Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Jeff, who lives at home
Pères : Jay Duplass, Mark Duplass
Livret de famille : Jason Segel (Jeff), Ed Helms (Pat), Susan Sarandon (Sharon), July Greer (Linda), Rae Dawn Chong (Carol), Steve Zissis (Steve), Evan Ross (Kevin), Joe Chrest (Paul)…
Date de naissance : 2011
Majorité au : 10 octobre 2012 (en DVD)
Nationalité : USA
Taille : 1h23
Poids : 10 millions $
Signes particuliers (+) : Une comédie dramatique indépendante américaine intéressante sur le papier avec ses personnages bien écrits, portée par un beau duo entre un Jason Segel touchant et un Ed Helms excité, doublé du plaisir de revoir Susan Sarandon.
Signes particuliers (-) : Raté, Jeff who live at home ne sait jamais sur quel pied danser et s’écroule sous le poids de sa fausse intelligence prétentieuse qui se révèle être au mieux une fumisterie, au pire une arnaque. Vain et creux, il essaie de nous faire croire à sa malice mais se trahit trop vite, allant manifestement dans une direction que ses auteurs ne maîtrisent pas. Le grotesque prend alors de plus en plus de place dans un univers décalé qui ne fonctionne pas.
LE DESTIN CONDAMNÉ D’UNE COMÉDIE DRAMATIQUE
Résumé : Jeff est un adulte vivant toujours dans le sous-sol de la maison familiale. Un coup de téléphone étrange, une rencontre fortuite avec son frère Pat, une journée un peu folle vont bouleverser son quotidien…
Jeff, Who Lives at Home est le quatrième long-métrage de deux frangins, Mark et Jay Duplass, spécialisés depuis leurs débuts dans la comédie originale de ton. Entendez par là que ce tandem travaille dans les sentiers balisés de la comédie indépendante américaine mais que chacun de leur film est doté d’un œil particulier et d’un style atypique, souvent à la croisée des genres avec une prédominance pour un léger fond dramatique et mélancolique, désamorcé par l’humour. Jeff, Who Lives at Home entre dans cette catégorie en s’attachant aux tribulations sur une journée un peu folle, d’un trentenaire (Jason Segel) psychologiquement en difficulté, sorte de semi-dépressif lunaire vivant un peu dans son monde et habitant encore dans le sous-sol de la maison familiale avec sa veuve de mère (Susan Sarandon). Une journée aux quatre coins de la ville avec son frère Pat (Ed Helms) avec qui il ne s’entend pas très bien, va bouleverser son quotidien empâté. Bien qu’ils n’appartiennent pas cette « écurie », le travail des Duplass sur ce film n’est pas sans rappeler le style des réalisations ou de certaines productions estampillées Judd Apatow à l’image de son Funny People, film évoluant lui-aussi quelque part entre la comédie et la comédie dramatique. On pense également à des films comme I Love you Man, Cedar Rapids ou les films d’Alexander Payne et d’autres, ce qui finalement n’étonnera guère puisque dans cet immense univers tentaculaire de la comédie dramatique indépendante américaine, ce sont souvent les mêmes noms qui reviennent, cachés à droite à gauche, devant ou derrière la caméra, dans un espèce de joyeux bordel d’affinités « partouzeur ». Ainsi, Jason Reitman officie ici à la production alors que son paternel Ivan avait occupé la même fonction sur I Love you Man déjà avec Segel qui, lui-même, est un comédien proche de la bande Apatow alors que Ed Helms est une tête d’affiche de l’univers comique (très populaire depuis son rôle du dentiste Stu dans la série des Very Bad Trip) qui a déjà travaillé avec Payne (producteur sur Cedar Rapids) etc, etc… Vous suivez toujours ? Bref, passons.
