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LE PEUPLE ET SON ROI de Pierre Schoeller : la critique du film

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Carte d’identité :
Nom : Le peuple et son roi
Père : Pierre Schoeller
Date de naissance : 2018
Majorité : 26 septembre 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 2h01 / Poids : NC
Genre
: Drame historique

Livret de famille : Louis Garrel, Gaspard Ulliel, Adèle Haenel, Izia Higelin, Céline Salette, Niels Schneider, Denis Lavant, Laurent Lafitte, Olivier Gourmet, Noémie Lvovsky…

Signes particuliers : Des ambitions mais un résultat raté.

IL ÉTAIT UNE FOIS LA RÉVOLUTION FRANÇAISE…

LA CRITIQUE DE LE PEUPLE ET SON ROI

En 1789, un peuple est entré en révolution. Écoutons-le. Il a des choses à nous dire. Un peuple et son roi croise les destins d’hommes et de femmes du peuple, et de figures historiques. Leur lieu de rencontre est la toute jeune Assemblée nationale. Au cœur de l’histoire, il y a le sort du Roi et le surgissement de la République… Naître et mourir sont des expériences extraordinaires. Vivre est un plaisir fugitif.

Au lendemain de son excellent L’exercice de l’Etat, le réalisateur Pierre Schoeller a voulu poursuivre dans le sillon du film politique tout en s’échappant vers autre chose. Comment résoudre ce dilemme artistique ? Tout simplement en parlant de politique mais dans un univers différent, dans un cadre qui permettrait de formuler une nouvelle proposition proche et éloignée à la fois. L’exercice de l’Etat était actuel, adieu le présent et bonjour le passé. Direction 1789 et la Révolution Française, là où ont été bâties les fondations de la politique moderne avec ses bases : liberté, égalité, fraternité. Avec Le Peuple et son Roi, Schoeller signe ainsi un drame qui parle de politique mais aussi d’histoire, à travers une fresque sur plusieurs années, nourrie par de nombreux personnages. D’où son casting pléthorique réunissant énormément de comédiens de renom tels que Gaspard Ulliel, Adèle Haenel, Olivier Gourmet, Izia Higelin, Laurent Lafitte, Noémie Lvovsky, Louis Garrel ou Céline Salette.

Doté d’un budget pharaonique de plus de 30 millions d’euros et d’une distribution à faire pâlir un film choral de Claude Lelouch, Le Peuple et son Roi faisait office de superproduction historique… sur le papier. Car dans le fond, le film de Pierre Schoeller est loin de tout ce que l’on pouvait être en droit de s’attendre. Refusé à Cannes (selon les bruits de couloir parce qu’il était jugé « trop pointu »), Le Peuple et son Roi répond à une démarche aussi courageuse qu’inconsciente eu égard à son statut d’œuvre à très gros moyens. Point de pédagogie retraçant l’histoire de la Révolution, point d’épopée au souffle lyrique, point d’esprit de chronique facilitant le rappel historique, point de reconstitutions impressionnantes, ni de mise en scène au lyrisme classique. Avec Le Peuple et son Roi, Pierre Schoeller voulait conduire le spectateur au cœur de la Révolution, dans ses plus infimes détails, pour illustrer non pas ses batailles et ses mécanismes généraux, mais pour aller débusquer le sentiment qui parcourait les rues de Paris entre 1788 et 1792 : l’espérance. L’ennui avec ce parti pris radical de refuser la pédagogie la plus élémentaire, c’est que le film est effectivement pointu, très pointu, trop pointu. Et si les intentions sont nobles, le résultat a tout d’un futur gros échec programmé tant il pourrait bien ne s’adresser qu’à une élite culturelle. Quand on fait un film d’auteur, on peut comprendre la démarche. A 30 millions d’euros, le bide risque de faire plus mal.

