LICORICE PIZZA de Paul Thomas Anderson : la critique du film

Ce n’est pas le cinéaste le plus prolifique du cinéma américain mais c’est probablement l’un des plus passionnants à suivre. Parce qu’il aime s’emparer de genres codifiés pour tordre le cou aux dits codes qui les définissent. Parce que ses œuvres brillent d’un savant mélange de pop et d’extrême raffinement. Parce que chez lui, un peu comme chez feu Kubrick, chaque plan semble pensé au millimètre, du ton de l’image au son, de la photo à la musique en passant par le cadrage ou la direction d’acteur. Parce qu’on retrouve chez lui une patte, un style unique, proche de celui de Robert Altman et différent à la fois. Aussi parce qu’il a ce don de plonger en profondeur dans des thématiques qu’il creuse de film en film. Cinq ans après son sublime Phantom Thread, Paul Thomas Anderson revient avec Licorice Pizza, une comédie dramatique d’ores et déjà en lice pour briller aux prochains Oscars. « PTA » y raconte la relation entre un adolescent de 15 ans qui s’est fait une petite notoriété dans le cinéma et le théâtre, et une jeune femme de 25 ans, assistante-photographe le jour de la photo de classe. Lui est très charismatique malgré son jeun âge, elle a un caractère bien trempé.

Encore une fois, Paul Thomas Anderson détourne les codes d’un genre pourtant si codifié. Cette fois, c’est le teen movie que le réalisateur retravaille à sa manière, avec son style profondément attaché aux personnages et à leurs cheminements intérieurs. Licorice Pizza (traduire par « pizza à la réglisse ») est une comédie romantique qui nous plonge dans le Los Angeles des seventies avec une tendresse folle qui n’a d’égale que le charme qui enveloppe cette œuvre joliment folle, parfois absurde, mais surtout très incarnée. Incarnée par des comédiens exceptionnels (Cooper Hoffman, fils de Philip Seymour, est une révélation majeure), incarnée par une mise en scène nourrie de fulgurances discrètes, incarnée par une reconstitution majestueuse des années 70’s, incarnée par un regard espiègle et lumineux sur ce chassé-croisé romanesque entre deux personnages, reflets de la fougue juvénile.

Il se dégage de Licorice Pizza une étrange er constante sensation de liberté, comme si PTA avait tourné son film sans attaches, presque en roue libre, avec un profond amusement malicieux. Licorice Pizza est ainsi, fantaisiste, farfelu, surprenant. On pourrait presque dire « brouillon » mais pas dans le mauvais sens du terme, comme si sa joyeuse apparence débraillée était en réalité le fruit d’une maîtrise exceptionnelle sur une farce très pensée où candeur, mélancolie et nostalgie se mêlaient dans une ode à la jeunesse comme promesse d’un avenir aventureux ouvert sur tous les possibles. Et preuve que l’avenir est toujours ouvert, PTA laisse au placard son habituel cynisme caustique pour un optimisme chaleureux qui pope à l’écran comme un bonbon pétillant. Et décidément, le non-sérieux lui va à ravir. Avec Licorice Pizza, le « cérébral » PTA se laisse aller à la légèreté d’un bazar débridé et le résultat est hyper attachant.