Mondomètre
Carte d’identité :
Nom : Problemos
Père : Eric Judor
Date de naissance : 2016
Majorité : 10 mai 2017
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h30 / Poids : NC
Genre : Comédie
Livret de famille : Eric Judor, Blanche Gardin, Youssef Hajdi, Célia Rosich, Marie Helmer, Michel Nabokov, Claire Chust…
Signes particuliers : Une comédie plutôt originale.
LE FUTUR DE L’HUMANITÉ EST MAL BARRÉ !
LA CRITIQUE DE PROBLEMOS
Résumé : Jeanne et Victor sont deux jeunes parisiens de retour de vacances. En chemin, ils font une halte pour saluer leur ami Jean-Paul, sur la prairie où sa communauté a élu résidence. Le groupe lutte contre la construction d’un parc aquatique sur la dernière zone humide de la région, et plus généralement contre la société moderne, la grande Babylone. Séduits par une communauté qui prône le « vivre autrement », où l’individualisme, la technologie et les distinctions de genre sont abolis, Jeanne et Victor acceptent l’invitation qui leur est faite de rester quelques jours. Lorsqu’un beau matin la barrière de CRS qui leur fait face a disparu… La Communauté pense l’avoir emporté sur le monde moderne. Mais le plaisir est de courte durée…à l’exception de leur campement, la population terrestre a été décimée par une terrible pandémie. Ce qui fait du groupe les derniers survivants du monde. Va t’il falloir se trouver de nouveaux ennemis pour survivre ?
Quand il se détache de son éternel comparse Ramzy, Eric Judor est un autre artiste, très différent, plus fin que les délires potaches dans lesquels le tandem aime à s’abîmer. On en avait déjà pu voir le talent du bonhomme avec la (très bonne) série Platane qu’il avait créé et porté, on le retrouve ici sur une comédie de science-fiction un brin délirante, réalisée avec des bouts de ficelles, dans une démarche diamétralement opposée à son précédent La Tour Montparnasse Infernale 2, qui s’était soldé par un cuisant échec. Une chose est sûre, Eric Judor n’est pas seulement la moitié du duo agité Eric & Ramzy. Celui qui aime à tourner sous la direction de son autre ami, Quentin Dupieux, est capable de montrer autre chose. La preuve avec Problemos, ou quand une gigantesque pandémie éradique la population mondiale et ne laisse sur terre, qu’une poignée d’altermondialistes occupant un morceau de campagne pour empêcher la construction d’un parc aquatique.
Sous ses airs de comédie potache au script fumeux lorgnant vers un univers post-apocalyptique traité avec un esprit comique lourdingue, Problemos est un film qui se voudrait intelligent, plus proche de la satire sociale que de la balourdise débile. Et si Eric Judor ne réussit pas tout dans sa fable critique à l’égard du genre humain, on peut dire qu’il transforme au moins la moitié de son essai. Malgré d’énormes carences d’écriture et un ton qui se cherche un peu sans bien parvenir à s’affirmer, Problemos est une comédie plus alléchante pour son fond que pour sa forme. L’idée était bonne, l’exécution un peu moins, Judor n’exploitant pas toujours adroitement sa proposition, qui manque au passage d’un peu de rythme et d’hardiesse narrative. Dans l’idée, Problemos entend démontrer, par le biais de la farce au rire acerbe, que l’homme sera éternellement un loup pour l’homme et que l’esprit de communauté, aussi nobles en soient les fondements, devra toujours faire face aux plus vils instincts humains. A travers son histoire de pandémie laissant le champ libre pour recréer une nouvelle société idyllique en accord avec l’esprit de ces quelques altermondialistes en réaction contre ce qui cloche dans notre monde actuel, l’auteur-acteur-cinéaste illustre le fait, non sans une pointe de pessimisme idéologique, que les plus belles tentatives d’ériger un modèle sociétal respectueux de tous, se solderont toujours par des échecs car les mêmes erreurs se reproduiront ad vitam eternam.
Dans la petite communauté au cœur de Problemos, chacun se voit comme un anti-système rêvant d’une nouvelle forme de société libre, en opposition à la grande « Babylone » actuelle, marquée par le conformisme, l’égoïsme, le mensonge ou la quête du pouvoir. Pour ces ultragauchistes caricaturés à l’excès mais sans réelle méchanceté par Judor, tout est à abolir, du matérialisme aux règles imposées, en passant par le concept des jours de la semaine, les serviettes hygiéniques ou l’idée même, de donner aux prénoms à ses enfants, les privant ainsi de ce choix ! Mais quand ils se retrouvent face à la possibilité de donner corps et cœur à leurs idéaux parce qu’ils sont désormais seuls au monde, et garants de la construction des bases d’un nouveau monde, tout dérape. Car au fond, l’homme est hypocrite, menteur, manipulateur, et que sans cadre, toute société est vouée à régresser.
Très drôle dans sa manière de composer son discours, soutenu par une multitude de gags divers et variés allant du plus fin au plus graveleux, Problemos est le récit délirant d’une société qui revisite l’histoire dans le sens inverse. Parti des temps modernes, l’expérience d’un nouvel idéal communautaire va progressivement retomber dans les travers qu’il était censé combattre, avant de dériver pour retourner vers l’âge de pierre. Et si Problemos ne parvient pas à tenir la distance d’une hilarité de la première à la dernière minute, avec au passage quelques blagues de mauvais goût qui pourront déranger (on rappelle qu’une ado de seize ans est une mineure et que fantasmer sur une ado est discutable), reste un film dont les épisodes humoristiques forment un tout globalement cohérent, relevant le défi de concilier drôlerie et esprit.
TEASER :
Par David Huxley