A la découverte du film de Pierre Schoeller, se mêlent des sentiments d’étonnement, d’embarras, de consternation, d’agacement aussi. Si l’on peut saluer le courage des ambitions du projet, au moins autant que la passion d’une poignée de scènes (la vote à l’assemblée sur le sort de Louis XVI) et la beauté renversante de quelques plans travaillés dans un esprit d’obsessionnelle perfection du geste, reste que Le Peuple et son Roi est une déroute, de ce genre de films où l’on sent à l’écran que tout a dérapé en coulisses. Pierre Schoeller semble complètement avalé par son sujet trop ambitieux et son entêtement à vouloir y pénétrer en profondeur en refusant tout didactisme de base, se retourne violemment contre lui. C’est bien d’avoir voulu faire un film intelligent faisant l’impasse sur les poncifs et les généralités Wikipédia. Mais sans les généralités, il n’y a pas de détails. Et sans les généralités, il est difficile d’appréhender le contexte et tout ce qui s’y insère. Le Peuple et son Roi l’oublie trop souvent, s’enfermant dans son extrême précision historique sans jamais penser à offrir les clés de compréhension pour le grand public profane. Plus clairement, Le Peuple et son Roi ne sait pas partir du général pour aller vers le particulier, il va directement au particulier. Erreur monumentale. A moins qu’il ne se destine qu’à un parterre d’historiens spécialisés dans les débats autour de la Révolution et de l’exécution de Louis XVI, Le Peuple et son Roi ne pourra échapper à son prévisible plantage au box office en raison de son côté très excluant.

Mais résumons, en est-on vraiment à reprocher à un film d’avoir voulu faire « trop intelligent » ? Oui et non. Ce n’est pas l’intelligence de l’œuvre qui pose problème mais sa faible accessibilité venant se superposer à une quantité de défauts qui achèvent de faire dérailler le film. Le Peuple et son Roi est confus, tour à tour surchargé ou trop expert dans l’art de l’ellipse, conduit sans aucune rigueur d’écriture, sans aucune vision ni point de vue, avec un montage totalement défaillant et contreproductif et des dialogues capables d’une grande bêtise. Derrière la caméra, Pierre Schoeller multiplie les effets maniéristes et cette propension à se regarder filmer passe vite pour un moyen de masquer l’évidence : dépassé, le cinéaste boit la tasse comme son projet. En cascade, tout va s’écrouler. Aucune construction narrative cinématographiquement sérieuse, aucun ancrage émotionnel pour permettre au spectateur de s’attacher à l’histoire, et encore moins aux personnages dont les allées et venues dans le récit sont gérées sans la moindre cohérence dramaturgique. Au final, en constatant l’ampleur et les raisons de la débâcle, on a l’impression d’assister à une immense fresque historique chorale de quatre heures à laquelle on aurait coupé arbitrairement deux heures pour la rendre plus courte et digeste. C’est la seule explication crédible qui pourrait permettre de comprendre un tel naufrage aussi désordonné qu’imperméable à toute accroche, qui ressemble davantage à un essai d’intellectuel qu’à une œuvre artistique sur la Révolution.

BANDE-ANNONCE :

Par David Huxley

3 thoughts on “LE PEUPLE ET SON ROI de Pierre Schoeller : la critique du film

  1. Je ne comprenais pas les raisons de mon incompréhension du film mais après avoir vu la critique
    Je me rends compte que c est vraiment un exposé historique très précis qui ne nous entraine pas dans une histoire romanesque (même si l auteur s’y essaie vainement ). On reste dans la froideur de l’académisme, on voudrait prendre des notes pour bien comprendre. L’ambiance du film est bien montrées et sentie mais ce n’est pas l’endroit pour se coller sur sa blonde. L’éducation du souffleur de verre est vraiment de trop.

  2. Parfaitement d’accord. Le film m’est apparu « brouillon », ou géré par un réalisateur qui ne sait pas comment donner une clarté, une cohérence à son film. Dommage. de belles images, mais une grande pauvreté de texte. Je ne le conseillerai à aucun de mes amis, notamment ceux passionnés d’histoire. Jean-Paul Gamelin, journaliste honoraire, auteur.

    1. Film intelligent, bien construit, d’une qualité d’image, de lumière remarquable, une brochette d’acteurs connus ou non qui habitent remarquablement les personnages, l’espace.
      Etc…
      Les mauvaises critiques font peine. Sommes nous si crétins?
      « L’insurrection est dans la constitution »
      Regard vers le pouvoir royal actuel.
      Soutenons ce film qui mérite une large diffusion suivie de débats.
      Merci

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