La Mondo-Note :
Carte d’identité :
Nom : Selfie
Pères : Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Tristan Aurouet, Cyril Gelblat, Vianney Lebasque
Date de naissance : 2019
Majorité : 08 janvier 2020
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h58 / Poids : NC
Genre : Comédie satirique
Livret de famille : Blanche Gardin, Manu Payet, Julia Piaton, Elsa Zylberstein, Max Boublil, Finnegan Oldfield…
Signes particuliers : Un bon potentiel gâché.
PORTRAITS D’HOMO NUMERICUS AU BORD DE LA CRISE DE NERFS
NOTRE AVIS SUR SELFIE
Synopsis : Dans un monde où la technologie numérique a envahi nos vies, certains d’entre nous finissent par craquer. Addict ou technophobe, en famille ou à l’école, au travail ou dans les relations amoureuses, Selfie raconte les destins comiques et sauvages d’Homo Numericus au bord de la crise de nerfs…
On a tous appris les bases de l’évolution à l’école, l’australopithèque, l’Homo Habilis puis Erectus, l’homme de Neandertal et enfin l’Homo Sapiens. Depuis quelques temps, et non sans humour sociétal, un nouveau terme est apparu : « l’Homo Numericus ». Ou une sorte de prolongement imaginaire voyant dans l’arrivée des nouvelles technologies, une nouvelle étape de l’évolution humaine. Selfie est un film à sketches s’emparant de cette thématique pour philosopher, au détour des destinées tragicomiques de quelques « spécimens », sur l’emprise des nouvelles technologies et des réseaux sociaux sur l’espèce humaine d’aujourd’hui. Réalisé collégialement par cinq cinéastes et réunissant pléthore de comédiens (Blanche Gardin, Manu Payet, Julia Piaton, Elsa Zylberstein, Max Boublil, Finnegan Oldfield), Selfie compile donc cinq histoires qui s’entrecroisent pour brosser un tableau mordant des dérives technologico-numériques modernes.
Selfie partait d’une très bonne idée thématique pour avancer sur le terrain de la satire contemporaine féroce. Le concept du film à sketches était en revanche son principe danger, le registre étant réputé pour être sacrément casse-gueule et généralement cause d’inégalités fossoyeuses entre les segments. Étonnement, c’est sur le plus gros piège dans lequel il pouvait se vautrer que Selfie réussit le mieux. Chacun des sketches qui composent le film se révèle à la fois hilarant, pertinent et bien senti. Tous ont un mordant dès plus délicieusement cynique qui permet de croquer avec appétit le sujet attaqué à bras le corps. L’humour noir, le tragique, le cynisme jouissif et le loufoque grinçant sont les ingrédients qui servent de carburant pour alimenter cette farce sociétale impertinente où l’on retrouve des parents d’un enfant malade dépassés par la réussite de leur vlog, un jeune homme pris dans un engrenage surréaliste pour séduire une fille sur un site de rencontre, une prof de lettres qui succombe à l’addiction à Twitter, un cadre sup qui se fait bouffer la vie par l’algorithme d’un site d’achat en ligne…
Selfie brocarde l’omniprésence du numérique avec inspiration, imaginant des situations fantaisistes aussi drôles que cruelles dans des farces très pince-sans-rire. Le concept du film à sketch était bien vu, les idées à la base de chaque sketch étaient bonnes, l’ironie fonctionne à plein régime et l’on manque de peu d’être totalement séduit par cette entreprise piquante, pas loin de rappeler Black Mirror en version comédie délirante. Malheureusement, si l’édifice tient debout grâce à des fondations résistantes, il va néanmoins être trop fortement ébranlé au point de s’écrouler malgré ses bonnes idées et intentions. En cause, sa structure et son ficelage extrêmement mal pensés et le choix de s’être restreint à cinq sketches longuement développés. La plupart traînent ainsi en longueur et vont bien au-delà du point culminant de leur efficacité. Exemple parfait, ce premier segment avec Blanche Gardin et Maxence Tual en couple émouvant faisant face à la maladie de leur enfant et racontant leur histoire dans un vlog. Petit à petit, ils finissent par devenir victime de leur envie d’avoir toujours plus de followers jusqu’à venir flirter avec un cynisme dès plus abominable. Point, le sketch était parfait ainsi, drôle, cruel, acerbe, ironique. Le tort est d’avoir voulu le faire revenir encore et encore pour ajouter une « suite » à l’histoire au risque de tomber dans la poussivité et la lourdeur. Chaque segment va alors connaître le même sort, cette erreur de la rallonge permanente et de l’entrecroisement qui pousse le film à dévier du film à sketches vers le film choral inefficace. Selfie aurait gagné à offrir davantage de sketches plus courts au lieu de se limiter à ces cinq-ci en les étirant jusqu’à l’ennui en leur faisant perdre de leur essence. Au lieu de faire dans le concentré de mordant, le film s’auto-plombe. Dommage car pris indépendamment, Selfie est une compilation de très bonnes idées. Mais l’ensemble finit par devenir fort ennuyeux alors que l’édifice s’élève à près de deux heures.
BANDE-ANNONCE :
Par Wilfried Rennahan