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CASSANDRE d’Hélène Merlin : la critique du film

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Nom : Cassandre
Mère : Hélène Merlin
Date de naissance : 02 avril 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h43 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Billie BlainZabou BreitmanEric Ruf, Florian Lesieur, Guillaume Gouix…

Signes particuliers : Pour son premier film, Hélène Merlin fait tout bien.

Synopsis : Été 1998. Campagne. Cassandre a 14 ans. Dans le petit manoir familial, ses parents et son frère aîné remarquent que son corps a changé. Heureusement, Cassandre est passionnée de cheval et intègre pour les vacances, un petit centre équestre où elle se fait adopter comme un animal étrange. Elle y découvre une autre normalité qui l’extrait petit-à-petit d’un corps familial qui l’engloutit…

 

UN PREMIER FILM PUISSANT ET BOULEVERSANT

NOTRE AVIS SUR CASSANDRE

En 2018, Andréa Bescond signait Les Chatouilles, un drame choc qui abordait frontalement son trauma d’enfance face à la pedophilie quand, petite, elle avait été victime des mains d’un ami de ses parents. Sept ans plus tard, la jeune réalisatrice Hélène Merlin livre à son tour un drame inspiré de son histoire personnelle, un premier long-métrage également, qui évoque cette fois les ravages du viol et de l’inceste dans un microcosme familial hautement toxique. Deux films évidemment comparables, pour un résultat un poil différent. Là où Andréa Bescond accouchait d’une œuvre bouleversante mais pas forcément toujours convaincante, Hélène Merlin signe un petit bijou dont la beauté et la puissance n’ont d’égale que l’intelligence avec laquelle la cinéaste a mené son exorcisation d’une blessure psychologique profonde.

1998, Cassandre est une adolescente qui grandit dans une famille bourgeoise aux nombreux travers, un père dur et autoritaire, une mère trop extravertie, un frère un peu trop proche… Dans ce contexte abusif, Cassandre essaie de garder l’équilibre. Lors d’un stage équestre estival, elle découvre une autre normalité que la sienne et commence à prendre conscience de ce qui ne va pas chez elle…
On redoutait l’oeuvre archétypale et si symbolique d’un cinéma français qui aime à l’excès les drames lourds portés par des schémas lourds aboutissant à des films lourds à la noirceur et au pathos incommensurable. Si Les Chatouilles a pu marquer les esprits par la force indéniable de son récit au sujet révoltant, le film d’Andréa Bescond ne s’étouffait pas dans la finesse de son approche. Tout le contraire du long-métrage d’Hélène Merlin qui décortique avec minutie et sagacité des mécanismes broyeurs. C’est avec une extrême subtilité que la cinéaste ausculte cette famille dysfonctionnelle dont les travers s’affichent d’abord dans des détails troublants, puis dans des malaises qui figent certaines scènes, avant que le malsain ne s’installe en profondeur et que le terrible éclate. Avec Cassandre (le choix du prénom/titre ne doit rien hasard), Hélène Merlin dresse un portrait de famille qui soulève des sujets difficiles, les violences physiques, psychologiques et sexuelles qui peuvent traumatiser une enfance et détruire une vie. Mais là où la metteur en scène est doublement intelligente, c’est qu’elle ne s’enferme pas dans un film plombé par une ambiance asphyxiante. Cassandre n’est pas un auto-apitoiement cinématographique. Au contraire, Hélène Merlin imagine son travail en recourant aux codes du conte, certes le conte est noir et parfois difficile, mais il ne bascule pas dans l’anxiogène car la finalité mène à la vie, à l’espoir. C’est un élan libérateur que donne à voir Cassandre à travers le parcours de cette adolescente qui va progressivement réaliser que sa normalité qu’elle a toujours connue n’est pas la vraie normalité qui existe là-dehors, loin de son immense maison cossue. Bouleversante, sa Cassandre va apprendre à s’équiper d’armes pour se dresser contre ce qu’elle subie, et peut-être riposter.

Évitant les clichés et les caricatures, Cassandre est une impressionnante réussite. Un film fort et puissant traversé de scènes d’une justesse saisissante, dans l’enfer comme dans l’espoir. Les talents se conjuguent à tous les étages pour formuler une proposition remarquable. Comme la mise en scène d’Hélène Merlin à la fois subtile, simple ou symbolique (les magnifiques transitions poétiques avec les poupées de bois désarticulées représentant son héroïne manipulée). Comme la profondeur des personnages écrits avec soin, d’un père militaire qui reporte avec dureté sur ses enfants ses propres échecs à une mère hors-sol qui ne prend jamais conscience des choses en passant par un frère qui cherche en sa sœur, un moyen de soumettre quelqu’un pour compenser l’écrasement psychologique que lui impose un père tyrannique. Dès que Cassandre croise la route de personnes « normales », elle n’a pas les codes pour interagir après avoir été formatée par la violence psychologique de son microcosme familial parfois aimant, parfois étouffant ou insoutenable. Il fallait de sacrés bons interprètes pour incarner tout ça. Merlin les a trouvés avec une exceptionnelle Billie Blain (vue dans Le Règne Animal) qui incarne avec nuances et conviction bouleversante cette forte et fragile Cassandre, un Eric Ruf saisissant en figure paternelle excessive, une Zabou fascinante en mère déconnectée ou un Florian Lesieur inquiétant en frère si malaisant. Quel film ! Quelle claque !

 

 

Par Nicolas Rieux

One thought on “CASSANDRE d’Hélène Merlin : la critique du film

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