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GREEN BOOK : Rencontre avec Viggo Mortensen

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A l’occasion de la sortie en salles de Green Book, nous avons pu rencontrer l’acteur Viggo Mortensen, de passage à Paris pour la promotion du film nommé aux Oscars.

Synopsis : En 1962, alors que règne la ségrégation, Tony Lip, un videur italo-américain du Bronx, est engagé pour conduire et protéger le Dr Don Shirley, un pianiste noir de renommée mondiale, lors d’une tournée de concerts. Durant leur périple de Manhattan jusqu’au Sud profond, ils s’appuient sur le Green Book pour dénicher les établissements accueillant les personnes de couleur, où l’on ne refusera pas de servir Shirley et où il ne sera ni humilié ni maltraité. Dans un pays où le mouvement des droits civiques commence à se faire entendre, les deux hommes vont être confrontés au pire de l’âme humaine, dont ils se guérissent grâce à leur générosité et leur humour. Ensemble, ils vont devoir dépasser leurs préjugés, oublier ce qu’ils considéraient comme des différences insurmontables, pour découvrir leur humanité commune.

LE 23 JANVIER AU CINÉMA

Est-ce que vous connaissiez l’existence de ce fameux « Green Book » (livre qui indiquait aux « noirs » en voyage les adresses où ils pouvaient rester comme les restaurants, bars ou hôtels – ndlr) et est-ce que vous pensez qu’il peut y avoir des similitudes entre les États-Unis de 1962 et aujourd’hui ?

Viggo Mortensen : Non, je ne connaissais pas du tout l’existence de ce livre avant de faire le film. Et concernant Don Shirley, je ne connaissais pas bien son histoire. Je connaissais pas vraiment son histoire, je connaissais juste deux chansons de lui. Pendant la promotion du film, plusieurs personnes m’ont dit que le film tombait parfaitement en ce moment car il avait une réelle résonance politique avec les problèmes de discrimination et de racisme. Mais en même temps, il y a des problèmes partout et tout le temps. Oui c’est un bon moment pour faire ce film, mais ç’aurait aussi été un bon moment il y a dix ans comme ça sera un bon moment dans 20 ou 50 ans parce que c’est un bon film déjà, et surtout parce que le racisme et la discrimination ne vont jamais disparaître malheureusement. Ça fait partie de la vie et de la nature des êtres humains. Chaque génération aura du boulot à ce sujet et devra lutter contre cela. Il faudra toujours éduquer les enfants là-dessus et leur apprendre qu’il ne faut pas prendre en compte la couleur de peau.

Quelles sont les raisons qui vous ont donné envie de faire ce film ?

Viggo Mortensen : Comme toujours, j’ai accepté de faire le film à cause de l’histoire. C’est ça qui vient au-dessus de tout, toujours. Puis le personnage aussi et qui est le réalisateur. J’avais un peu peur du personnage car je ne suis pas du tout italo-américain, je suis plus du nord, j’ai des racines scandinaves et écossaises. Peter Farrelly a insisté car il me voulait vraiment. Et je me suis rappelé David Cronenberg. Il m’avait proposé de faire Freud à 40-45 ans dans Dangerous Method et je lui avais répondu que c’était un peu fou car ça me correspondait pas. Il m’avait dit « Si, je te connais, tu peux le faire« . Il m’a bien guidé et ça a marché. J’ai ensuite reparlé avec Peter Farrelly et surtout avec Nick Vallelonga, le fils de Tony Lip. Il m’a ouvert les portes de sa famille, je suis allé les voir, j’ai dîné avec eux, je les ai observés, j’ai écouté des enregistrements qu’il avait fait de son père alors qu’il racontait son périple avec Don Shirley… Puis j’ai rencontré Mahershala Ali, un vrai gentleman. Il y a eu une alchimie immédiate et j’ai commencé à croire en ce projet.

C’est beaucoup de pression de rencontrer la famille de quelqu’un que l’on va jouer ? Et est-ce qu’il faut arriver à l’oublier pour mieux jouer le rôle ?

Viggo Mortensen : C’est beaucoup de pression mais s’ils sont aussi généreux que les Vallelonga l’ont été avec moi, on se sent encore plus désireux de respecter la mémoire de la personne. Mais de manière générale, que ce soit le personnage de History of Violence, de Green Book ou même Aragorn, il faut comprendre le personnage sans le juger, sans en faire une caricature.

Comment êtes-vous physiquement entré dans le rôle car il y a eu une transformation ?

