LES MUSICIENS de Grégory Magne : la critique du film

Réalisateur peu prolifique, Grégory Magne signe son troisième long métrage après L’air de rien en 2012 et Les Parfums en 2020. Avec Les Musiciens, le cinéaste s’intéresse à la musique classique en racontant l’histoire d’une héritière qui réalise le rêve de son mécène de père aujourd’hui décédé : réunir le temps d’une représentation unique, quatre célèbres Stradivarius jusqu’alors éparpillés aux quatre coins du monde. Mais la concrétisation de cette chimère sera pavée d’embûches. Astrid Thompson (Valérie Donzelli) va devoir lutter contre son frère préoccupé par l’argent que tout cela va coûter, se lancer dans la quête des interprètes, gérer leurs égos, les faire jouer ensemble en harmonie, convaincre le compositeur de la partition prévue de participer à l’aventure…

Souvent surnommée « la grande musique », expression anoblissante qui l’installe en un sens un peu au-dessus de tout le reste, la musique classique donne parfois l’impression d’être un plaisir réservé à une élite bourgeoise instruite. On a tous tellement vu cette image de cinéma clichée où un personnage aisé rentre dans son luxueux appartement et écoute du classique en dégustant son verre de vin rouge. Avec Les Musiciens, Grégory Magne désacralise cette idée reçue que la musique classique est un art hermétique aux profanes qui ne peuvent en comprendre la précision et les subtilités. Très intelligemment, le film nous ouvre les portes du 4ème art et tout en étant pointu dans le traitement de son sujet, Grégory Magne parvient à rendre son portrait accessible et intelligible à tout le monde. Les Musiciens est une passionnante immersion dans le monde de la musique classique actuel, permettant d’en saisir avec simplicité mais intérêt, toute sa complexité, sa minutie, sa puissance.

Mais la grande force du film ne réside pas seulement dans son portrait d’un art majeur. En creux derrière lui, Les Musiciens est un regard porté sur l’art en général et les difficultés à le sublimer. La parabole est assez évidente, tout ce que le film raconte sur la musique classique pourrait être transposé à n’importe quel autre art collaboratif, y compris le cinéma. Au fond, Grégory Magne dresse une étude du processus de création qui doit affronter les obstacles financiers, les égos des vedettes, l’importance de l’harmonie dans une équipe dévouée à un but commun, les imprévus qui peuvent faire tout dérailler, la quête du beau contre la tentation du facile… Et sous couvert d’une fausse petitesse narrative où l’on a l’impression de voir des bouts de ficelles s’accrocher ensemble pour raconter une histoire sans grande envergure, Les Musiciens d’en prendre une grande justement d’envergure. Le film de Grégory Magne aurait pu sonner creux, il n’en est rien.

Emmené par une belle galerie de comédiens incarnant des personnages très bien caractérisés (la rock star de la musique classique pédante ou la jeune influenceuse talentueuse mais méprisée de ses confrères plus traditionnels), Les Musiciens s’impose comme un voyage dans l’art, dans les subtilités de la musique, dans une belle aventure créatrice. Sans donner dans la thèse de musicologie pompeuse mais sans être superficiel non plus, Les Musiciens conjugue avec adresse le simple feel good movie emballant et le regard élaboré porté sur un vrai sujet de fond. Passionnant, enthousiasmant.