Il est des tournages comme ça, qui resteront dans les annales du cinéma tant ils ont pu être épiques, fastidieux ou cauchemardesques. On cite souvent en exemple le malchanceux Don Quichotte de Terry Gilliam, le bourbier Apocalypse Now de Coppola, L’Enfer de H.G. Clouzot (qui portait bien son titre)… Trois tournages chaotiques qui ont d’ailleurs donné lieu à des documentaires. On pourrait rajouter celui de Waterworld (voir notre article) et des dizaines d’autres… comme celui de Predator justement, le film culte de John McTiernan avec Arnold Schwarzenegger sorti en 1987. Et dire qu’à la base, le film était juste une blague !
Tout commence en 1985. Rocky IV vient de sortir en salles et le boxeur le plus célèbre du cinéma y met au tapis le colosse Ivan Drago. Concrètement, Sylvester Stallone a enchaîné quatre films dans lesquels il battait successivement les baraqués Carl Weathers puis Doph Lundgren. Pour rigoler, une blague a commencé à faire le tour d’Hollywood. A court d’êtres humains à battre si jamais un Rocky V se faisait, il allait devoir bientôt affronter des extraterrestres pour trouver un adversaire à sa taille. Mais alors que la plaisanterie circule de plus en plus, deux scénaristes se disent… « et pourquoi pas ? ». Jim et John Thomas se lancent alors dans l’écriture d’un film où une montagne de muscles affronte un alien. Le script s’appelle alors Hunter. Peu de temps après, changement de dimension. D’une blague, le projet devient très concret. La 20th Century Fox récupère le bébé et engage le spécialiste des blockbusters funs pour le produire : Joel Silver. Ce dernier vient de tourner Commando avec Schwarzy et pense à lui pour en être la star. A son tour, Schwarzy suggère un nom, celui de John McTiernan pour le réaliser. L’acteur vient d’être très impressionné par Nomads, son premier film tourné avec un budget pourtant supra-limité. John McTiernan hérite du poste et exit Geoff Murphy (Utu), initialement pressenti. Le reste du casting sera ensuite vite bouclé, à part un accroc nommé Jean-Claude van Damme. Le belge perché plus haut que Renaud Lavillenie, devait à la base incarner la créature, mais entre ses plaintes constantes au sujet du costume qu’il trouvait trop lourd et trop chaud et des désaccords financiers avec le studio, il fut renvoyé. L’immense Kevin Peter Hall (2m19) récupéra la patate chaude.
Après des mois de travail sur le look du Predator du côté de chez Stan Winston (avec au passage une première version pas très convaincante), direction la jungle mexicaine en avril 1986. C’est là que les vraies emmerdes vont commencer. Avant même le premier « moteur-action », deux techniciens vont périr dans le crash de leur avion les amenant sur place. Le tournage commence donc sous le signe du deuil. Puis les galères et l’enfer… Les conditions sur place sont extrêmement dures, à vous faire regretter le confort d’un bon vieux studio en toc (seules quelques scènes seront tournées en studio). La journée, les températures pouvaient grimper très très haut, sans parler du taux d’humidité étouffant. La nuit, c’était tout l’inverse, il faisait excessivement froid et tout le monde se les gelait. De quoi bien refroidir l’eau. Et quand vous devez tourner dans une rivière glacée en pleine nuit… Quel bonheur. A forcer de se cailler les biscottos, l’ami Schwarzy finit par en avoir sa claque. L’acteur se met alors au jägertee, une boisson autrichienne venue d’Autriche bien alcoolisée (40°), du genre qui vous réchauffe le conduit des lèvres au rectum. Et ce qui devait arriver arriva. Schwarzy était complètement bourré sur le plateau. Après une petite pause d’une quinzaine de jours pour cause de mariage (il était parti épouser Maria Shriver), le tournage reprend mi-mai et là… notre bonne amie la tourista entre en piste ! Quasiment toute l’équipe tombe malade, Schwarzy compris, qui lui est carrément hospitalisé et perd 10 kilos. En plein tournage, autant dire que ça se voit un peu à certains moments du film.
A tout cela s’ajoutait une ambiance compliquée due à l’énervement général, l’épuisement car les comédiens soulevaient sans cesse de la fonte pour rester en forme, ou encore les menaces d’une forêt hostile, style les sangsues dans l’eau dont l’acteur Kevin Peter Hall se souviendra longtemps. En parlant de lui, le malheureux devait en plus se coltiner ce costume du Predator qui pesait deux tonnes, dans lequel il faisait une chaleur à crever et où l’on ne pouvait pas voir (il devait donc mémoriser ses déplacements à l’avance pour chaque scène). Cerise sur le gâteau, la présence « sympathique » de l’acteur Sonny Landham (Billy Sole) qui se déplaçait toujours accompagné de son garde du corps. Trouillard le pépère ? Pas du tout, ce dernier n’était pas là pour protéger le comédien des autres… mais pour protéger les autres du comédien ! En effet, le mec avait fait de la prison et se traînait une réputation de type violent, imprévisible et incontrôlable.
Que de douleur au final pour pouvoir accoucher de ce chef-d’oeuvre du cinéma d’action bis des années 80. A sa sortie, Predator se fera littéralement dézinguer par la critique. Heureusement, le public sera au rendez-vous lui, et le film sera un gros succès avant d’entrer dans la pop culture et de devenir aussi culte que son monstre.
Super intéressant
Merci beaucoup