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UN JOUR DANS LA VIE DE BILLY LYNN d’Ang Lee : la critique du film

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billy lynnMondo-mètre
note 4 -5
Carte d’identité :
Nom : Billy Lynn Long halftime walk
Père : Ang Lee
Date de naissance : 2016
Majorité : 1er février 2017
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h45 / Poids : NC
Genre : Drame, Guerre

Livret de famille : Joe Alwyn, Kristen Stewart, Garrett Hedlund, Vin Diesel, Steve Martin, Chris Tucker, Ben Platt, Tim Blake Nelson…

Signes particuliers : Ang Lee en mode moins spectaculaire mais plus passionnant.

UN NOUVEAU SUCCÈS EN PERSPECTIVE

LA CRITIQUE DE UN JOUR DANS LA VIE DE BILLY LYNN

Résumé : En 2005, Billy Lynn, un jeune Texan de 19 ans, fait partie d’un régiment d’infanterie en Irak victime d’une violente attaque. Ayant survécu à l’altercation, il est érigé en héros, ainsi que plusieurs de ses camarades. Et c’est avec ce statut qu’ils sont rapatriés aux Etats-Unis par l’administration Bush, qui désire les voir parader au pays… avant de retourner au front. Joe Alwyn;Beau Knapp;Ismael Cruz Cordova;Barney Harris;Astro Brian BradleyCinq ans qu’Ang Lee avait disparu des écrans. Précisément, depuis 2012 et le triomphe planétaire de son Odyssée de Pi, couronné de quatre Oscars. Avec Un Jour dans la Vie de Billy Lynn, le cinéaste taiwanais fait un retour plus discret, avec une œuvre plus modeste, moins spectaculaire et plus intimiste, centrée sur le retour à la maison, d’un jeune soldat posté en Irak. Cela dit, plus « discret », tout se discute. Car le nouveau long-métrage du cinéaste aurait pu être une prouesse cinématographique inédite si ses ambitions artistiques n’avaient pas été contraintes par les technologies actuelles. Pour bien comprendre, Ang Lee a formulé sa nouvelle réalisation en 120 images par seconde, en 4K et en 3D. 120 images / seconde… A titre de comparaison, le cinéma classique utilise du 24 ips et Le Hobbit, avec sa cadence particulière visant l’immersion, était allé jusqu’à s’offrir du 48 ips ! 120 images par seconde est donc un pari révolutionnaire, malheureusement pour Ang Lee, très peu de salles peuvent supporter un tel choix et le public devra, pour l’immense majorité, se contenter d’une « normalité » de projection.Billy_Lynn_9Avec Un Jour dans la Vie de Billy Lynn, Ang Lee réunit toutes les forces en présence dans l’immensité de son cinéma d’hier et d’aujourd’hui. Le cinéaste chercherait-il à signer son œuvre la plus suprême ? Toujours est-il qu’on y retrouve sa capacité à aller dénicher la plus profonde humanité de ses personnages, à mettre en valeur leurs émotions et ressentis, à catapulter du spectacle flamboyant au milieu d’une œuvre à la richesse insondable. Le tout avec un formalisme artistique fabuleux, tour à tour explosif ou plus masqué. Avec cette adaptation du roman éponyme de Ben Fountain, c’est un film d’une grande maturité que propose Ang Lee. Maturité et finesse, sont d’ailleurs les deux maîtres-mots qui dirigent ce projet absolument fascinant d’intelligence. Alors que l’Amérique est encore en guerre depuis l’ère Bush, et alors que l’on n’a de cesse de parler des ravages du désormais connu syndrome post-traumatique, Un Jour dans la Vie de Billy Lynn s’interroge justement sur les échelles de valeur qui frappent ces soldats revenant du front, et se retrouvant soudainement propulsés dans une existence marquée par l’artificialité et la futilité des problèmes. Billy Lynn, et toute sa compagnie Bravo, reviennent en héros au pays. Des héros sur lesquels va se jeter la société-spectacle américaine, qu’Ang Lee égratigne à la ponceuse.

Billy (Joe Alwyn) with Dime (Garrett Hedlund) in TriStar Pictures' BILLY LYNN'S LONG HALFTIME WALK.

L’Amérique « vénère tout mais elle ne respecte rien« , entendait t-on clamer de manière désabusée, le personnage incarné par Ryan Gosling dans le récent La La Land de Damien Chazelle. Cette petite tirade, c’est tout le fond du film d’Ang Lee. Ou comment dans sa frénésie et son emballement malhabile, l’Amérique cherche sans cesse à s’ériger des idoles, sans jamais les respecter au-delà du sacro-saint spectacle de façade. Dans Billy Lynn, c’est un héros fraîchement traumatisé par l’horreur de la guerre et la perte d’un camarade mort dans ses bras, que l’on suit alors qu’il est jeté en pâture dans l’arène. Il va être montré au public, telle une bête de foire, trimballé en Hummer et exhibé lors de la mi-temps d’un match de foot américain, entre deux chansons des Destiny’s Child. Lui qui revient du front, lui qui revient d’une guerre où il pensait défendre les nobles idéaux de son pays, le voilà soudainement réduit à être un maillon dans un grand show sportif, retransmis en live pour divertir les foules. Ang Lee, et l’auteur du roman avant lui, se posent la question de savoir ce qui peut bien se passer dans la tête d’un gars comme ça, confronté à l’horreur il y a une semaine, et désormais spectateur paumé d’un spectacle auquel il participe physiquement, certainement pas mentalement. Comment pourrait-il en être autrement ? Comment pourrait-il se délecter de cette participation à un show futile, comment peut-il gérer émotionnellement, la confrontation à une situation si artificielle et loin de ses préoccupations d’il y a quelques jours encore ?Billy_Lynn_8A travers Un Jour dans la Vie de Billy Lynn, Ang Lee rend hommage aux soldats qui combattent courageusement au front. Mais le cinéaste ne s’embourbe jamais dans un quelconque patriotisme de propagande qui réduirait son œuvre. Son film voit sans cesse plus loin. Certes, Billy Lynn est bavard, plus réflexif que dynamique malgré d’époustouflantes scènes de combats entrevues en flashback, mais le drame est formidable de pertinence et de justesse, à la mesure de la prestation des comédiens qui l’incarnent. Aux détour des échanges entre ces héros de la guerre et leurs interlocuteurs d’un jour, le cinéaste évoque beaucoup de choses. Les motivations de la guerre, le fameux « nerf » qui l’anime, les opinions de chacun, la notion d’être soldat, l’amitié indéfectible, le déchirement psychologique de ces hommes à la fois désireux et incapables de rentrer, l’exploitation de la bravoure d’autrui, le cynisme de la société américaine, sa stupidité, sa cupidité et sa superficialité, l’irrespect, le souci de reconnaissance, l’impact sur les proches. Un Jour dans la Vie de Billy Lynn est un grand film qui le cache bien. On pourra lui reprocher bien des choses, quelques maladresses de scénario, des longueurs ou des idées parfois un brin sur-appuyées. Mais dans l’ensemble, Ang Lee signe un film important, une sorte de miroir renvoyant à l’Amérique, une image peu glorieuse d’elle-même, mais tellement vraie.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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