Viggo Mortensen : J’ai beaucoup mangé ! Et j’ai fait de la musculation aussi. Mais j’ai surtout mangé, en quantité énorme et en permanence, des pâtes, des pizzas etc… Mais c’était pas la chose la plus compliquée dans la préparation, tout le monde peut manger ! L’accent, ça vient de la famille. C’est l’accent des italo-américains du Bronx. J’ai écouté des enregistrements audio de Tony Lip, mais aussi d’autres gens, j’ai regardé des films et des documentaires pour comprendre l’accent, le vocabulaire et la façon de parler. C’était très important que les mots employés soient les mots utilisés à l’époque.

Avez-vous eu quelques craintes au sujet de Peter Farrelly, le réalisateur ? C’est un cinéaste qui n’est pas du tout habitué à ce genre de films, on le connaît surtout pour ses comédies.

Viggo Mortensen : Je pense qu’avec Green Book, Peter a fait un film dans la veine des meilleurs Frank Capra ou Preston Sturges. Vraiment. Je crois qu’au Festival de Toronto, les gens du métier ont été bouleversés, ils lui ont demandé « Mais comment as-tu fait ça après Mary à tout prix ou Dumb & Dumber ? ». On a gagné le prix du public là-bas et plein de prix du public un peu partout ensuite. Mais non, je n’avais pas de craintes parce que j’avais lu un roman qu’il avait écrit en 1998. Je savais qu’il y avait un côté sérieux chez lui. Après, on sait jamais. Il y a de bons réalisateurs qui font parfois de mauvais films et vice versa. Mais tout a bien commencé. Le premier jour de tournage, je me souviens qu’il a rassemblé toute l’équipe, vraiment tout le monde, et il a dit « Je ne sais pas tout, il y a des choses que j’ignore. On a une opportunité pour faire ce film. Si vous avez une bonne idée, quelque chose à dire, n’importe quoi, dites-le moi. Parce qu’on va faire ce film tous ensemble. C’est un travail d’équipe. » Et c’est comme ça qu’on l’a fait. C’était une belle manière de commencer ce tournage.

Vous êtes quelqu’un de très éduqué et votre personnage a au contraire, une culture assez modeste. est-ce que vous vous êtes parfois senti plus proche de Don Shirley que de son chauffeur ?

Viggo Mortensen : Déjà, si vous attaquez le film en vous disant que votre personnage n’est pas intelligent, alors vous vous moquez. Il ne faut pas faire ça. Parce que ce serait juger au lieu de comprendre. Je voulais seulement comprendre le point de vue de Tony Lip. Heureusement pour moi, son fils était sur le tournage tous les jours (Nick Vallelonga était le coscénariste du film – ndlr). Parfois, pendant que je jouais, je le voyais pleurer. Et s’il pleurait, c’est que j’étais bon et qu’il voyait son père.

Vous avez dit dans certains interview que Tony Lip vous rappelez parfois votre propre père…

Viggo Mortensen : Oui.Mon père était de la même génération de l’après-guerre, il a grandi comme Tony plus ou moins pauvre, mais à la campagne, pas dans la ville. Il avait six enfants… Sa façon de penser était typique des personnes de cette époque, les hommes de cette génération étaient racistes, mais c’était « normal », c’était dans leur comportement. Et comme Tony, mon père était drôle et têtu. Mon père est un peu une version danoise de Tony ! (rires)

Quelle a été votre relation avec Mahershala Ali sur ce tournage car au final, vous étiez tout le temps ensemble quasiment ?

Viggo Mortensen : Quand Peter Farrelly a fait le casting et quand j’ai accepté, ma première question a été de savoir qui allait jouer Don Shirley. Il m’a dit qu’il allait parler le lendemain avec Mahershala Ali. Je lui ai dit que c’était génial car je le connaissais. pendant la promotion des Oscars, il était nommé pour Moonlight et moi pour Captain Fantastic. On s’est ensuite parlé avec Mahershala, je lui ai dit que j’admirais son travail dans House of Cards comme dans Moonlight mais rapidement, on s’est mis à parler de nos familles respectives. Au final, j’ai dit à Peter Farrelly que j’aimais beaucoup cet homme et que s’il acceptait de faire le film, alors on ferait un très bon film. Les premières scènes que l’on a tourné étaient celles en voiture. C’était pas simple car on se voyait pas. On parlait sans se voir. Lui voyait juste ma nuque et moi, j’avais la caméra dans l’angle du rétroviseur donc je ne pouvais pas le voir. Mais au final, ce fut un bon exercice car ça nous a obligé à « écouter » et à trouver la bonne « musique » dans nos échanges et notre relation. C’est le plus important de toute manière, la base de la comédie, c’est la réaction à l’autre.

Propos recueillis par Fanny Ghalem

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