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ARTHUR RAMBO de Laurent Cantet : la critique du film

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Nom : Arthur Rambo
Père : Laurent Cantet
Date de naissance : 2021
Majorité : 02 février 2022
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h27 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Rabah Naït OufellaAntoine ReinartzSofian Khammes

Signes particuliers : Une réflexion passionnante sur la vitesse d’exécution de notre société actuelle. 

ASCENSION ET CHUTE FULGURANTE

NOTRE AVIS SUR ARTHUR RAMBO

Synopsis : Qui est Karim D. ? Ce jeune écrivain engagé au succès annoncé ou son alias Arthur Rambo qui poste des messages haineux que l’on exhume un jour des réseaux sociaux…

Laurent Cantet n’a jamais eu pour habitude de faire des films lisses et creux. Le cinéaste a toujours quelque chose à montrer, ou plutôt quelque chose à raconter, c’est ce qui semble motiver à chaque fois son passage derrière la caméra, c’est comme son essence pour démarrer le moteur. Avec comme particularité de ne jamais condamner, d’être toujours dans un regard sensible et observateur, mais jamais juge ou juré. Cantet montre avec distance mais ne dit rien à titre personnel, il laisse toujours le soin au spectateur de se faire sa propre idée. Quatre ans après L’Atelier, formidable portrait de la France contemporaine et d’une jeune génération perdue qui s’y débat, le réalisateur est de retour avec Arthur Rambo, un drame personnel teinté d’un esprit de film de procès et de thriller psychologique sur une descente aux enfers express. Karim D. est un jeune écrivain engagé pour qui le succès arrive. Mais quand on s’expose médiatiquement, on prend des risques. Pris dans l’ivresse de son ascension, Karim D. voit d’anciens tweets haineux refaire surface. Arthur Rambo ou 48h chrono de la vie d’un homme qui se délite.
« Arthur Rambo »… D’un côté, la finesse d’une plume poétique, de l’autre la violence revêche d’un héros américain en colère. Ce contraste antinomique symbolise tout le film. Arthur Rambo, c’est ce compte Twitter sur lequel Karim D. écrivait les pires horreurs derrière ce pseudo parodique. Mais là où Laurent Cantet est comme toujours très intelligent, c’est qu’il ne juge pas son personnage. Pourtant, c’eût été facile face à ses propos radicaux, racistes, homophobes, antisémites, sexistes… Mais Cantet n’était pas intéressé par un simple portrait en noir et blanc d’un homme méprisable. Ce qui l’intéressait, c’était l’étude d’une ambiguïté. Qui est vraiment Karim D. ? Ce personnage fictif qui sévit sur les réseaux sociaux en poussant la diatribe trash à son paroxysme pour faire réagir ? Ou ce jeune écrivain fraîchement auréolé pour son premier livre, dont l’engagement politique ne date pas d’hier et est reconnu de tous ? Un peu les deux ? Le premier ? Le second ? Ses méfaits numériques sont-ils juste une stupide erreur ou son engagement était-il une façade cachant sa vraie nature ? Le film n’est pas là pour répondre à ces questions, il est là juste pour montrer une chose trop souvent oubliée de nos jours : tout est toujours plus complexe qu’il n’y paraît quand on se donne la peine de creuser. En témoigne le discours intéressant (presque crédible même) que tient Karim D. pour se défendre de ce qu’on lui reproche.
Arthur Rambo est une réflexion sur la complexité de notre monde (l’éternelle ligne directrice de tout le travail du cinéaste depuis toujours), un questionnement passionnant sur le pouvoir des réseaux sociaux, à la fois tribune et tribunal rapides. C’est aussi un questionnement sur la liberté d’expression, son importance et ses limites, sur la propension actuelle à condamner sans appel. 24 heures, il n’en faut pas plus pour que Karim D. soit déboulonné du piédestal sur lequel il se trouvait depuis peu. Les affres d’une société qui va très vite, trop vite. Le nouveau film de Laurent Cantet est en tout cas un film dense, qui exprime plein de choses en peu de temps grâce à un regard aiguisé, une analyse pertinente et une maîtrise totale du récit et de la mise en scène.
Porté par un exceptionnel Rabah Naït Oufella qui décidément n’en finit plus d’épater et mené sur un tempo tendu et percutant souligné par cette palpitante unicité de temps (1h27 ramassant un récit étalé sur seulement 48 heures), Arthur Rambo n’oublie jamais l’intime dans le général et souligne pourtant le général tout en plongeant dans l’intime. Le propos est fascinant, la finesse du saisissement à vif de l’ambiguïté pousse constamment à la réflexion et le film gagne encore plus en épaisseur quand il évoque les dommages collatéraux de la situation qu’il orchestre (inspirée de l’affaire Mehdi Meklat).

 

Par Nicolas Rieux

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