Huitième numéro de notre nouveau rendez-vous « ciné-club » du samedi. Le « Wall Ciné Pictures » c’est un coup de projecteur hebdomadaire sur trois films, anciens ou récents, connus ou méconnus, d’un horizon à un autre. Histoire de se balader ensemble dans l’incroyable vivier du septième art et peut-être, de vous donner des idées ou envies, de voir ou revoir tout un tas de films ! Escale n°8, focus sur un classique de l’horreur transalpine, un Cassevetes qui ne lui ressemble pas, et peut-être le seul bon film de l’allemand Uwe Boll.
OPÉRATION PEUR
De Mario Bava – 1966 – 1h23
Genre : Épouvante – Italie
Avec : Giacomo Rossi-Stuart, Piero Lulli, Erika Blanc, Fabienne Dali…
Synopsis : Quelle est la terrible malédiction qui pèse sur ce joli petit village ? C’est ce que doit découvrir le Dr. Eswai appelé à l’aide par l’inspecteur Kruger, impuissant devant une vague de mort frappant les villageois. Aidés par une sorcière, ils vont progressivement comprendre que ces morts atroces sont intimement liées au décès d’une jeune enfant. Entre manipulation et vengeance d’outre-tombe, l’horrible vérité va éclater au grand jour…
Chef-d’œuvre méconnu de Mario Bava tourné en 1966, Opération Peur conjugue horreur gothique à l’anglaise et épouvante baroque à l’italienne, dans un bijou nous entraînant dans un village isolé où règne une malédiction surnaturelle sur fond de fantôme vengeur. Monument virtuose recyclant des schémas éculés mais transcendés par la maestria et la poésie du lugubre d’un Bava au sommet de son art, on passera vite sur les quelques défauts typiques de la période (quelques décors à l’artificialité kitsch, jeu des acteurs en délicatesse, léger abus du zoom) pour en venir au fait. Le cinéaste insuffle une atmosphère lourde, pesante et angoissante, tout au long de cette balade dans ce patelin mystérieusement austère, dont l’étrangeté est incarnée par la beauté ténébreuse des couleurs et des lieux. Opération Peur fait partie de ces pépites italiennes immanquables qui ont forgé la grandeur du cinéma de genre transalpin. La beauté de Fabienne Dali n’est que la cerise sur le gâteau, accompagnant quelques visages connus des amateurs, tels que Giacomo Rossi-Stuart ou Erika Blanc.
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GLORIA
De John Cassavetes – 1980 – 2h03
Genre : Drame, Thriller – USA
Avec : Gena Rowlands, John Adames, Buck Henry…
Synopsis : Une femme hérite d’un jeune garçon que son père, traqué par la mafia, lui confie. D’abord réticente, elle fera finalement tout pour sauver l’enfant pourchassé.
Gloria, ou l’antépénultième long-métrage d’un John Cassavetes qui le considérera comme un « accident » malgré le Lion d’Or remporté à Venise. S’il l’avait pu, Cassavetes aurait même effacé cette expérience qui ne lui ressemblait pas. Film de commande accepté pour se renflouer après deux revers douloureux, Gloria marquait une énième collaboration avec sa muse Gena Rowlands après Shadows, Faces, Une Femme sous Influence ou Opening Night… Surtout, il marquera sa seule incursion hors de son indépendance, production de studio loin de son art intimiste, loin aussi de ses méthodes de travail où régnait l’improvisation. Un chemin de croix pour l’auteur contraint. Et pourtant, toute la beauté de la chose est de voir à quel point le génie des grands artistes trouve toujours un chemin pour s’exprimer. Buddy-movie réunissant une femme (qui n’aime pas les enfants) et un gamin qu’elle va devoir sauver des griffes de gangsters, Gloria traverse le drame, le thriller, le film de course-poursuite, voire d’action. Malgré l’étroite marge de manœuvre dont il aura disposé, Cassavetes aura su rendre son film différent, loin des productions aseptisées d’un Hollywood qu’il méprisait. Semi-commercial, semi-film d’auteur, Gloria a beau être un exercice « différent » dans la carrière de son auteur, il n’en demeure pas moins une œuvre transcendant sa raison d’être, bouleversante, drôle, brutale, sans concessions, dans les images comme dans les émotions ou les contrastes, le tout sublimé par la grâce, la sensibilité et l’humanité à fleur de peau chère à Cassavetes. Un film qu’il reniera mais pas nous, car sans s’en rendre compte, il aura su tirer le meilleur de son soi-disant « échec », remaké en 1998 par Sidney Lumet.
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RAMPAGE
De Uwe Boll – 2009 – 1h25
Genre : Drame, Action – Allemagne, Canada
Avec : Brendan Fletcher, Shaun Sipos, Michael Paré…
Synopsis : Un jeune désoeuvré, aigri par les frustrations quotidiennes, entre en rébellion contre la société. Il entreprend de se confectionner une armure et de rassembler un arsenal de guerre. Son but: une fusillade en pleine rue grâce à laquelle il réglera ses comptes. Qui pourra l’arrêter ?
Uwe Boll. Rien que le nom fait rire. Mais au milieu d’une filmographie ahurissante de médiocrité, on retiendra une réussite à l’actif du teuton bisseux : Rampage. Probablement son seul bon film à ce jour. Péloche nerveuse et hardcore foutrement rentre-dedans, Rampage, c’est un peu le Elephant de Gus Van Sant sans la prétention et la lourdeur du symbolisme du cinéaste américain. Après avoir collectionné les prix dédiés aux navets, le germanique taré a pris ses responsabilités pour montrer de quoi il était réellement capable. Uppercut fracassant qui cloue par sa violence et son impact glaçant, Rampage attaque avec mordant son histoire de croisade sanglante commise par un ado déséquilibré, qui s’équipe patiemment d’armes et de munitions avant de commettre un véritable carnage dans sa petite ville très tranquille. Le style est extrême, percutant, certes sensationnaliste et démonstratif, mais Rampage fait l’effet d’un choc, renvoyant à une actualité de plus en plus horrifiante. Portrait d’un jeune aigri, frustré, désœuvré, en guerre contre la société qu’il ne comprend pas et qui ne le comprend pas, ce drame d’action désarçonne par sa radicalité. Et si tout n’y est pas parfait, Boll s’applique au moins dans ses bases, avec notamment un personnage de psychopathe intéressant, ambigu. Alors oui, la finesse n’est pas toujours au rendez-vous, on ne change pas du jour au lendemain, mais voilà une série B frontale, qui prouve que Uwe Boll peut être plus intelligent qu’il n’y paraît, qu’il peut en tout cas mieux faire que ce qu’il montre depuis des lustres.
A samedi prochain !
Par Nicolas Rieux