Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : L’Etrange Couleur des Larmes de ton Corps
Parents : Hélène Cattet et Bruno Forzani
Livret de famille : Klaus Tange, Jean-Michel Vovk, Sylvia Camarda, Sam Louwyck, Anna D’Annunzio…
Date de naissance : 2013
Majorité : 12 mars 2014
Nationalité : France, Belgique, Luxembourg
Taille : 1h42
Poids : 1,9 M€
Signes particuliers (+) : On en attendait pas moins du duo Cattet-Forzani avec ce nouvel hommage au giallo italien, mais une fois de plus, leur expérience sensorielle s’inscrit dans un travail esthétique somptueux au formalisme expérimental virtuose et séduisant, que renforce une BO référentielle magnifique. Mention à la splendide affiche du film.
Signes particuliers (-) : Mais le tandem creuse à outrance dans le sillage de leur précédent Amer au point de s’y enfermer, réduisant leur nouvelle oeuvre à un exercice de style nombriliste répétant inlassablement les mêmes motifs jusqu’à l’écœurement dans un chaos narratif profondément ennuyeux et passablement abscons, perdant le spectateur en chemin. Certes, c’est beau… mais c’est chiant aussi.
L’ÉTRANGE COULEUR, C’EST CELLE DE LA DOULEUR…
LA CRITIQUE
Résumé : Une femme disparaît. Son mari enquête sur les conditions étranges de sa disparition. L’a-t-elle quitté? Est-elle morte? Au fur et à mesure qu’il avance dans ses recherches, son appartement devient un gouffre d’où toute sortie paraît exclue…
L’INTRO :
Le duo Hélène Cattet et Bruno Forzani, sacré empereur du néo-giallo expérimental au formalisme psychédélique ultra-travaillé après plusieurs courts et surtout l’éblouissant Amer, leur premier long tourné en 2009, signe avec L’Etrange Couleur des Larmes de ton Corps son deuxième film de cinéma. Une nouvelle œuvre singulière toujours inscrite dans la même veine hommage, quelque part entre le policier et l’épouvante mais résolument imitatrice du célèbre courant horrifique italien des années 70-80 sublimé par le maître incontesté Dario Argento. Ce nouvel essai giallesque déroutant qui a coup sûr ne manquera pas de diviser, s’est vu nommé et primé dans plusieurs festivals de genre à l’image du dernier PIFFF, autant qu’il n’est pas parvenu à convaincre avec la même force que son prédécesseur.
L’AVIS :
Amer était déjà une immersion cinématographique à la fois étrange et séduisante, véritable expérience sensorielle, hypnotique et fascinante rendant un vibrant hommage au giallo italien recréé avec une maîtrise éperdument magistrale. Avec L’Etrange Couleur des Larmes de ton Corps, le tandem creuse férocement le même sillon au point de s’enterrer dedans et de laisser exploser les limites de leur art, même si l’on espère de tout cœur nous tromper à ce sujet et voir la suite de leur carrière trouver de nouveaux moyens d’expression au risque sinon, de s’enfermer dans un style certes reconnaissable et virtuose mais aussi répétitif et sur-abscons.
Ici, le duo ne fait qu’appuyer leur langage si admirablement loué lors de la découverte de la claque qu’était Amer, instantanément portée au panthéon des films chéris par rien de moins qu’un Tarantino pour ne citer que lui. Mais cette exploration approfondie, Cattet et Forzani la conçoivent dans la surenchère. Surenchère de déconstruction de la narration, surenchère d’effets rhétoriques visuels comme sonores, surenchère d’expérimentalisme exacerbé, au point d’ancrer leur film dans une débauche d’excès fatigante, semblable au gavage des oies qu’incarnent leur public. Entre répétitions stylistiques, digressions inutiles, expérimentalisme forcé, ennui mortifère et récit nébuleux, L’Etrange Couleur des Larmes de ton Corps passe rapidement du chef d’œuvre plastique conférant au travail d’orfèvrerie à la torture sensorielle interminable d’autant plus regrettable que formellement, ce cauchemar labyrinthique est une fois de plus splendide, porté par un soin de chaque instant de la composition du moindre plan et une bande originale parfaite d’à-propos, écumant Ennio Morricone, Riz Ortolani, Bruno Nicolai ou Mauricio de Angelis, entre autres. Mais trop c’est trop, et la virtuosité esthétique permanente n’a jamais été gage de bon film, surtout quand elle employée uniquement à des fins de démonstration over-auteurisante et prétentieuse.
Œuvre dédaleuse et indigeste qui nous perd, car à force de se regarder le nombril, inexorablement on finit par lui tourner le dos, L’Etrange Couleur des Larmes de ton Corps marque (déjà) les limites du travail proposé par le tandem Cattet-Forzani. Les duettistes semblent ne jamais considérer leur public, trop occupés à leur travail d’imitation appliqué du giallo italien, par une expérience coincée quelque-part entre Michael Powell, David Lynch et Argento bien sûr, en premier lieu le fabuleux Suspiria que l’on a l’impression de voir revivre au gré de plans, scènes ou séquences. Autant on peut être fou de ce brillant chef d’œuvre d’épouvante du maesto italien, autant la répétition lassante des mêmes motifs sur plus d’1h45 n’allant guère au-delà du pur exercice de style, s’enveloppe ici dans une pénibilité extrême au point de voir le film s’épuiser dans sa quête et nous épuiser à la contempler.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux