Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Un Voyage
Père : Samuel Benchetrit
Livret de famille : Anna Mouglalis (Mona), Yann Goven (Daniel), Céline Sallette (Claire)…
Date de naissance : 2014
Majorité : 23 avril 2014 (en salles)
Nationalité : France
Taille : 1h24 / Poids : Micro-budget
Signes particuliers (+) : Un exercice courageux de Samuel Benchetrit qui s’empare d’un sujet difficile et tourne avec simplicité et passion pour porter à l’écran plus qu’un drame lacrymal, une histoire d’amour lumineuse défiant les lois de la tragédie.
Signes particuliers (-) : Effort à la fois minimaliste et ambitieux, Un Voyage laisse cependant un sentiment troublant de creux et d’inabouti, doublé d’un manque d’émotion notoire. A trop vouloir éviter le pathos, Benchetrit fuit vers l’extrême opposé. Reste un soupçon d’ennui, une pincée de déroutant, une cuillère à café de redondance et une esthétique numérique peu gracieuse enveloppant une histoire qui fait des mystères pour pas grand-chose.
ON NE VA PAS EN SUISSE QUE POUR LES IMPÔTS
LA CRITIQUE
Résumé : Un couple dépose leur enfant à la maternelle un vendredi matin. C’est la grand-mère qui viendra le chercher le soir et qui le gardera pour le week-end. Eux partent en voyage, dans un autre pays…L’INTRO :
Acteur, réalisateur, écrivain, peintre, au cinéma ou sur les planches, Samuel Benchetrit est ce que l’on pourrait appeler un pur artiste accompli, un de ceux qui aiment toucher à tout, explorer sans cesse de nouvelles voies, s’auto-imposer de nouveaux défis. C’est ce qu’il fait d’ailleurs avec Un Voyage, son quatrième long-métrage. Une œuvre éloignée de ses travaux précédents, plus intimiste, minimaliste, montée avec beaucoup de cœur et de courage à défaut d’argent et d’une structure rassurante pour la soutenir. Petite équipe réduite, seulement une poignée de comédiens dont Yann Goven et sa muse Anna Mouglalis, un tournage éclair en numérique sur trois semaines, et par contre deux ans de montage en raison de problèmes personnels. Et Un Voyage d’être présenté par son auteur comme le premier film d’une trilogie consacrée à la femme moder, « la femme plus courageuse que l’homme. La femme et son rapport différent à la mort. La femme et son approche de la vie différente de celle de l’homme » comme l’explique Benchetrit.
L’AVIS :
Un Voyage est né de la combinaison de plusieurs choses. Une lettre éprouvante et émouvante reçue par le cinéaste dans laquelle une femme lui retranscrivait une douloureuse expérience vécue, songeant qu’elle pouvait être la base d’un film du réalisateur. Aussi, de l’envie pour Benchetrit de se confronter à la brutalité radicale de la mort, thématique liée à l’amour. Le metteur en scène avait déjà en tête un possible documentaire sur ces désespérés qui partent à l’étranger, dans ces pays pratiquant l’euthanasie médicale. Ce sera la base de ce lourd Voyage, film difficile et exigeant à tous les niveaux mais non dénué d’une certaine beauté au-delà de la noirceur accablante de son sujet.
Le nouveau Samuel Benchetrit est une œuvre déconcertante, tout petit film par l’aspect mais qui voit grand dans ses intentions de fond. Un Voyage est confectionné dans un minimalisme extrême convoquant autant le cinéma du Dogme danois que celui d’un Jacques Douillon, que le cinéaste cite d’ailleurs en référence inspiratrice. Drame lourd sur la maladie, histoire d’amour puissante et en un sens lumineuse, pamphlet pro-euthanasie à l’heure ou la question occupe fortement l’espace de discussion sociétal tout en symbolisant le fossé qui sépare les mentalités traditionalistes de nos politiciens et les envies de modernité sociales d’une majorité des citoyens… Un Voyage est beaucoup de choses à la fois et s’il est au moins une chose qu’il n’est pas, c’est une œuvre cynique profitant de sa thématique pour racler les trémolos de fonds de gorge. Benchetrit fait preuve d’une retenue admirable, tout à son honneur, privilégiant la force de l’amour inconditionnel qu’exige ce genre d’acte pour les proches. Une retenue peut-être excessive même, quand cette forme de cinéma radical ancré dans le réalisme brut peine à soulever l’émotion, même si sa sobriété et sa pudeur finissent par pulvériser les conventions cinématographiques pour atteindre quelque chose de supérieur en rapport avec la vie.
Souvent insaisissable, comme lorsqu’il semble s’applique à faire des mystères sur des secrets de polichinelle à mesure que son histoire reste évasive, parfois maladroit dans son expérimentalisme désarmant, un peu long aussi en dépit de sa courte durée, quand l’extrême concision d’un récit très resserré l’amène à tourner un peu en rond autour de son sujet… Un Voyage est une semi-réussite teintée d’audace. Un exercice intéressant auquel il semble manquer quelque-chose pour en faire une œuvre vraiment aboutie.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux