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ANATOMIE D’UNE CHUTE de Justine Triet : la critique du film [Cannes 2023]

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Nom : Anatomie d’une chute
Mère : Justine Triet
Date de naissance : 2022
Majorité : 23 août 2023
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 2h30 / Poids : NC
Genre : Drame, Judiciaire

Livret de Famille : Sandra HüllerSwann ArlaudMilo Machado Graner, Antoine Reinartz…

Signes particuliers : Fin, intelligent, fascinant, une Palme d’Or crédible.

Synopsis : Sandra, Samuel et leur fils malvoyant de 11 ans, Daniel, vivent depuis un an loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte. Sandra est bientôt inculpée malgré le doute : suicide ou homicide ? Un an plus tard, Daniel assiste au procès de sa mère, véritable dissection du couple.

 

AUTOPSIE D’UN COUPLE

NOTRE AVIS SUR ANATOMIE D’UNE CHUTE

De La Bataille de Solférino à Sybil en passant par Victoria, la réalisatrice Justine Triet n’est cessée de s’évertuer à monter en puissance en imposant un style personnel et ambitieux, avec le risque de sombrer dans parfois dans une forme de verve pompeuse. C’est finalement en revenant vers l’épure la plus clinique qu’elle signe son meilleur film à ce jour. Dans Anatomie d’une chute présenté en compétition officielle à Cannes, Justine Triet y présente la dissection complète de la vie d’un couple à travers le procès de l’épouse au lendemain de la mort mystérieuse de son mari. Meurtre ou suicide ? Les jurés devront se prononcer et pour cela, balayer, disséquer, analyser, une vie. Mais tout peut-il être résumé à des bribes d’existence à travers des faits isolés, de surcroît anglés pour servir un argumentaire ? Avec son drame judiciaire, Justine Triet signe un film passionnant sur les concepts de nuances et de perception.
On aurait pu s’inquiéter de l’incapacité du film à aller plus loin que sa propre histoire. Mais en substance, Justine Triet ne remue pas du vide et son Anatomie d’une chute ne se limite pas à la simple chronique d’un fait divers. Le film est surtout le prétexte d’une étude démontrant que toute vérité humaine est plus complexe que sa seule présentation factuelle. Il y a un contexte, un passé, un présent, une projection vers le futur. Le principe même du « factuel » dépend parfois de bien des paramètres et tout argument est le fruit d’une réflexion nichée dans l’interprétation. Outre son scénario parfaitement ciselé qui nous tient en haleine jusqu’au dénouement (avec la question l’a t-elle tué ?) au passage imagé au cordeau selon les lois d’une mise en scène très précise, Anatomie d’une chute est ainsi une démonstration remarquable s’interrogeant sur la notion de prisme. La dissection chirurgicale de la vie de ce couple en difficulté expose des situations générales ou intimes et chacune se voit tiraillée au centre de débats montrant l’importance de la reconnaissance du prisme du regard, car on peut tout faire dire à un « fait » sorti de son contexte. Très actuel à l’heure de la justice expéditive où tout est jugé trop vite, souvent avec une effrayante méconnaissance du tableau complet des tenants et des aboutissants (voir les réseaux sociaux et leurs jugements lapidaires), Anatomie d’une chute rappelle que tout jugement doit se méfier des dangers de l’interprétation.
Contrairement à Sybil dont l’imagerie arty-chic seyait bien mal à ses prétentions bancales, Justine Triet épouse cette fois une sobriété qui rend son drame d’une limpidité magistrale. Délesté de toutes démonstrations esthétiques vaines, presque documentaire dans son approche formelle, Anatomie d’une chute s’offre dans la pureté stylistique la plus totale pour mieux laisser parler son cœur battant. Triet s’efface derrière son récit et livre un grand film, contrepoint du Anatomie d’un crime de Preminger auquel le titre fait référence. Ici, point d’enfermement dans l’espace clos du tribunal. Anatomie d’une chute s’aére, respire, tâtonne, explore, dedans, dehors, en surface, en profondeur. L’analyse brute de ce couple vacillant est également l’occasion d’un puissant portrait de couple autopsié, de femme bousculé, d’un mort analysé, d’un enfant perdu. Porté par des comédiens exceptionnels, notamment une Sandra Hüller qui réalise un épatant combo cannois (avec The Zone of Interest de Jonathan Glazer, également en compétition), Anatomie d’une chute est l’un des grands films de cette année 2023, quelque part entre la chronique judiciaire, le drame bouleversant et le thriller haletant.

 

Par Nicolas Rieux

3 thoughts on “ANATOMIE D’UNE CHUTE de Justine Triet : la critique du film [Cannes 2023]

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