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PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU de Céline Sciamma : la critique du film [Cannes 2019]

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La Mondo-Note :

Carte d’identité :
Nom : Portrait de la jeune fille en feu
Mère : Céline Sciamma
Date de naissance : 2019
Majorité : 18 septembre 2019
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 2h00 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Noémie Merlant, Adèle Haenel, Luàna Bajrami, Valeria Golino…

Signes particuliers : Plastiquement beau mais assommant.

UNE ROMANCE INCANDESCENTE ?

NOTRE AVIS SUR PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU

Synopsis : 1770. Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Marianne va devoir la peindre en secret. Introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie, elle la regarde. 

Le bijou d’animation Ma Vie de Courgette, le drame poignant de Téchiné Quand on a 17 ans, Céline Sciamma a fait des choses ces dernières années côté écriture. En revanche, on ne l’avait plus vu derrière une caméra depuis Bande de Filles, son troisième long-métrage salué par la critique et le public il y a cinq ans. L’heure était venue. Avec Portrait de la Jeune Fille en Feu, la réalisatrice de La Naissance des Pieuvres et de Tomboy a fait un retour remarqué, couronné d’un prix du scénario au dernier festival de Cannes. Emmené par Noémie Merlant et sa compagne à la ville Adèle Haenel, Portrait de la Jeune Fille en Feu est un drame historique qui nous expédie sur une petite île bretonne en 1770. Une peintre y est envoyée pour faire le portrait d’une future mariée qui refuse autant son mariage que de poser pour immortaliser sa destinée. Marianne va devoir peindre cette Héloïse déchirée sans qu’elle s’en rende compte, en passant du temps avec elle en tant que « dame de compagnie » pour la regarder et la mémoriser. L’espace de quelques jours, cette observation distante va prendre une tournure inattendue.

Avec le recul et la folie cannoise digérée, on a un peu de mal à comprendre le prix du scénario glané à Cannes par Céline Sciamma pour ce Portrait de la Jeune Fille en Feu. A croire que le jury n’était pas très au fait de ce que le cinéma européen produit à longueur de temps et a vu de l’originalité là où l’on demeure plus dubitatif. Parce qu’en soi, ce drame romanesque sur un éveil à la vie au contact d’une rencontre avec une personnalité plus libérée (coucou Call Me By Your Name) manque assez d’originalité dans son écriture. Seule émerge une tentative de discours d’actualité au sein d’un film historique. Mais si les intentions pouvaient être nobles, l’exécution en revanche est bien plus laborieuse. Désireuse de signer un film marqué par un minimalisme total laissant totalement le champ de parole aux sentiments et surtout à l’histoire de cette évolution bâtie sur une naissance du désir façon Stendhal, Sciamma s’efforce de faire preuve de subtilité à mesure que son geste cinématographique se charge en message politique sur le regard et la place de la femme en société au gré des conventions de chaque époque. Mais à mesure que les minutes passent, la réalisatrice plonge son effort dans une léthargie évidée de toute intensité, de toute fièvre, de toute passion. Un comble vu le sujet.

C’est probablement le plus problématique avec ce Portrait de la Jeune Fille en Feu, cette absence totale d’émotion alors que le sujet avait tout pour la convoquer. Si la jeune fille du titre est en feu, le portrait de Sciamma ne l’est en revanche pas du tout et se borne à une illustration didactique fatalement désincarnée. D’autant plus que côté interprétation, Noémie Merlant met du cœur à l’ouvrage mais sa composition est obscurcie par sa partenaire de jeu, une Adèle Haenel qui fait du pur Adèle Haenel, à savoir clamer des dialogues l’air absent et le visage fermé (comme d’habitude).

Reste au final des ambitions lorgnant autant du côté de Jane Campion que de Bergman (sauf que n’est pas ces légendes qui veut) mais qui n’arrivent pas à offrir un terreau suffisamment fertile pour cultiver cette romance historique propre et élégante, traversée de quelques beaux plans de cinéma, mais dont la rigueur esthétique se fait au prix d’une immense lourdeur en soi. A échelle de cinéma, Céline Sciamma est une jeune cinéaste (40 ans) et on ne peut que s’étonner de la voir signer un film aussi ampoulé et flanqué de cette sobriété minimaliste à la grâce intermittente et qui ne fait que rappeler le travail de Benoit Jacquot (72 ans lui). Portrait de la Jeune Fille en Feu est un film qui a beaucoup de choses cachées dans son fond, mais elles sont formulées selon un travail figé de bonne écolière appliquée qui assomme plus qu’il n’envoûte.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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