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INSIANG de Lino Brocka : la critique du film

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InsiangMondo-mètre
note 4.5 -5
Carte d’identité :
Nom : Insiang
Père : Lino Brocka
Date de naissance : 1976
Majorité : 22 juin 2016
Type : Ressortie en salles
Nationalité : Philippines
Taille : 1h50 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Hilda Koronal, Mona Lisa, Ruel Vernal, Marlon Ramirez, Rez Cortez…

Signes particuliers : Un chef d’œuvre du cinéma philippin, présenté à Cannes en 1978, qui ressort au cinéma en version restaurée. Une occasion à ne pas manquer !

PLONGÉE DANS LES BIDONVILLES DE MANILLE

LA CRITIQUE DE INSIANG

Résumé : Insiang habite un bidonville de Manille avec sa mère, la tyrannique Tonya. Elle se démène corps et âme pour survivre dans ce quartier où chômage et alcoolisme font partie intégrante du quotidien. Un jour, Tonya ramène chez elles son nouvel amant, Dado, le caïd du quartier, en âge d’être son fils. Ce dernier tombe rapidement sous le charme de sa nouvelle « belle-fille »…insiang-lino-brocka-3

Il y a tout juste un mois, le discret cinéma philippin faisait parler de lui à Cannes avec Ma’Rosa, le nouveau long-métrage du réalisateur Brillante Mendoza (Kinatay), dont l’actrice principale a raflé le prestigieux prix d’interprétation. Un sacre qui coïncide avec une sortie patrimoniale événement, puisque Carlotta Films propose aujourd’hui dans quelques salles en France (avant une très probable édition vidéo), le long-métrage Insiang, premier film du cinéaste de génie Lino Brocka, qui fut justement la toute première œuvre philippine à avoir été sélectionnée du côté de la croisette. C’était en 1978, à la Quinzaine des Réalisateurs. Superbement restauré en 4K, ce chef d’œuvre est à redécouvrir dans toute sa splendeur.insiang_film._3Tourné à l’économie dans un vrai bidonville de Manille avec le concours d’un mélange d’acteurs professionnels et amateurs, Insiang est du grand cinéma, qui fait avec les moyens du bord pour scruter la vie philippine des bas-fonds, celle oubliée et abandonnée à son sort, entre entassement, désœuvrement et violence des rapports humains. Du cinéma frontal, qui observe droit dans les yeux et sans concessions, la misère des plus faibles qui survivent plus qu’ils ne vivent, qui luttent plus qu’ils ne prennent leur destin en main, le tout au sein d’un microcosme horrifiant de noirceur. Naviguant entre le mélodrame poétique, la tragédie désespérée, le polar sans appel et le geste sociologique quasi-documentaire, Insiang relève de ces œuvres sorties avec les tripes, de ces films qui ont des choses à dire, et qui le font avec poigne et sincérité, sans pour autant oublier de raconter une histoire au spectateur, histoire éprise de réalité, cette réalité terrible dont il se fait le témoin en illustrant le travail du quotidien difficile sur ces pauvres gens dévorés par leur environnement sans pitié les projetant dans un combat de vie quasi perdu d’avance.insiang_film._2On retrouve des traces de plusieurs types de cinéma social dans Insiang, le cinéma social chinois des années 40 (tel que Corbeaux ou Moineaux), le cinéma social acerbe d’un Luis Buñuel, celui plus poético-tragique de Kurosawa, voire même des traces de la violence des polars japonais des années 70. Porté par des comédiens formidables, notamment Hilda Koronel ou l’amusément nommée Mona Lisa, Insiang n’échappe pas à quelques maladresses, dans l’utilisation de la musique ou le montage, mais ces manquements demeurent des détails, comme un papier cadeau sommaire renfermant au final, un sacré trésor. Des détails que l’on oublie vite de toute manière, surtout au terme de ce brûlot censuré à l’époque dans son pays, alors que sa fin cruelle et hautement symbolique, arrache le cœur dans un maelström émotionnel. Quand on y repense, il n’est qu’un pas que l’on a envie de franchir sans hésitation, pour dire qu’Insiang aurait sans doute bien mérité la Compétition Officielle en 1978, en lieu et place de la Quinzaine des Réalisateurs. Et à y être, il aurait aussi bien mérité la Palme d’or.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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