Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Les Ardennes
Père : Robin Pront
Date de naissance : 2015
Majorité : 13 avril 2016
Type : Sortie en salles
Nationalité : Belgique, Hollande
Taille : 1h33 / Poids : NC
Genre : Drame, Thriller
Livret de famille : Jeroen Perceval, Kevin Janssens, Veerle Baetens, Jan Bijvoet, Sam Louwyck…
Signes particuliers : Précédé d’une excellente réputation, Les Ardennes arrive en salles et bonne nouvelle : il la mérite.
LA BELGIQUE A ENCORE FRAPPÉ
LA CRITIQUE
Résumé : Un cambriolage tourne mal. Dave arrive à s’enfuir mais laisse son frère Kenneth derrière lui. Quatre ans plus tard, à sa sortie de prison, Kenneth, au tempérament violent, souhaite reprendre sa vie là où il l’avait laissée et est plus que jamais déterminé à reconquérir sa petite amie Sylvie.Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’entre-temps, Dave et Sylvie sont tombés amoureux et mènent désormais une vie rangée ensemble. Avouer la vérité à Kenneth pourrait tourner au règlement de compte…L’INTRO :
Le cinéma belge traverse actuellement une très bonne passe et c’est pas pour nous déplaire. Et à l’inverse de ses paysages lui ayant valu le surnom de « plat pays », sa production s’inscrit à l’opposé même de cette dénomination chantée par Brel, affichant des reliefs escarpés que l’on gravit au terme d’intenses balades cinématographiques douloureuses et brute de décoffrage. En ce mois d’avril, le cinéma belge prouve encore une fois son indéniable qualité avec un nouveau venu précédé d’une glorieuse réputation : Les Ardennes. Premier long-métrage du jeune Robin Pront et adaptation d’une pièce de théâtre vieille de dix ans, Les Ardennes est une petite claque qui aura su séduire le dernier festival de Beaune, d’où il est reparti avec le prix « Sang Neuf », prestigieuse distinction très convoitée. Et justement, du « Sang Neuf », c’est exactement ce qu’apporte cet effort, au genre dans lequel il vient se ranger tel un garnement énervé.L’AVIS :
Difficile de renouveler un créneau aussi codifié que le polar noir. Le registre a beau arborer plusieurs visages selon les affinités et les essences de chaque pays qui en ont une culture forte (Etats-Unis, Angleterre, France ou Belgique), il n’en reste pas moins que tous ont beaucoup été traités ces derniers temps au cinéma. Toute l’intelligence de Robin Pront avec Les Ardennes, est justement de ne pas chercher à renouveler prétentieusement quoique ce soit, mais au contraire, de s’insérer dans ce qui a été fait auparavant, en essayant d’apporter du mieux possible, sa pierre à l’édifice. Polar noir et Belgique, deux choses qui riment passionnément depuis pas mal d’années maintenant, avec régulièrement, des œuvres aussi fascinantes que brutales. Et voilà à quoi ressemble cette virée âpre et implacable, qui fait l’effet d’une petite gifle désarçonnante, laissant une belle trace rouge sur la joue. Autant influencé par Nicolas Winding Refn que par Fargo ou Bullhead, Les Ardennes est typique d’un certain néo-cinéma belgo-flamand très sombre, très fort, à la fois nerveux, touchant, violent, social, intense, romanesque aussi à sa manière. Robin Pront n’invente (ni ne réinvente) rien, mais sa plongée torturée dans l’histoire de deux frangins aux trajectoires compliquées, a du caractère, et c’est déjà un noble premier atout.A l’image de ses deux personnages contrastés, Les Ardennes est un savant mélange tout en équilibre, puisant chez l’un, sa rage et sa nervosité expressive, et chez l’autre, son calme précaire et sa profondeur psychologique. Kenneth sort de prison et c’est déjà une boule de nerf dont la violence intérieure enfouie ne demande qu’à ré-exploser de façon viscérale à l’écran. Dave, lui, est le petit frère qui a profité de l’absence de cette figure écrasante, pour tenter de se construire une vie loin des affres de la criminalité. Mais le retour de ce frère anti-prodigue va être le catalyseur d’un glissement de terrain. Les lignes fragilement établies vont trembler sous la résonance de ce séisme humain, et la tragédie va venir s’inviter au milieu de retrouvailles redoutées, et à juste titre. Les Ardennes est un choc. Un choc à la fois humain, visuel et sonore. A travers une mise en scène toute en tension et d’une exceptionnelle maîtrise, Robin Pront va réussir à immerger le spectateur dans son drame, au point de le noyer sous les vagues d’angoisse sourde qui viennent s’abattre sur des rétines envoutées, sans cesse provoquées par le bouillonnement de cette œuvre à l’impact monstre. Le fracas de la violence de son histoire trouve un écho permanent dans le fracas sonore qui l’anime, Les Ardennes errant perpétuellement entre bruits agressifs soulignant sa violence contenue et techno furieuse cristallisant cette colère expulsée par procuration.Racé, terriblement nihiliste et dévastateur, Les Ardennes est la double chronique sans concession d’un mal-être et d’un malaise qui conduira au pire. Souvent suffocant, sensoriel et instinctif, le long-métrage de Robin Pront est un piège anxiogène, de ces films qui nous attirent dans leurs filets avec l’impossibilité de pouvoir y dénicher une quelconque échappatoire. Capturé par la pression qui s’en dégage à chaque minute, on ne peut que se faire le spectateur impuissant d’une descente aux enfers malheureusement inévitable. Une descente qui fera mal, très mal, et qui va bouleverser au point de nous laisser dans le vertige d’un état d’hébétement.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux