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METROPOLITAN de Whit Stillman : la critique du film & le test [Sortie DVD]

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metropolitan_film_stillmanMondo-mètre
note 7-10
Carte d’identité :
Nom : Metropolitan
Père : Whit Stillman
Date de naissance : 1990
Majorité : 18 mai 2015
Type : Sortie DVD
(Éditeur : Blaq Out)
Nationalité : USA
Taille : 1h38 / Poids : 225.000$
Genre : Comédie dramatique

Livret de famille : Carolyn Farina (Audrey), Edward Clements (Tom), Chris Eigeman (Nick), Taylor Nichols (Charlie), Allison Parisi (Jane), Dylan Hundley (Sally), Isabel Gillies (Cynthia), Bryan Leder (Fred)…

Signes particuliers : Un classique méconnu du film « indé » américain. Avec douceur, finesse et bienveillance, Whit Stillman s’adonne à un regard différent sur jeunesse dorée issue de la haute bourgeoisie. Une pépite rare, présentée à Cannes mais oubliée par la suite… jusqu’à aujourd’hui.

LE CHARME DISCRET DE LA BOURGEOISIE

LA CRITIQUE

Résumé : Manhattan, il n’y a pas si longtemps, à Noël… Tom Townsend, un gauchiste des bas quartiers de New-York, s’introduit dans le cercle restreint de « la bande de Sally Fowler » (cinq filles et deux garçons) – des jeunes gens strictly Park Avenue, mais en manque cruel de chevaliers servants pour accompagner les débutantes aux bals du Plaza. Bourgeois et cultivés, ceux-ci se réunissent lors d’after-parties pour tromper l’ennui, parler politique ou de Jane Austen, deviser sur leurs histoires d’amour ou sur l’inévitable déclin de leur classe. Ou encore de l’avantage du col de chemise amovible. Bienvenue dans la « Urban Haute Bourgeoisie ».metropolitan_4L’INTRO :

Il n’aura pas été le premier ni le dernier à s’être penché sur les errements de la jeunesse dorée de la haute bourgeoisie, américaine en particulier, universelle en général. Whit Stillman est un cinéaste rare, quatre films en 15 ans. Et autant de petits bijoux précieux. De ce metteur en scène maudit, dont les films peinent à dépasser le seul cadre étriqué d’un petit microcosme de cinéphiles, on retiendra surtout Metropolitan, qui avait été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 1990, sans connaître de distribution en salles par la suite. Un tort une première fois réparé l’an passé avec une exposition confidentielle en salles, puis une seconde fois aujourd’hui, avec une sortie vidéo chez Blaq Out, pour ses 25 ans. Seul bémol, quinze ans sont passés entre sa réalisation et la possibilité de le (re)découvrir. La thématique abordée par le film a été mainte et mainte fois labourée depuis, ce qui pouvait mettre en péril le film de Stillman en l’abandonnant seul et désarmé, contre une puissante sensation de déjà-vu. S’en relèvera t-il ?metropolitan_2L’AVIS :

Ils sont une poignée de jeunes new-yorkais pétillants, instruits, sophistiqués, appartenant à une caste qu’ils incarnent dans tous les sens du terme. La Urban Haute Bourgeoisie, c’est eux. Un petit groupe d’amis habitués à se réunir pour passer leurs soirées ensemble, entre chic et bon goût, conversations superficielles ou débats profonds, jeux potaches ou élucubrations philosophiques. Comme restés coincés dans les us et coutumes d’une époque révolue, un peu au croisement entre les années folles et Le Cercle des Poètes Disparus, ils sont la quintessence d’une bourgeoisie au lustre terni mais dont ils brassent le souvenir en faisant fi de l’évolution du monde, comme s’il s’était arrêté il y a bien longtemps, à l’époque où leur monde brillait d’un éclat fastueux et respectable.metropolitan_3Ce qui fait de Metropolitan un film unique et qui lui permettra de garder à jamais une singularité l’imposant comme un petit trésor déniché dans l’océan des films oubliés, c’est la particularité du regard apposé par Whit Stillman sur ses personnages. La jeunesse dorée a toujours été traitée sur le ton du drame critique ou de la satire acerbe. Avec beaucoup de fraîcheur et un ton proche d’un Woody Allen sans ironie acerbe ou moquerie volubile, Stillman ne fait ni l’un ni l’autre. Et Metropolitan de trôner dans un ton et une dimension qui lui sont propres. Une dimension où il ne se passe rien, aucune péripétie, aucun rebondissement, aucun effet de manche amenant un quelconque suspens palpitant. Juste la délicieuse incursion verbeuse aux côtés de ces jeunes bourgeois d’une « Haute » d’un autre temps, une bourgeoisie sensible, cultivée, intéressante, sans cynisme, dédain ni méchanceté, aimant seulement se regrouper pour faire exister leur monde illusoire, pour discourir de la vie, de leur classe au reluisant certes d’un autre âge, mais dans lequel ils croient fermement, le faisant perdurer par leur touchant aveuglément et leur maniérisme délectable. On voudrait les croire superficiels mais Stillman désamorce ce regard et les révèle splendides, adorables, à fleur de peau.metropolitanEntrouvrant une porte sur un monde qui se voudrait enchanté et rêveur, bercé dans l’utopie d’une société toute en élégance et en sophistication, le cinéaste n’utilise jamais un regard méprisant ou acide. Ses personnages ne sont pas futiles, insupportables ou hautains, ils ne sont pas confectionnés dans la vacuité ou dans un indigne sentiment de supériorité. Au contraire. Loin des clichés habituels, attaché à une sorte de candeur prévenante et touchante, Whit Stillman les regarde évoluer entre élégance classieuse et sagesse charmante, comme fasciné et amusé par ce petit milieu fermé et régi par des conventions rétro. Et non sans une pointe d’humour adorable, taquine mais bienveillante, Stillman les filme avec autant de passion qu’un Larry Clark filme ses jeunes à lui, ceux a l’opposé du pendule social.metropolitan_5Metropolitan est un petit délice inclassable, doux regard sur une classe en déclin. On ne saurait précisément dire d’où vient son charme ravissant. Ni drame ni comédie et encore moins œuvre trépidante aux enjeux forts, il se rangerait à la limite dans la photographie sociologique d’un milieu croqué avec un attachement savoureux. Et alors qu’on se laisse agréablement porté par cette balade brillamment dialoguée, on en ressort en ne sachant pas trop ce que l’on vient de voir, un peu perdu quant au but de cette production indépendante singulière. A l’image finalement de l’un de ses personnages, quelque part le héros de cette chronique, un jeune homme d’une classe plus populaire, embarqué malgré lui dans cet univers dans lequel il parvient à se fondre sans tout y comprendre, fasciné par ces nouveaux amis qu’il côtoie non sans fascination. Comme nous.metropolitan_DVD

LE DVD & LES SUPPLÉMENTS

Le simple fait que le film méconnu et mésestimé ait été enfin édité en DVD chez nous, mérite déjà des concerts de louanges et de remerciements cinéphiliques. Mais comme c’est Blaq Out qui est à l’ouvrage derrière cette édition, on pouvait bien se douter que la galette ne contiendrait pas que le film et rien que le film. Pari gagné. Ceux qui trouveront le long-métrage de Whit Stillman un peu trop énigmatique, pourront profiter dans les suppléments, d’un entretien de 23 minutes avec le cinéaste rare. Il y évoque tous les contours du film, détaillant le tournage cocasse, évoquant le travail sur la photographie (effectivement magnifiquement soignée), mais aussi le roman originel et ce qu’il a voulu rendre par cette œuvre atypique. On adore.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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