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UNE ENFANCE ALLEMANDE – ÎLE D’AMRUM 1945 de Fatih Akin : la critique du film

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Spectateurs

Nom : Amrum
Père : Fatih Akin
Date de naissance : 24 décembre 2025
Type : sortie en salles
Nationalité : Allemagne
Taille : 1h33 / Poids : NC
Genre : Biopic, Drame, Guerre

Livret de Famille : Jasper BillerbeckLaura TonkeDiane Kruger

Signes particuliers : Un très beau film.

Synopsis : Printemps 1945, sur l’île d’Amrum, au large de l’Allemagne. Dans les derniers jours de la guerre, Nanning, 12 ans, brave une mer dangereuse pour chasser les phoques, pêche de nuit et travaille à la ferme voisine pour aider sa mère à nourrir la famille. Lorsque la paix arrive enfin, de nouveaux conflits surgissent, et Nanning doit apprendre à tracer son propre chemin dans un monde bouleversé.

LE TEMPS DE L’INNOCENCE

NOTRE AVIS SUR UNE ENFANCE ALLEMANDE

Sur ces derniers longs métrages, Fatih Akin a parlé de la vengeance désespérée d’une mère qui a perdu mari et enfant dans un attentat (In The Fade), d’un tueur en série qui traque des femmes la nuit dans Hambourg (Golden Glove) et de la trajectoire violente d’un ancien criminel et trafiquant de drogue (Rheingold). Peut-être avait-il envie d’un peu de calme, juste d’une belle histoire, moins traumatique. Bon… il a choisi la Seconde Guerre Mondiale… côté allemand. Périlleux et pas forcément « léger » sur le papier. Une Enfance Allemande – l’île d’Amrun 1945 ne respirait encore pas la joie et tout portait à croire que l’expérience allait être une nouvelle fois difficile. Étonnamment, non. Malgré le contexte. Malgré la dureté de certaines ombres de l’histoire. Malgré le malaise généré par certaines situations. Basé sur les souvenirs d’enfance du comédien et auteur Hark Bohm, qui a coécrit le scénario du film avec Akin, Une enfance allemande (on ne répétera pas le titre à rallonge à chaque fois) pose son récit sur l’île allemande d’Amrum en 1945, quelques jours avant la mort d’Hitler et alors que le Reich est en train de vaciller. Le jeune Nanning, 12 ans, vit une enfance plutôt heureuse malgré les difficultés du quotidien et les pénuries alimentaires. Pour faire plaisir à sa mère déprimée par la défaite de l’Allemagne qui se profile, Nanning se lance dans une folle mission, trouver du pain blanc, du beurre et du miel, pour lui faire des tartines. La seule chose qui semblerait pouvoir lui redonner un peu le sourire et le goût de manger. Sauf que ces trois choses sont introuvables en ces temps de disette et de capitulation.

Loin des drames historiques douloureux et anxiogènes qu’inspirent généralement les œuvres sur la Seconde Guerre Mondiale, Fatih Akin parvient à composer avec la dureté de son sujet pour en tirer une sorte de conte initiatique sur l’innocence et les illusions de l’enfance. Comme une version de Jojo Rabbit sans la folie et l’humour de Taika Waititi. Bercé de tendresse et de douceur, Une enfance allemande raconte avant tout l’amour d’un gamin pour sa mère et son inconscience de l’horreur qui se joue alors en Europe. Nanning fait pourtant partie des jeunesses hitlériennes, car on l’y a inscrit. Il croit ce que disent les adultes sans vraiment comprendre le concept de l’embrigadement, les idéaux et la machine de mort en marche sur le continent. Pour lui, la fin de la guerre ne signifie qu’une chose, son papa va peut-être enfin rentrer à la maison. C’est tout ce qu’il voit, c’est tout ce qu’il s’imagine du haut de sa petite douzaine d’années sur son île loin des ravages sanglants et sordides perpétrés sur le continent. Au fil d’une étonnante aventure, il va prendre conscience de certaines choses. La guerre n’est pas qu’une notion abstraite qu’il appréhende de loin. La guerre, c’est la privation, la peur et des destins brisés.

Sublimé par les décors de l’île d’Amrum filmés avec une forme de poésie tragique par Fatih Akin, Une enfance allemande nous emporte dans le superbe récit d’un apprentissage. Petit à petit, les illusions du jeune Nanning s’effondrent, son petit monde bourgeois fait de même. Et le film de creuser en fond, des questions allant de l’exil au sentiment d’appartenance en passant par la quête identitaire et le pouvoir de la propagande (incarnée par sa mère, fervente partisane du Reich). Des thématiques chères à Akin depuis toujours. Ici, c’est à travers ce gamin qui a dû fuir Hambourg avec sa mère, son frère et sa tante, pour se réfugier dans la maison de villégiature sur l’île d’Amrum. Il est loin de chez lui et fait face à la méfiance des insulaires à son égard car « il n’est pas d’ici ». Dans ce cadre, Nanning (très bon Jasper Billerbeck) va se construire, ou plutôt se déconstruire pour mieux se reconstruire plus tard. Et Fatih Akin de signer un très beau drame aux allures de fresque romanesque bouleversante où la lumière jaillit dans un contexte crépusculaire. Un film surtout bien plus profond que ne le laisse entendre sa facture assez conventionnelle.


Par Nicolas Rieux

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