Nous sommes le 10 août 1950 à Hollywood. La soirée est animée en ville car c’est la grande Première du nouveau film de Billy Wilder : Sunset Boulevard. Le nouveau chef-d’œuvre du cinéaste avec Gloria Swanson et William Holden tourne autour de la rencontre entre un petit scénariste sans le sou et une vieille gloire du cinéma muet qui rêve de faire son grand retour à l’écran mais qui, pour l’instant, vit recluse dans sa luxueuse demeure de Beverly Hills. Avec ce monument du cinéma, Billy Wilder dressait un portrait au vitriol des coulisses d’Hollywood, égratignant sa vitrine faite de strass et de paillettes pour dévoiler un envers du décor moins glorieux, sombre, presque sordide et triste. Alors qu’Hollywood vivait son « âge d’or », Wilder s’ingéniait déjà à en filmer le crépuscule, préfigurant la chute inéluctable de l’Empire doré en le présentant comme une jungle cruelle.
A la Première, tout le gratin était là. Et dans le gratin, il y avait le tout-puissant Louis B. Mayer, l’impitoyable patron de la MGM. S’il y a bien un homme qui pourrait personnifier à lui-seul la cruauté de la jungle hollywoodienne, c’était bien lui. On se souvient encore de la manière dont il a géré le tournage épique du Magicien d’Oz de Victor Fleming avec la malheureuse petite Judy Garland. Alors âgée de 16 ans, Judy Garland allait connaître la gloire avec ce premier grand rôle. Mais à quel prix. Pendant de longs mois, elle fut privée de tout, fliquée par les petites mains de Mayer qui régissait totalement sa vie en lui interdisant la moindre distraction, le moindre plaisir alimentaire, le moindre flirt. Le pire restant les médicaments. Mayer a littéralement détruit Judy Garland (voir le film Judy avec Renée Zellweger qui sort en février prochain), flinguant sa vie à jamais en la rendant accroc aux amphétamines pour combattre son extrême fatigue et la booster quotidiennement. Sans parler du corset ultra-serré qu’elle devait porter pour cacher sa poitrine et paraître 12 ans, corset qui la faisait souffrir aux larmes. On passera sur les baffes qu’elle se prenait du réalisateur Victor Fleming (sur les conseils de Mayer) quand elle avait malheur de rire et de ralentir un peu la production. Bref, patron de poigne, Louis B. Mayer était surtout un boss cruel pour qui tous les moyens étaient bons afin de faire fonctionner l’industrie à rêves.
Revenons-en au 10 août 1950 donc. Louis B. Mayer assiste consterné au spectacle vitriolé de Billy Wilder et il n’appréciera guère de voir un cinéaste d’Hollywood dézinguer ainsi le système que le producteur vénérait tant. A l’issu de la projection, Mayer fonça droit sur Wilder et lui tomba dessus sans ménagement, lui balançant à la figure qu’il devrait être plongé dans du goudron, recouvert de plumes et traîné à travers tout Hollywood pour en être jeté dehors. Violent quand même. On imagine la tétanie de Billy Wilder devant le nabab en surpoids qui, de plus, avait le pouvoir de briser des carrières… Sauf que non. Le plus simplement du monde et avec un aplomb rieur à la mesure de son talent, Billy Wilder lui a répondu en quatre mots simples et efficaces devant toute l’assistance : « Va te faire foutre ! » (en version polie). Simple et efficace disait-on. Bon, Billy Wilder retravaillera pour tous les studios, de la Fox à la Warner en passant par la Paramount ou Universal… mais jamais pour la Metro-Goldwin-Mayer !
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Par Nicolas Rieux