On préfère prévenir d’emblée, mais se lancer dans Jeff, Who Lives at Home en en attendant une joyeuse comédie débridée pleine de péripéties serait une très mauvaise idée. Car sur ce travail, les Duplass imbriquent narrativement, thématiquement et formellement, comédie et drame dans un film à la fois ni triste, ni drôle, mais résolument doux-amer et s’ouvrant une voie qui lui est propre mais qui en même temps marche sur les plates-bandes de certains confrères. Très difficile à situer et à cerner, le résultat ne pourrait même pas être vraiment être classer dans le registre de la classique « comédie dramatique »(qui fait souvent office de compromis à mi-chemin) tant il se drape dans un ton particulier et déroutant, loin et proche des deux genres à la fois. Jeff, Who Lives at Home est une curiosité spéciale, un film qui ne serait pas loin de l’ovni d’esprit s’il ne bifurquait pas régulièrement vers un certain conventionnalisme formel, ayant autant un pied dans la pure comédie que l’autre solidement enraciné dans le drame existentiel, en jouant la carte récurrente de l’éternel trouble de « l’adulescent » mal dans sa peau. Car Jeff est un adulte fonctionnant comme un ado mais à l’inverse de pas mal de comédies classiques, on sent très vite que ce mode de vie n’est pas vraiment un choix né d’une immaturité profonde, mais le résultat de difficultés psychologiques profondes l’empêchant d’avancer dans sa trajectoire personnelle.
Sur le fond, ce qu’ont tenté les Duplass pourrait être qualifié d’ambitieux. Malheureusement, la mayonnaise qu’ils tentent de faire monter a bien du mal à prendre. Très bancal, confus dans les intentions et souvent trop déroutant pour convaincre à forcer d’errer entre les lignes stylistiques et thématiques, Jeff, Who Lives at Home essaie de ne danser sur aucun pied mais finit logiquement par se casser la gueule au sol. Le duo ose une grande originalité de ton mais finalement ne semble pas avoir d’autre choix que de lorgner régulièrement vers la comédie indie américaine en récitant ses tics de langage dramatiques, de même qu’ils tentent un exercice narratif troublant, essayant de construire un discours de fond à partir de la globalité des différentes histoires parallèles narrées (on suit autant les aventures de Jeff seul que de Pat seul, que de la mère Sharon, ou encore du duo fraternel réuni) mais tout ça pour à l’arrivée, déboucher sur la simple thématique du parcours initiatique où chacun va évoluer en tentant d’avancer et de régler ses problèmes existentiels profonds regardés en face au détour d’une journée riche en évènements soudants, resserrant les liens de ce microcosme éclaté. Enfin, on passera sur ses effets de mise en scène (on pense à ces zooms incessants et insupportables piqués à The Office) qui sonnent comme des « trucs » malins mais sans intérêt n’apportant strictement rien au présent univers si ce n’est agacement d’autant qu’ils côtoient un platitude formelle totalement désincarnée le reste du temps.
Si Jeff, Who Lives at Home procurera quelques petits plaisirs notamment au détour de quelques situations, de la caractérisation de ses personnages (l’égocentrique Pat face au doux-dingue Jeff) ou au niveau de son interprétation, d’un Jason Segel qui n’a pas son pareil pour composer ce genre de personnages drôle et affectif à un Ed Helms parfait en égocentrique agité en passant par une Susan Sarandon touchante, reste que cet objet décalé est finalement confus, lassant et faussement juste et intelligent, la maigreur de son scénario se trahissant assez vite avant d’éclater au grand jour au terme de son aventure qui laisse un désagréable arrière-goût d’absence de finalité vraiment convaincante. Vain ou alors très fumeux dans la direction visée, cet effort accouché non sans prétention, vient s’ajouter à la longue liste des comédies dramatiques indie qui essaient de se faire passer pour plus savoureuses qu’elles ne le sont, sonnant en réalité terriblement creuses et artificielles. Les Duplass nous baladent pendant 90 minutes souvent redondantes pour nous conduire à terme à une destination que l’on ne sait pas comment appréhender, entre le grotesque et l’acte manqué. Que faire de cette quête presque philosophico-mystique sur la destinée ? On ne sait pas trop. Mais les Duplass le savaient-ils seulement eux-mêmes avant de nous embarquer dans cet univers ?
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux