Au menu du ciné-club ce samedi, Terreur sur le Britannic et son casting 5 étoiles, quatre films de René Clair et le méconnu La Nuit des Juges de Peter Hyams !
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TERREUR SUR LE BRITANNIC
De Richard Lester – 1974
Genre : Thriller – USA
Avec : Richard Harris, Omar Sharif, David Hemmings, Ian Holm, Anthony Hopkins, Shirley Knight, Rory Kinnear…
Le 02 octobre en combo Blu-ray/DVD collector chez Wild Side
Synopsis : Alors que le paquebot Britannic vient de commencer sa croisière sur l’Atlantique, un homme se faisant appeler Juggernaut prétend avoir piégé tout le bateau et réclame une rançon de 500 000£ dans les 22 heures qui suivent. Devant l’urgence de la situation et un océan déchaîné qui rend impossible l’évacuation, Scotland Yard dépêche à bord un commando d’élite de démineurs…
Un titre accrocheur (en français du moins), un pitch efficace laissant augurer un thriller palpitant, un postulat catastrophe pour le renforcer, un casting 5 étoiles cumulant les talents et enfin un metteur en scène reconnu pour son savoir-faire (à défaut d’être brillant)… Terreur sur le Britannic avait pas mal d’arguments plaidant en sa faveur. Sorti au beau milieu de la grande époque du cinéma catastrophe où l’on aimait terrifier les foules en imaginant le pire sur terre, en mer ou dans les airs (Earthquake, L’Aventure du Poséidon ou les Airport), Terreur sur le Britannic était le représentant britannique du genre sur le papier. Mais sur le papier seulement, car si l’on en parle souvent comme d’un « film catastrophe » et s’il surfait sur la vague dans les années 70, le film de Richard Lester se révèle vite être bien plus un thriller qu’autre chose. Un thriller semi-réussi, capable de séquences fomentant un germe de suspens haletant, lequel ne demandait qu’à pousser pour prendre vraiment le spectateur à la gorge. Malheureusement, il ne sera jamais suffisamment arrosé pour bien grandir. Un peu trop plat, payant ses prises de risques visant réalisme et sobriété au risque de donner une impression d’étrange nonchalance dans le rythme comme dans la mise en scène, et gérant fort mal tant son aspect choral que sa narration ou sa dynamique oppressante, Terreur sur le Britannic finit par végéter dans un semi-ennui et laisse regarder d’un œil intrigué, plus que réellement captivé. Trop faible pour vraiment convaincre.
Artistiquement en revanche, on pouvait faire confiance aux spécialistes de chez Wild Side pour éditer une galette digne de ce nom. Déjà, elle étoffe le film là où l’ancienne édition DVD de la MGM était d’une pauvreté totale avec aucun supplément pour l’agrémenter. Malgré ses limites quantitatives (un seul vrai bonus inédit), Wild Side offre néanmoins l’édition la plus fournie jamais proposée. Aux côtés du film, la traditionnelle bande-annonce d’origine, et surtout une conséquente intervention du journaliste-réalisateur Nicolas Saada qui décrypte l’œuvre de Lester. Il resitue le cinéaste (en n’oubliant pas de rappeler que Soderbergh himself le considère comme l’un de ses maîtres), évoque ensuite la genèse et le tournage, commente quelques séquences clés, et ne manque pas de souligner les qualités du métrage, de sa recherche de réalisme à son étonnante sobriété anticonformiste. Techniquement, c’est l’effort d’authenticité qui brille. Côté « image », la beauté visuelle fait oublier la piteuse version DVD jusqu’ici connue en France tout en respectant fortement la facture du film, son grain, son piqué, sa colorimétrie volontairement grisâtre. Côté « son », le DTS HD Master Audio Mono 1.0 de la VO et surtout le Dolby Digital Mono de la VF d’époque assurent un rendu au dynamisme inattendu. En bref, une bonne édition d’un film mineur.
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QUATRE CLASSIQUES DE RENÉ CLAIR
De René Clair (entre 1924 et 1947)
Genre : Comédies – France
Avec : Maurice Chevalier, François Périer, René Saint-Cyr, Henri Rollan, Max Dearly…
Sortie en Blu-ray (versions restaurées) le 23 octobre 2019
Pathé poursuit sa campagne de restauration des précieux trésors de son immense patrimoine et s’intéresse cette fois-ci à René Clair, grand artisan du cinéma français des années 20 à 60 malheureusement trop souvent sous-estimé en dehors des cercles cinéphiles. Pourtant, René Clair signa plusieurs classiques du cinéma hexagonal, voire du cinéma tout court. On pense d’emblée à son fabuleux A Nous la Liberté (1931) qui marqua toute une génération et devînt un symbole de la jeunesse intellectuelle de son temps. Encore aujourd’hui, le film est étudié dans les grandes facultés de cinéma. On peut aussi évoquer son chef-d’œuvre Sous les toits de Paris, ou bien Le Million qui inspira très fortement le Une Nuit à l’opéra des Marx Brothers. Ou encore son magnifique 14 Juillet. Mais parce que l’œuvre de René Clair est grande, ce sont quatre autres films qui sont ici à l’honneur.
