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THE SOUVENIR PART I et II de Joanna Hogg : la critique du film

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Nom : The Souvenir Part I et II
Mère : Joanna Hogg
Date de naissance : 2021
Majorité : 02 février 2022
Type : sortie en salles
Nationalité : Angleterre
Taille : 3h45 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Honor Swinton ByrneTilda SwintonRichard Ayoade, Tom Burke, Charlie Heaton, Harris Dickinson…

Signes particuliers : Une fresque intimiste d’une beauté sidérante. 

L’UN DES PLUS BEAUX (DOUBLE) FILMS DE CE DEBUT D’ANNEE

NOTRE AVIS SUR THE SOUVENIR

Synopsis : Sortant durement éprouvée de sa liaison avec Anthony, homme séduisant et manipulateur, Julie cherche à faire la lumière sur l’existence fictive qu’il s’était inventée et à mettre de l’ordre dans ses propres sentiments. Lui vient alors une idée un peu folle : et si elle consacrait son film de fin d’études à cette douloureuse histoire d’amour ? Peut-on vaincre ses blessures en mettant en scène un épisode de sa propre vie ?

L’art peut-il être une question de mathématique ? Évidemment que non mais The Souvenir est néanmoins une addition de plusieurs éléments dont la somme conduit à une grandeur qui, multiplié par la puissance au carré d’un art au sommet de la maîtrise, donne un chef d’œuvre (ok, en la relisant, cette phrase est un gros n’importe quoi – ndlr). Nouvelle réalisation de Joanna Hogg (Archipelago, Exhibition), The Souvenir s’inscrit dans la parfaite lignée du cinéma de la britannique, un cinéma introspectif, observateur, émotionnel. Avec désormais la maturité en plus, et elle fait toute la différence.
Dès les premières images, The Souvenir subjugue. Immédiatement, on sent un amour incommensurable du cinéma dans cette fresque en deux parties -et donc en deux films- probablement la raison qui a poussé Martin Scorsese à en assurer la production exécutive. Immédiatement, on perçoit un étourdissant et subtil mélange d’ambitions, de densité, de beauté, de délicatesse, de Nouvelle Vague, de Kubrick et de Cassevetes. Le maelström est en marche, il ne va jamais cesser d’entretenir les courants de son tourbillon dont l’énergie est caractérisée par un soin extrême apporté à chaque image, à chaque cadrage, à chaque couleur, à chaque séquence. Chaque plan de The Souvenir n’est pas « réalisé », il est composé, comme une toile de maître. Et 3h45 de « tableaux de maître », on n’avait plus vu ça à un tel degré de perfection cinématographique depuis longtemps. Depuis Kubrick ?
Il y a d’abord cette image, magnifique, majestueuse, vivante. A l’heure du numérique lissé, ce grain piquant et texturant donne ironiquement une sensation d’authenticité charnelle aux images. Il s’en dégage une élégance vertigineuse, que certains ont pu comparer -à raison- à Barry Lyndon. The Souvenir est à ranger dans les images mémorielles qui symbolisent la douceur et l’élégance, aux côtés des aquarelles, des parfums et mets délicats, d’Audrey Hepburn ou des Jacinthes blanches. Avouons que The Souvenir est d’un raffinement absolu, une sorte de caresse cinématographique permanente où la finesse poétique du regard s’entremêle avec la cruelle dureté de l’histoire, surtout dans sa première partie où Joanna Hogg raconte l’histoire d’une jeune étudiante en cinéma qui tombe sous la coupe d’un homme trouble. Dans la seconde, elle s’attache à l’après, quand la future cinéaste décide de raconter cette histoire dans son film de fin d’études. Ou comment cicatriser une blessure en utilisant son art comme exutoire.
Joanna Hogg parle de « mise en abyme ». Cette histoire, c’est la sienne… plus ou moins. Peut-être moins que plus, ou l’inverse selon ce à quoi on s’attache. Car The Souvenir n’est pas proprement autobiographique même s’il puise très largement dans les souvenirs de la réalisatrice. Comme sa Julie de cinéma, Joanna Hogg a suivi des études cinématographiques avec des hauts, des bas et des difficultés. Comme sa Julie de cinéma, elle avait un idéal d’un cinéma au réalisme radical. Comme sa Julie de cinéma, elle a grandi dans cette Angleterre en crise sociale. Comme sa Julie de cinéma, elle a connu des relations très fortes, qui l’ont marquée, qui la marque encore, qui lui ont inspirée des choses. La partie consacrée à cette relation toxique qu’entretient la jeune Julie avec cet homme charismatique et mystérieux est fictive. La partie relatant les débuts semés d’embûches d’une jeune femme perçant dans le cinéma dans l’Angleterre des années 80 marquée par Thatcher et l’IRA est plus authentique. Mais au fond, fiction ou réalité, ce qui compte avant tout, c’est ce que raconte The Souvenir, comment l’on se construit à partir de notre vécu, comme les épreuves nous façonnent, comment elles nous atteignent et ce que l’on peut en retirer. Ou autrement dit, comment les souvenirs nous hantent, nous font avancer, nous inspirent, nous parlent dans l’immédiat comme bien plus tard, comment ils se transforment et se mélangent pour devenir un étrange assemblage de réalité et de fantasmes mémoriels. L’histoire enivrante de The Souvenir est passionnante, pour ce qu’elle raconte, pour ce qu’elle appelle, pour ce qu’elle rappelle aussi, et pour ce qu’elle communique.
Et puis il y a cette comédienne, fabuleuse, vraie, sincère, d’une normalité presque bouleversante. Joanna Hogg a longtemps cherché « sa Julie » car le rôle était important pour elle. Elle a fini par la trouver finalement très près d’elle, chez son amie Tilda Swinton. Honor Swinton Byrne n’est autre que sa fille. Elle n’avait vraiment joué les comédiennes de cinéma, elle est l’étincelante révélation d’un film où sa délicatesse semble se confondre avec celle du regard de Joanna Hogg.
The Souvenir, deux films, une œuvre immense. Sur un plan strictement narratif, on pourrait avoir l’impression que les deux parties racontent des choses finalement assez différentes, la première étant très axée sur cette relation toxique tandis que la seconde montre la naissance d’une artiste. La magie, et surtout le talent d’écriture de Joanna Hogg, fait que les deux s’entremêlent pour ne former qu’une. Comme si la rupture entre les deux parties était un point d’équilibre et que le film racontait un avant et un après ce point de rupture. Partie I et Partie II se répondent, se nourrissent, se prolongent, à tel point qu’il aurait été impossible de les chroniquer séparément.

Par Nicolas Rieux

One thought on “THE SOUVENIR PART I et II de Joanna Hogg : la critique du film

  1. Personnellement, j’aime pas mal la partie I du film Le Souvenir.

    À part raconter l’amour et l’amour du cinéma. Il est aussi un film d’actualité et politique.

    Une phrase verbalisée dans la partie II  » Tout est Politique  » pour répondre au personnage principal Antony qui avait menti d’exercer son activité dans le ministère et puis mort d’une overdose.

    Je dirais que les 2 parties du films devrait être inversé.
    Mais politiquement, cela représente simplement la qualité de « l’histoire » de « vie » sont dégradés avec le temps malgré l’investissement dans le cinema ou bien « pour la crise sanitaire ».

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