’apprête à sortir en salles, entouré d’un parfum de polémique. Car la France n’est pas les Etats-Unis, et le cinéma hexagonal ne s’est jamais vraiment prêté à l’exorcisation des traumas collectifs « à chaud ». Si dans la foulée du 11 septembre, le cinéma américain n’a pas hésité à récupérer le sujet dans ses films, le cinéma français n’a jamais eu cette même immédiateté et a toujours éprouvé de grosses réticences à faire de même. Comme si la fictionnalisation de sujets sensibles faisait « trop peur », avec en fond, l’angoisse de la taxation de récupération malvenue.Nocturama_1Avec Nocturama, Bonello a voulu dresser le portrait d’une jeunesse en révolte. La thématique est archi-rebattue mais c’est par le biais du terrorisme que le cinéaste s’est appliqué à l’approcher. Pour le coup, peu de films se sont aventurés sur ce terrain délicat, résonnant avec une actualité brûlante. Et justement, Bonello de se brûler les ailes avec sa tentative qui ne manque pas d’idées fortes, malheureusement abîmées par des partis pris discutables. Impossible de nier que Nocturama affiche des choses intéressantes dans le flot qui abreuve le film. Mais parallèlement, cette œuvre audacieuse, pensée bien avant les récents évènements tragiques, souffre de beaucoup trop de points noirs qui viennent en annihiler la portée. En première ligne, les choix ambigus du cinéaste qui amènent à se poser des questions autour de son contexte de sortie. Nocturama arrive t-il au meilleur des moments ?Nocturama_3Bertrand Bonello a fait le choix osé de l’empathie envers ses protagonistes, reflet d’une jeunesse désenchantée en réaction contre le système et qui a décidé de traduire son mal-être en faisant « tout péter ». L’allégorie n’est pas finaude mais pourquoi pas. Dans Nocturama, il n’est donc pas question d’attentats terroristes liés à une quelconque idéologie religieuse, mais d’actes de terrorisme davantage de l’ordre du politique, renvoyant lointainement à certains faits divers pas si lointains, mettant en scène ces groupuscules d’extrême-gauche désireux de frapper fort pour faire bouger les choses. Sociétal, Nocturama intéresse de prime abord, avant de faire les frais de son moment mal choisi étroitement lié à sa manière de procéder. Car en touchant du doigt un sujet aussi sensible au regard de l’actualité, Bonello se devait de faire de la pertinence, un étendard dirigeant toute son entreprise. Et c’est là que son Nocturama pèche. Nocturama raconte une histoire mais ne dit finalement pas grand-chose avec elle, et son discours s’avère trop vaporeux pour donner une justification indiscutable à ce projet hautement casse-gueule.Nocturama_2Qui sont ces jeunes ? D’où viennent-ils ? Quelles sont leurs motivations profondes, leurs croyances, leurs idéaux, que veulent-ils défendre au final, avec ces actes de terrorisme perpétrés aux quatre coins de Paris ? Autant de questions que Bertrand Bonello laisse volontairement en marge de son film, privilégiant le portrait instantané de l’action, à l’exploration des prolongements. Choix risqué ou au contraire, absence de prise de risque, cette évacuation des entournures laisse perplexe et se révèle être la première tirée dans le pied d’un film boiteux, handicapé par ses décisions intentionnelles. Derrière, arrive ensuite un propos beaucoup trop flou. Alors que Nocturama déroule son procédé narratif, on éprouve sans cesse de grosses difficultés à percevoir où le cinéaste veut en venir avec tout cela, ce qu’il cherche à démontrer. N’affirmant pas suffisamment ses intentions, Bonello plonge son long-métrage dans des eaux troubles qui ne lui rendent pas service, d’autant qu’il joue avec la carte de l’empathie, troisième souci, avec le risque de déranger d’autant plus, et de s’embourber dans la polémique inéluctable. Comment dissocier l’actualité de ce que Nocturama raconte ? L’affaire est difficile, voire impossible. Or, parler de terrorisme quel qu’il soit, tout en jouant la carte de l’attachement aux personnages exécutants, voilà qui semblait suicidaire.211646.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxxAu sortir de Nocturama, qui en passant présente des longueurs terribles et une mise en scène surchargée dans sa rhétorique jouant avec la gestion du temps, on ne manque pas de se rappeler du bien malheureux Made in France de Nicolas Boukhrief, tristement privé de sortie en salles. Un film réussi, pertinent, important même. Mais un film qui n’avait pas survécu au poids du contexte de sa sortie, son sujet ayant été jugé trop sensible pour être recevable par le public. Avec Nocturama, Bonello est plus chanceux et n’aura pas rencontré les mêmes difficultés. Pourtant, son film ne peut s’enorgueillir d’avoir la même portée, la même pertinence. Boukhrief avait des choses importantes à dire, Bonello semble dans l’incapacité de traduire un propos clair. Ainsi, Nocturama s’enlise, gêne, et laisser poindre en filigrane, une démarche « de mauvais goût », certes pas voulue au demeurant, mais inéluctable dans le contexte actuel.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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