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HEROES – THE BATTLE AT LAKE CHANGJIN : la critique du film

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Spectateurs


Nom : Zhang jin hu
Père : Chen Kaige, Dante Lam, Tsui Hark
Date de naissance : 2021
Majorité : 26 juillet 2022
Type : sortie Blu-ray, DVD
Nationalité : Chine
Taille : 2h56 / Poids : NC
Genre : Guerre

Livret de Famille : Jing WuJackson YeeDuan Yihong

Signes particuliers : Un film de guerre épique écrasé par ses (insupportables) velléités nationalistes.

Synopsis : Hiver 1950, l’armée populaire de Chine entre en Corée du Nord… Les troupes postées sur le front oriental vont combattre au lac Changjin, dans des conditions de froid extrême, n’ayant que peu de rations et accusant un important retard d’armement face à l’armée américaine menée par le général MacArthur. Avec pour seuls alliés leur volonté de fer et leur courage, les soldats chinois vont lutter au-delà de l’entendement et livrer une bataille qui restera à jamais gravée dans les mémoires…

PROPAGANDE A LA CHINOISE

NOTRE AVIS SUR HEROES – THE BATTLE AT LAKE CHANGJIN

Quelques mois après l’épique La Brigade des 800, le cinéma chinois livre un nouveau blockbuster en marbre massif célébrant l’héroïsme de l’armée chinoise. Dans la lignée du film de Guan Hu, Heroes : The Battle at Lake Changjin est une nouvelle superproduction (budgétée à 170 M$ quand même) dans laquelle les petits plats ont été mis dans les grands pour vanter un illustre épisode guerrier, cette fois durant la guerre de Corée où l’armée chinoise a tenu tête aux yankees interventionnistes. Mais plus que le budget, plus que le spectacle proposé ou le fait que le film s’est imposé comme le second plus gros succès de 2021 au pays du soleil levant derrière Spiderman : No Way Home, ce qui attirait vraiment l’œil, c’est le glorieux trio aux commandes du film. Pas un réalisateur mais trois pour assurer les ambitions de ce gigantesque spectacle démesuré. Et pas n’importe lesquels en prime. Le créatif fou Tsui Hark, l’expert en action Dante Lam et le respecté Chen Kaige (palmé à Cannes pour Adieu Ma Concubine). Trois grands noms du cinéma chinois qui ont œuvré de consorts pour assurer le défi. Problème, car il en fallait bien pour calmer les ardeurs, Heroes : The Battle at Lake Changjin est une commande du Département de la Propagande du Comité Central du Parti Communiste Chinois dans le cadre des célébrations du 100ème anniversaire du Parti. Et à force, on connaît la chanson. Quand le cinéma chinois assume fort ses velléités propagandistes, il convie rarement monsieur Tact et son épouse madame Finesse, aux festivités.
C’est l’un des deux problèmes majeurs qui plombent ce film de guerre voulu grandiose qu’est Heroes : The Battle at Lake Changjin. Certes, l’œuvre assume son patriotisme. Elle n’est pas la première et certainement pas la dernière à le faire. Mais il y a l’art et la manière. Or, Heroes : The Battle at Lake Changjin ne se contente pas d’un patriotisme moulé dans son histoire, il en fait sa raison d’exister. D’une lourdeur absolument terrifiante (pour ne pas dire malaisante), le film de Hark-Lam-Kaige en fait des tonnes à chaque instant, au point de parfois (souvent ?) sombrer dans un ridicule assassin. Rien que la représentation des américains flirtent avec un grotesque si caricatural que l’on croirait presque à une parodie. De la façon de les filmer au jeu sur-appuyé des acteurs en passant par l’artificialité de leurs scènes, le film donne dans la bouffonnerie tuant toute crédibilité. Crédibilité déjà mise à mal par tout le reste d’un scénario qui s’arrange bien avec l’Histoire pour raconter ce qu’il veut, comme il veut. La glorification de l’armée chinoise, de ses leaders et du Parti est telle que l’on est dans l’incapacité d’accorder le moindre crédit au métrage tout entier. Mais ce n’est pas le seul dégât opéré par cette direction idéologique au sérieux écrasant. Elle est aussi responsable de la mort de toute émotion et de toute implication du spectateur dans un film trop manufacturé pour répondre à son dogme. Tout y est fonctionnel, des personnages aux scènes, rendant l’objet anti-cinématographique.
Vient ensuite la question toute aussi problématique, du spectacle lui-même. Trois cinéastes renommés et talentueux, c’est bien… si l’association est menée avec intelligence. Mais encore faut-il savoir qui fait quoi, avec un chef d’orchestre veillant à la cohérence d’ensemble. Or, ce n’est pas le cas sur Heroes : The Battle at Lake Changjin où les styles se marchent dessus en permanence dans une cacophonie artistique branlante. Par moments, on sent la patte de l’un ou de l’autre. On repère les plans créativement surréalistes ou décalés (et parfois géniaux) d’un Tsui Hark, on sent la verve bouillonnante d’un Dante Lam quand l’action défouraille, on pense reconnaître le style appliqué d’un Chen Kaige. Mais l’imbrication de ces sensibilités donne parfois lieu à un gros bordel foutraque, pas aidé par le pompiérisme constant de l’image et de la musique, par une écriture très mécanique, par le non-jeu de comédiens incarnant rien d’autre que des fonctions narratives, par la superficialité d’une production en toc, par la répétition très schématique des mêmes plans/images, par les limites des SFX chinois (pas mal sont bien hideux) ou encore par le côté « faux » qui accompagnent sans cesse les longues 2h50.
Spectacle total ? Heroes : The Battle at Lake Changjin veut balancer du lourd en visant l’intensité de chaque instant. Oui, le film pourvoie pas mal de séquences impressionnantes, ou censées l’être. Oui, on se laisse séduire par quelques passages répondant aux attentes de base que ce soit en termes de génie plastique ou de générosité du spectacle puissant. Mais l’immersion dans ce maelström épique est freinée par ces voiles patriotiques fièrement déployées tant dans le fond que sur la forme, et par la redondance lassante qui l’anime sur son imposante durée. Malgré quelques bons moments facilement isolables, malgré son emphase spectaculaire, malgré le génie de ses auteurs qui s’affiche par bribes ça et là, Heroes : The Battle at Lake Changjin est un trop mauvais film dans sa confection pour palier à ses défauts intrinsèques et fonctionner comme la fresque guerrière qu’il espérait être, et que l’on espérait voir.

Par Nicolas Rieux

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