Un premier Blu-ray réunit les deux courts-métrages qui ont lancé sa carrière en 1924 et 1925 : Entr’acte et Paris qui Dort. Deux bijoux, surtout Entr’acte, sorte d’incroyable geste dadaïste réalisé sans scénario et qui mélange effets spéciaux incroyables et scènes burlesques à mourir de rire. Paris qui dort, lui, est une fable poétique et burlesque dans laquelle Clair continue d’expérimenter le jeune langage du cinéma et ses possibilités. Avec des accents surréalistes, le film est alors une étonnante prouesse novatrice. Autre film à l’honneur de cette série de restaurations, Le Dernier Milliardaire, comédie satirique avec Max Dearly et Renée Saint-Cyr sortie en 1934, dans laquelle une principauté au bord de la faillite voit dans la visite de l’homme le plus riche du monde, un moyen de se sauver. Mais quand ce Monsieur Banco reçoit un coup sur la tête, il perd la raison… Une pépite dans laquelle René Clair clame son amour de la comédie et démontre tout son sens du rythme et sa verve cinématographique, même si le résultat pourra paraître un peu désuet par manque de folie. Avec Le Dernier Milliardaire, René Clair abandonnait le réalisme poétique qui avait jusqu’alors marqué sa filmographie et signait un film dans l’air du temps, évoquant l’horizon social et politique de l’époque à travers une critique du totalitarisme. Dernier long-métrage à paraître, Le Silence est d’or, superbe retour au cinéma français du cinéaste après son exil américain durant l’occupation. René Clair nous y plonge dans les coulisses d’un tournage de film muet et nous régale entre gags et romance via un triangle amoureux impliquant l’illustre Maurice Chevalier, François Périer et Marcelle Derrien. Probablement l’une de ses plus belles réussites.
Outre une image éclatante, fruit d’une restauration minutieuse qui offre une nouvelle vigueur à ses « vieux films d’un autre temps », chaque Blu-ray adjoint aux films de passionnants entretiens décryptant le travail de René Clair. Également sur les éditions du dernier Milliardaire et du Silence est d’or, un portrait du cinéaste exhumé des Actualités Pathé. Bref, quatre galettes à avoir !
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LA NUIT DES JUGES
De Peter Hyams – 1983
Genre : Thriller – USA
Avec : Michael Douglas, Hal Holbrook, Yaphet Kotto…
Le 1er octobre en DVD et Blu-ray steelbook
Synopsis : Jeune et idéaliste, le juge Harlin est contraint d’acquitter un criminel. Il se confie au juge Caulfield, et se plaint de l’impuissance de la justice. Celui-ci lui avoue la création d’un tribunal clandestin, qui liquide ces meurtriers innocentés trop facilement lors de leurs jugements.
1983, Peter Hyams signe La Nuit des Juges, un thriller qui lui permet d’évacuer le semi-échec de son ambitieux Outland. Au casting, Michael Douglas fait son grand retour à l’écran après trois années d’absence dues à un grave accident de ski. Mésestimé (voire méconnu), La Nuit des Juges sera pourtant l’un des meilleurs films du cinéaste. A travers l’histoire d’un jeune juge idéaliste qui fait l’expérience de l’injustice de la justice, Hyams dresse un portrait critique du fonctionnement de l’appareil judiciaire américain, célèbre pour ses verdicts parfois si aberrants qu’ils en deviennent tristement drôles. Plutôt efficace et captivant, La Nuit des Juges fonctionne habilement sur ses deux niveaux mélangeant les tons. D’un côté, le thriller avec son histoire de tribunal secret où des robes noires rejugent les affaires où tout s’est passé en dépit du bon sens, avant d’appliquer leurs sentences via un tueur à gage. De l’autre, le portrait d’une justice avec ses limites, où tout le monde est coupable des dysfonctionnements. Reste qu’avec un sujet aussi fort, le film aurait pu être bien plus marquant mais Hyams conduit son affaire avec savoir-faire… mais aussi avec un certain didactisme un peu simplet, sans jamais lui injecter la profondeur et la grandeur qu’il aurait pu réclamer.
Fort d’un nouveau master restauré, cette réédition de La Nuit des Juges a de solides arguments techniques à faire valoir pour faire bonne figure dans une vidéothèque de cinéphile. L’édition éditée par L’Atelier D’images est de très bonne facture, avec une image qui retrouve hardiesse et couleurs. Côté son, il faudra se contenter d’un 2.0 en VF mais la VOST offre un 5.1 efficace qui fait bien illusion. Aux côtés du film, deux suppléments. On passera vite sur la bande-annonce d’époque pour s’attarder surtout sur la présentation/analyse du film par l’ami Philippe Guedj (journaliste cinéma au Point Pop). Durant 52 minutes, il décortique le film et son mélange des genres, le resitue dans la carrière de Hyams (en le reliant notamment à Capricorn One et Outland) avant de parler autant du casting que de sa (fabuleuse) photo. Son œil expert et passionné offre un bel éclairage sur un film trop souvent oublié.
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Par Nicolas Rieux