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LE MANOIR DE LA TERREUR (aka HORROR) d’Alberto De Martino [Critique – Sortie DVD]

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note 5 -10
Carte d’identité :
Nom : Horror (aka Demoniac ou The Blancheville Monster)
Père : Martin Herbert (alias Alberto de Martino)
Date de naissance : 1963
Majorité : 03 mars 2015
(chez Artus Films)
Type : Sortie DVD
Nationalité : Italie
Taille : 1h30 / Poids : NC
Genre : Épouvante

Livret de famille : Gérard Tichy (Rodrigue Blackford), Helga Liné (Miss Eleanore), Leo Anchoriz (Dr Lerouge), Ombrette Colli (Emily Blackford), Richard Davis (John Taylor), Irán Eory (Alice Taylor)…

Signes particuliers : Une libre adaptation de La Chute de la Maison Usher d’Edgar Allan Poe par ce bon vieux Alberto De Martino qui apporte sa pierre à l’édifice du fantastique gothique transalpin.

LA CHUTE DE LA MAISON BLACKFORD

LA CRITIQUE

Résumé : En Angleterre, à la fin du XIXème siècle, Emily Blackford retourne dans le château familial, habité par son frère. Entre la froideur de celui-ci, le décès accidentel du père, et les cachotteries de la gouvernante, Emily est en proie à d’épouvantables cauchemars. Mais il semble que le père ait survécu à l’incendie de l’abbaye. Et qu’il ait décidé d’accomplir la prophétie qui, pour que la lignée des Blackford ne disparaisse pas, exige la mort de la dernière descendante, Emily, avant ses 21 ans. Soit avant 5 jours…le_manoir_de_la_terreur_2

L’INTRO :

C’est entre deux péplums bisseux (Persée l’invincible et Les Sept Invincibles) qu’Alberto de Martino signe en 1963, Le Manoir de la Terreur, sous son pseudonyme récurrent de Martin Herbert. Souvent été rebaptisé Demoniac, Horror ou encore The Blancheville Monster (un bon moyen de le différencier du film éponyme d’Andrea Bianchi mais également d’apporter un soupçon de confusion chez les amateurs de genre qui s’arrachent les cheveux à démêler l’imbroglio des retitrages notoires chez les vieux films d’horreur), Le Manoir de la terreur s’inscrit dans le courant du cinéma fantastique gothique transalpin, qui avait le vent en poupe à l’époque sous l’impulsion du travail de Mario Bava, fer de lance du registre à l’italienne. Le Masque du Démon, Les Trois Visages de la Peur, Le Corps et le Fouet ou le plus tardif Opération Peur étaient alors quelques réussites du maître et nombre de ses élèves spirituels, complices ou contemporains, vont se frotter au genre parallèlement à lui, avec des fortunes diverses. Pour de satisfaisants Danse Macabre ou La Vierge de Nuremberg d’Antonio Margheriti, Le Moulin des Supplices de Georgio Ferroni ou Un Ange pour Satan de Camillo Mastrocinque, nombre de déceptions à l’image de L’Effroyable Secret du Dr Hitchcock de Riccardo Freda, de Vierges pour le Bourreau de Massimo Pupillo ou encore de ce Manoir de la Terreur d’Herbert/De Martino, pourtant basé sur un script signé des frères Corbucci, Bruno et Sergio de leur prénom, qui adaptent très librement le classique d’Edgard Allan Poe, La Chute de la Maison Usher.le_manoir_de_la_terreurL’AVIS :

Le Manoir de la Terreur transpire le gothique et le baroque au plus profond de chacune des pores de sa pellicule. Bava triomphe en Italie, la Hammer est à son apogée en Angleterre, aux Etats-Unis, Roger Corman essaie de reprendre maladroitement à son compte le courant européen non sans quelques qualités (Le Corbeau ou The Terror) et Alberto De Martino, plagiaire de renom ayant toujours eu tendance à surfer sur les vagues à la mode plus qu’il ne les créait, tente le coup avec un film reprenant tous les codes du cinéma non seulement italien mais aussi britannique. Direction la fin du XIXème siècle, dans un vieux manoir reculé au fin fond de l’Ecosse, un sombre secret de famille planant sur des retrouvailles frère/sœur, des mystères et des couloirs dérobées, de jeunes filles sexy en danger, et une ambiance brumeuse inquiétante traînant un parfum d’étrangeté angoissante.le_manoir_de_la_terreur_3On aura beaucoup trop de choses à reprocher à l’effort d’Alberto De Martino pour que ce Manoir de la Terreur convainc pleinement et s’impose comme un classique du genre, et c’est bien dommage car le cinéaste fait preuve d’un grand soin apporté à son travail, qui tranchera avec son manque d’application à venir dans la suite de sa carrière. Bien plus consciencieux à l’époque, le cinéaste accouche d’une œuvre visuellement très aboutie et réussie, mêlant des inspirations diverses allant du meilleur du cinéma fantastique en vogue à l’époque, aux écrits d’Edgar Allan Poe ou ceux de Bram Stocker (une partie du script use de certains ressorts empruntés à Dracula) avec au passage un soupçon de surréalisme lorgnant vers le néo-expressionisme allemand des années 20. Une évidence s’impose, De Martino était à la fois un cinéphile et un grand récupérateur, et le mélange donne lieu à un long-métrage qui ne manque pas de qualités mais qui malheureusement, sont essentiellement formelles.manoir-terreur-dc3aener1Car derrière sa plastique somptueuse et sa photographie magnifique soutenant l’atmosphère oppressante déployée, Le Manoir de la Terreur souffre d’un scénario trop faible et trop prévisible dans ses twists, pour porter la virtuosité affichée par son auteur. A cela se rajoute des incohérences à la pelle, des pistes entrouvertes alléchantes mais non exploitées, une qualité de jeu de la distribution en présence qui laisse à désirer, peu aidée par les piètres dialogues qu’ils ont à interpréter, et enfin un final bâclé qui vient ponctuer une œuvre qui aurait pu bien mieux s’en sortir si celui-ci avait fait preuve de davantage d’exigence et de travail narratif. Au final, Le Manoir de la Terreur apparaît comme une œuvre en demi-teinte, ambitieuse et respectueuse du genre, ponctuée de bonnes idées, choyée dans sa réalisation élégante, minutieuse dans sa gestion d’un rythme vif et évitant un doux ennui qui aura plombé quantité d’œuvres du même acabit, et forte d’un cadre (ce vieux château austère) qu’exploite adroitement le cinéaste. Avec un scénario plus travaillé, Le Manoir de la Terreur aurait pu être un must.le_manoir_de_la_terreur_6

LE TEST DVD

Fan de la collection Artus Films, vous allez être ravis. L’éditeur passionné propose une copie absolument splendide du Manoir de la Terreur, sidérante de netteté et rendant fièrement les nombreuses qualités esthétiques du film, de son noir et blanc magnifique à sa photographie jouant avec les clairs obscurs pour servir l’ambiance lourde à la lisière d’un fantastique confondant. Côté « son », deux options avec de l’italien sous-titré ou du français. On ne saura que trop vous conseiller la version italienne pour éviter d’adjoindre aux dialogues déjà très moyens, les défauts du doublage, même s’il est loin d’être ce que l’on a pu voir de pire en la matière.Capture d’écran 2015-03-01 à 17.59.11Fidèle à sa politique, Artus Films joint toujours un petit bonus pertinent décryptant ses sorties. Outre une galerie photos soutenue par un extrait de la belle bande-originale du film et un festival de bandes-annonces balayant quelques classiques du cinéma gothique transalpin, le morceau de choix est un entretien passionnant de plus d’une demi-heure avec Alain Petit (enfant du bis et spécialiste du cinéma de Jess Franco avec lequel il travailla en tant qu’acteur et dialoguiste). Il évoque le film et son contexte dans l’âge d’or du genre, la carrière d’Alberto De Martino (qui n’aurait que peu de souvenirs de ce film), les lieux de tournages en Espagne (probablement dans le même château que L’Horrible Docteur Orloff) ou encore le casting, présentant les différents comédiens et la carrière qu’ils ont eu par la suite. Mais c’est surtout pour les nombreuses anecdotes délivrées que l’on se régale à l’entendre partager sa passion du genre. Alain Petit nous apporte, entre autre, quelques éclairages sur les nombreux titres du film et la confusion qu’ils ont apporté. Et il est toujours intéressant de plonger dans cette mode décriée par les amateurs, qui sont si nombreux à se retrouver avec des films en double pour cause de nom de réalisateur changé ou de retitrage agaçant. Par exemple, le titre américain The Blancheville Monster est dû au fait que les yankees ont décidé de délocaliser l’action de l’Écosse vers la France, renommant ainsi les protagonistes, les Blackford devenant les Blancheville. On y apprend aussi que la similarité du titre avec le film éponyme d’Andrea Bianchi était volontaire, le producteur s’étant servi du même visa de censure pour faire passer ce dernier en France ! Bref, un bon moment qui saura vous combler après la (re)découverte du film.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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