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Nom : Je le jure
Père : Samuel Theis
Date de naissance : 26 mars 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h50 / Poids : NC
Genre : Drame, Judiciaire
Livret de famille : Julien Ernwein, Marie Masala, Marina Foïs, Louise Bourgoin…
Signes particuliers : Une étude intéressante du système judiciaire.
Synopsis : À quarante ans, Fabio se laisse porter par le courant. Un peu largué, il trouve du réconfort dans l’alcool. Et un peu auprès de Marie, de vingt ans son aînée, avec qui il entretient une relation secrète. Un jour, il reçoit une convocation pour être juré d’assises, il va devoir juger un jeune pyromane accusé d’homicide involontaire.
LA JUSTE PEINE
NOTRE AVIS SUR JE LE JURE
Samuel Theis nous avait laissé en mille morceaux au lendemain de son bouleversant Petite Nature, acte de naissance d’une carrière prometteuse. Forcément, on guettait avec impatience son fameux « film d’après ». Trois ans plus tard, le voilà. Je le jure est un drame judiciaire dans lequel Fabio, un quarantenaire qui n’a jamais vraiment trouvé sa fonction dans la société, voit sa vie basculer quand il est convoqué pour être jury d’assise au procès en appel d’un jeune pyromane préalablement condamné. A noter que ce nouveau long-métrage sort dans un contexte peu évident, le cinéaste ayant dû terminer son film à distance après des accusations de viol déposées par un membre de l’équipe à son encontre. Il a ensuite été écarté de la promotion du film dans le cadre d’un protocole conclu pour sauver l’œuvre avant tout.

Dans la précipitation, certains ont pu comparer le film au Juré n°2 de Clint Eastwood ou au plus ancien 12 Hommes en Colère en cela que Je le jure aborde la justice par le prisme d’un juré confronté aux lois (et aux avis) du groupe qui l’entoure. En réalité, Samuel Theis s’éloigne de ces œuvres en abordant son sujet d’une manière divergente. D’abord, car il ne s’intéresse que peu au spectaculaire et au théâtralisme d’un procès où les versions s’affrontent et s’opposent. Dans Je le jure, il n’est pas question de juger de la culpabilité d’un homme puisqu’on le sait coupable comme l’a déjà notifié son premier procès. Ici, c’est un appel que l’on suit et l’objectif n’est pas de re-statuer sur sa culpabilité mais de décider de la juste peine à appliquer pour son crime. C’est tout l’enjeu du film, s’intéresser à ce qu’est une « juste peine », une peine proportionnelle à la gravité des faits, une peine prenant en compte un contexte et les aspérités qui les bordent. Une peine qui se doit de prendre beaucoup d’éléments en compte et pas seulement l’acte en lui-même. Ainsi, si l’on devait absolument rapprocher Je le jure d’autres références, ce serait plutôt du côté d’un Saint Omer voire à la limite d’un Anatomie d’une chute (dans lequel Theis tenait un rôle) qu’il faudrait regarder en cela que Samuel Theis convoque l’intime et le social au cœur de son affaire judiciaire.

L’idée du film tient dans un parallèle peu discret. C’est quand la société va faire appel à lui pour lui assigner un rôle que Fabio va enfin trouver un sens à son parcours qui, jusque-là, n’en avait pas. Comme une voie pour enfin se réaliser socialement. Cette partie « intime » est sans nul doute la faiblesse du film, moins intéressante, un peu lourdement symbolique, trop périphérique par rapport au cœur de l’œuvre. L’esquisse de portrait dressé de ce Fabio (qui se laisse porter plus qu’il ne s’affirme, qui vit une relation secrète avec une femme plus âgée et qui trouve souvent refuge dans l’alcool pour tromper son insatisfaction existentielle) affaiblit la pertinence du film par manque de précision d’écriture, comme si les deux histoires s’emboîtaient mal. A l’image de la sous-intrigue insipide sur cette femme dont Fabio s’amourache en la côtoyant au procès, incarnée par Louise Bourgoin. Là où le film trouve son réel accomplissement, ce n’est pas dans ce maladroit tricotage intimiste sur ses personnages mais dans ces questionnements qu’il explore sur la justice, comment l’appréhender, comment le rendre intelligemment, comment l’appliquer de manière efficace et surtout efficiente. Le choix d’un crime plus abstrait qu’un simple acte abject n’appelant aucun débat (l’acte pyromane est psychologiquement plus intéressant qu’un meurtre de sang froid binaire) permet une étude en profondeur des mécanismes de l’institution judiciaire et de la difficulté à porter un regard sur les actes d’un homme. Drame porté par une grande sérénité d’analyse, Je le jure s’affirme et captive dans cette consistance là.
Par Nicolas Rieux